Les discriminations subies par les personnes en séjour irrégulier
Nous allons aborder le thématique de la discrimination sous un angle quelque peu différent, en partant d’un public-cible, bien spécifique : les personnes qui sont sans papiers, c’est-à-dire les personnes en séjour irrégulier.
A noter que l’on préfèrera l’expression de personnes en séjour « irrégulier » qu’en séjour « illégal », au vu de la connotation péjorative qui entoure la notion d’illégalité.
La situation des personnes en séjour irrégulier en Belgique
En Belgique, on estime à 1000.000 le nombre de personnes vivant en situation de séjour irrégulier [1].
Parmi ces personnes, certaines ont énormément de points d’accroche avec la Belgique : certaines y sont nées y ont suivi une partie ou l’entièreté de leur parcours scolaire ou encore ont des arrivants qui vont à l’école. Beaucoup sont intégrées depuis des années, travaillent, ont des amis et de la famille en Belgique et y ont tout simplement construit leur vie. Pourtant, si tous ces éléments nous font penser à n’importe quel citoyen belge lambda, les personnes sans-papiers vivent une réalité totalement différentes des personnes en séjour régulier. Car comme l’énonce le Ciré, une ASBL de lutte pour les droits des personnes exilées : « être sans papiers, c’est mener une existence précaire et subir des discriminations continuelles » [2].
Les discriminations subies par les sans-papiers sont nombreuses. Ne pouvant travailler qu’au noir, les personnes en séjour irrégulier sont très souvent exploitées par un « employeur » se trouvant en situation de dominance. Les sans-papiers sont victimes de marchands de sommeil, qui profitent de la situation précaire des sans-papiers pour leur proposer des habitations vétustes voire délabrées à des prix exorbitants.
Plus encore, les sans-papiers ayant toujours la crainte d’être arrêtés ou expulsés et n’ayant pas toujours la possibilité de s’informer correctement, ne font pas appel à des services essentiels tels que ceux de la santé ou de la justice. Ainsi, ils portent rarement plainte, ne vont pas chez le médecin ou même à l’école [1] [3].
Finalement, l’on voit que les droits les plus fondamentaux des sans-papiers ne jouissent pas des mêmes garanties que ceux des citoyens belges. Même dans le cadre d’une régularisation, certaines discriminations sont subies.
La politique de régularisation belge : la régularisation sur base des articles 9bis et 9ter
Pour pouvoir être régularisés en Belgique, cela peut se faire de deux façons différentes : soit via une régularisation individuelle, soit via une régularisation dite « collective », ce qu’on appelle également « une vague de régularisation ». Abordons, premièrement, la régularisation individuelle : elle se fait sur base de la loi du 15 décembre 1980. Pour pouvoir être régularisé, il faut répondre soit au prescrit de l’article 9 bis, soit de l’article 9ter. L’article 9ter permet à un étranger de demander l’autorisation de séjour s’il « dispose d’un document d’identité et souffre d’une maladie dans un état tel qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’ik n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne ». Cet article permet donc d’introduire une demande de régularisation pour motif médical auprès de l’Office des étrangers [4].
Néanmoins, au vu des strictes balises contenues dans l’article 9ter et de l’appréciation souvent trop stricte de la gravité de la maladie par l’administration, peu de demandes sont acceptées pour ce motif [5]. L’article 9bis permet, quant à lui, à un étranger de demander une autorisation de séjour « Lors de circonstances exceptionnelles et à la condition que l’étranger dispose d’un document d’identité ».
Cet article pose un problème fondamental : il ne contient aucun critère clair et objectif sur lesquels fonder une décision de régularisation. Ainsi, l’administration a un très large pouvoir discrétionnaire d’interpréter comme bon lui semble la notion « circonstances exceptionnelles ».
La politique de régularisation belge : la régularisation collective
A côté de la régularisation individuelle sur base des articles 9bis et 9ter de la loi du 15 décembre 1980, il y a ce qu’on appelle la régularisation collective, qui est une décision du gouvernement d’accorder un droit de séjour à des étrangers à un moment T. Des critères de régularisation sont alors fixés de façon temporaire. En Belgique, il y a eu deux grandes vagues de régularisation qui sont intervenues en 1999 et en 2009. Si l’on peut se réjouir du fait que les étrangers présents sur le territoire en 1999 et en 2009 aient pu obtenir un titre de séjour, ces régularisations se sont également faites au détriment des personnes en situation de séjour irrégulier n’étant pas encore présentes sur le territoire. Cette situation crée une sorte de discrimination temporelle car la régularisation des sans-papiers repose exclusivement sur le hasard ! [6]
Ainsi, ceux qui ont « la chance » de se trouver sur le territoire au moment où le gouvernement décide d’entamer une vague de régularisation se voient conférer un titre de séjour. De façon injuste, ceux qui ne se trouvent pas encore sur le territoire ou ceux qui viennent de partir volontairement chez eux, renonçant à leur rêve de rester vivre en Belgique, n’ont pas ce privilège.
Comment combler les lacunes de la politique migratoire belge ?
L’ISEF est l’acronyme de l’Indice Socio-Economique Faibles. Il s’agit d’un mécanisme créé par le gouvernement de la Communauté Française en 2009, en vue de classifier les écoles primaires situées dans une zone socio-économique précarisée.
Chaque année, des milliers de parents se vouent à une lutte sans merci pour inscrire leur enfant dans l’école idéale. Certains se satisfont automatiquement de leur deuxième ou troisième choix pensant n’avoir aucune chance par faute de moyens.
L’ISEF agit comme critère de distinction des candidatures lors de la phase d’inscription dans une école secondaire. Dès lors, il permet aux enfants sortant d’une école ISEF, d’être prioritaires. Ainsi, une école secondaire réputée d’Uccle se doit de prévoir 20,4% de sa capacité aux étudiants ISEF. Il ne reste donc qu’aux parents d’oser candidater auprès de ‘l’école de leur choix. Mais le constat est clair : peu connaissent l’existence de l’ISEF. Et comme l’explique Michel Parys, co-président de la régionale bruxelloise de l’UFAPEC, c’est l’inverse qui se produit. En effet, les parents souhaitant naturellement la meilleure formation pour leur enfant, choisissent bien souvent de l’inscrire au sein d’une école primaire loin de leur quartier précarisé, dans des écoles non ISEF.
Sources
[1] ASBL Ciré, « 110 000 une estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Belgique », disponible sur https://www.cire.be/le-chiffre-110-000-une-estimation-du-nombre-d-etrangers-en-situation-irreguliere-en-belgique/ [2] ASBL Ciré , « Sans-papiers, avec critères ! », disponible sur https://www.cire.be/chronique-sans-papiers-avec-criteres/ [3] « Proposition de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en vue d’y insérer des critères clairs, justes et précis de régularisation pour les personnes en situation de séjour irrégulier sur le territoire du Royaume et instituant une Commission indépendante de régularisation », disponible sur https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/1415/55K1415001.pdf [4] Medimmigrant, « Autorisation de séjour pour raisons médicales (art. 9ter) », disponible sur https://medimmigrant.be/fr/infos/sejour-ou-retour-en-cas-de-maladie/autorisation-de-sejour-pour-raisons-medicales-art-9ter [5] ADDE, Livre blanc sur l’autorisation de séjour pour raisons médicales (9ter) [6] Wavreille Aime, « Régularisation des sans-papiers : des critères trop flous et trop arbitraire ? », la RTBF, disponible sur https://www.rtbf.be/article/regularisation-des-sans-papiers-des-criteres-trop-flous-et-trop-darbitraire-10780959