Les difficultées d’une PMA pour les personnes racisées en France
La PMA, Procréation Médicalement Assistée, permet aux couples hétéro et maintenant lesbiens ou aux femmes seules de pouvoir avoir un enfant par le biais de diverses techniques :
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l’insémination artificielle, qui consiste à déposer les spermatozoïdes dans l’utérus pour faciliter la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule.
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la FIV (Fécondation In Vitro) qui a lieu en laboratoire. Un spermatozoïde est alors directement injecté dans l’ovule pour former un embryon. L’embryon ainsi conçu est ensuite transféré dans l’utérus de la future mère.
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La dernière technique, celle sur laquelle notre article se concentre, est la PMA. Elle consiste à l’accueil de l’embryon dans l’utérus. Il est proposé à l’accueil par un couple donneur ou une femme seule donneuse anonyme, puis transféré dans l’utérus de la femme receveuse.
On a choisi de se concentrer sur la France car il existe peu de données pour la Belgique sur ce sujet.
Qu’est ce que dit la loi ?
En France, la loi bioéthique d’août 2021 relative à la PMA a élargi l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Cependant, cette loi continue à exclure les personnes trans et non binaires. Elle permet également aux enfants issus d’un don de gamètes la possibilité d’accéder à leur majorité à l’identité de leur donneur.euses ainsi qu’à d‘autres informations s’ils/elles en font la demande. Mais un sujet plus tabou persiste néanmoins : la question de l’appariement pour les personnes racisées.
L’appariement est une norme médicale qui consiste à choisir les donneur·euses de spermatozoïdes ou d’ovocytes en fonction de la personne qui va le recevoir, afin qu’iels aient le même phénotype (couleur de cheveux, taille, carnation de la peau…). Concrètement, une femme noire en recherche d’un don d’ovocyte se verra attribuer l’ovocyte d’une donneuse, noire. Or, si les dons d’ovocytes en général sont rares en France, c’est encore plus vrai pour les ovocytes de phénotype noir.
L’IOP, une pathologie qui touche les femmes racisées
Il existe de plus en plus de femmes racisées confrontées à une pathologie nommée “I.O.P” pour Insuffisance Ovarienne Précoce. Dans de tels cas, les ovaires ne fonctionnent plus correctement et produisent peu de follicules matures. Leurs chances de concevoir un embryon viable à partir de ces ovules sont réduites entre 1% et 5%. Le don d’ovocytes est donc une nécessité pour mener à terme leur grossesse.
En moyenne en France une femme blanche attend généralement 5 ans avant de recevoir un ovocyte, tandis que pour les personnes racisées cela varie entre 8 et 10 ans: nombreuses sont les femmes qui abandonnent au bout de plusieurs années d’attente, dues au manque effarant de donneuses. La France est dans une situation de grande faiblesse sur les dons d’ovocytes de manière générale.
Il aura fallu attendre 10 ans avant que l’agence de la biomédecine commence un travail d’information autour du don de gamètes avec pour objectif de favoriser l’information et la réflexion autour du don de gamètes. Des campagnes nationales ont vu le jour mais le travail reste encore long pour pallier la pénurie du don d’ovocytes en France et ce, particulièrement pour les femmes noires dans l’attente d’ovocytes issus d’autres femmes noires.
Les conséquences de ce manque de don
Par manque de donneuses en France, les femmes racisées sont contraintes de se tourner vers l’étranger, notamment l’Espagne, pour accéder à une FIV avec don d’ovocytes. Tout cela a bien évidemment un coût que peu de personnes peuvent assumer.
Le gouvernement français a donc tenté de trouver une solution en supprimant l’appariement obligatoire afin de laisser désormais le choix aux futures mères. On notera que cela ne résout pas le problème du manque de donneuses et particulièrement de donneuses racisées.
Les différentes raisons (liste non exhaustive)
Ce manque de manière générale peut s’expliquer par plusieurs raisons:
⇒ en France contrairement à l’Espagne la donneuse n’est pas rémunérée alors qu’elle doit tout de même subir un traitement hormonal assez conséquent en amont de sa donation. Mais le gouvernement refuse de rémunérer les donneuses par peur d’une marchandisation de ces dons.
⇒Il y a un autre point qui rend complexe les PMA chez les personnes racisées : le parcours de soin gynécologique : Les personnes racisées sont plus sujettes à certains obstacles dans leurs parcours gynécologiques émanant d’un racisme ordinaire. On y retrouve le syndrome méditerranéen, un stéréotype culturel à dimension raciale du monde médical, consistant pour les professionnels de santé à considérer que les personnes noires, nord-africaines, ou d’autres minorités vivant autour de la Méditerranée exagèrent leurs symptômes ce qui entraîne de facto une défaillance de la prise en charge médicale de ces personnes.
⇒ On retrouve aussi le manque de connaissances de la recherche médicale en matière de fibrome utérin, l’exotification du corps, les pratiques accrues de césariennes, etc.
Quand tous ces obstacles sur le parcours de soins s’accumulent, il n’est pas surprenant que l’accès à la technologie du don de gamètes soit plus long.
Sandrine Ngatchou, de la chaîne Ovocytemoi, s’est exprimée sur son parcours en tant que femme noire infertile ayant voulu faire une PMA. Elle explique le manque de communication sur le don en soi. Il est vrai qu’on retrouve peu de campagnes sur le don d’ovocyte et les problématiques liées à la PMA, il n’est pas rare de voir au détour d’une rue des affiches pour le don du sang ou don d’organes mais celles concernant le don d’ovocyte et de gamètes dépassent rarement le cadre des salles d’attente des hôpitaux.
Au-delà d’un travail important d’information à ce sujet il est nécessaire de rappeler que les difficultés rencontrées par les donneur.euses noires résultent surtout de piliers racistes toujours ancrés dans la culture française. On parle donc ici du syndrome méditéranéen, de l’exotification du corps, des pratiques accrues de césariennes, etc. Il est donc primordial d’entamer un travail profond permettant une réelle amélioration de la prise en charge médicale et avant tout gynécologique de ces personnes.
SOURCES
Inès de Rousiers/France Info : PMA : les femmes noires, oubliées du projet de loi ? https://la1ere.francetvinfo.fr/pma-femmes-noires-oubliees-du-projet-loi-858456.html Publié le 3 août 2020 à 11h27
Fanny Ruz-Guindos-Artigue/Libération : PMA : l’interminable attente des femmes noireshttps://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/pma-linterminable-attente-des-femmes-noires-20210607_DOPWNGKHQZACTC3IF7YI24QNPY/ Publié le 7 juin 2021 à 8h15
Ketsia et Johanna entretien de Sandrine Ngatchou/ Les flux : Entretien avec Sandrine Ngatchou d’Ovocyitetmoi http://lesflux.fr/2020/10/06/entretien-avec-sandrine-ngatchou-dovocytemoi/ Publié le 6 octobre 2020
Rozenn Le Carboulec/Médiapart : PMA : des lesbiennes non blanches déplorent un « racisme médical » https://www.mediapart.fr/journal/france/301221/pma-des-lesbiennes-non-blanches-deplorent-un-racisme-medical Publié le 30 décembre 2021 à 16h05
Patricia N’depo/Afrique Avenir : Communiqué PMA : Pour une lutte collective et politique des femmes noires https://www.afriqueavenir.fr/2019/05/28/communique-pma-pour-une-lutte-collective-et-politique-des-femmes-noires/ Publié le 28 mai 2019
La rédaction et AFP/Komitid : “Huit ans d’attente” : le combat des femmes noires pour accéder à la PMA https://www.komitid.fr/2021/08/24/le-combat-des-femmes-noires-pour-acceder-a-la-pma/ Publié le 24 août 2021 à 10 h 31
Geneviève Sagno/BBC news : « J’ai fait don de mes ovocytes pour aider des femmes noires à avoir un enfant » https://www.bbc.com/afrique/articles/c847ypxedq5o Publié le 9 novembre 2022
La rédaction d’allo docteur : Pourquoi la France manque-t-elle de donneuses d’ovocytes ? https://www.allodocteurs.fr/grossesse-enfant-procreation-assistance-medicale-a-la-procreation-pourquoi-la-france-manque-t-elle-de-donneuses-d-ovocytes-15452.html Publié le 29/01/2015, mis à jour le 03/02/2015