par racism-search | Juin 16, 2025 | biais dans l'ia
Lâapprentissage automatique et ses biais
Dans cet article, nous explorons les marges dâerreurs des algorithmes dâapprentissage automatique, et comment ces marges dâerreurs, inĂ©vitables, peuvent mener Ă la propagation de biais systĂ©miques.
Si vous nâavez pas encore lu notre article dâintroduction, jetez-y un coup dâoeil, nous utiliserons les mĂȘmes analogies et le mĂȘme vocabulaire.
IdĂ©e : Si vous nâavez pas encore lu notre article dâintroduction, jetez-y un coup dâĆil : nous y introduisons les analogies et le vocabulaire utilisĂ©s dans cette partie 2 de lâarticle.
Quâest-ce quâun algorithme? [1]
La perte est la âquantitĂ©â dâerreur que lâalgorithme fait entre ses predictions et les Ă©tiquettes des observations. Seulement voilĂ , tout comme les humains, il est presquâimpossible pour un algorithme dâavoir une perte de 0. Et quand il en a une, de perte de 0, souvent, cela cache autre chose… Utilisons lâexemple que lâon vous a laissĂ© Ă lâarticle prĂ©cĂ©dent; un algorithme qui voudrait classer des chats et des chiens. Pendant lâentrainement, lâalgorithme voit ces observations-ci:

Comment classifiera-t-il George dâaprĂšs vous?

Mettons que lâalgorithme ait une marge dâerreur de 0, et prenne la couleur de la fourrure en compte. Sâil apprend la formule : âsi la fourrure est noire, alors câest un chatâ, il classifiera toujours le chat noir correctement, et nâaura aucune erreur de classification pour les autres animaux qui se trouvent dans le set dâentrainement.
Par consĂ©quent, il ya une forte probabilitĂ© quâil fasse le raccourci âsi la fourrure est noire alors câest un chatâ, et que George soit pris pour un chat ( probabilitĂ© proche de 1). Il aura donc surajustĂ© pendant lâentrainement. Câest Ă dire quâil nâaura pas tenu en compte le fait que des chiens noirs puissent exister, meme sâils nâont pas Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ©s dans les observations. Il nâa pas prĂ©vu lâimprĂ©visible! Mais le peut-il?
La généralisation
Le set de données [2]
IdĂ©alement, nous voudrions que le set dâobservations que nous donnons Ă lâalgorithme soit le plus complet possible. Câest Ă dire, quâil soit un maximum exhaustif, et diffĂ©rent [2]. Pour illustrer nos propos, prenons une peinture:
![]()
Pour comprendre le sujet de notre peinture, nous voudrions que les âmorceauxâ de lâoeuvre que lâon arrive Ă voir Ă travers la foule dans le musĂ©e (observations) soient exhaustif, câest Ă dire quâil reprĂ©sente un maximum de dĂ©tails pour que nous puissions comprendre et complĂ©ter le reste de lâoeuvre nous meme, dans notre imaginaire.

Cependant, avoir un Ă©chantillon exhaustif est assez compliquĂ©. Câest pour ça quâil est aussi important dâavoir des observations variĂ©es, pour rĂ©colter un maximum dâinformation sur le sujet de la peinture. Un manque de variĂ©tĂ© pourrait, par exemple, nous faire croire que ce tableau est en fait un jardin de rose, ou ne se constitue que de fleurs et de blasons flottants.

En bref, lorsque notre Ă©chantillon est Ă la fois exhaustif et variĂ©, tout comme nous avec nos peintures, lâalgorithme aura donc plus de facilitĂ© Ă anticiper et comprendre ce qui se passe en dehors des Ă©chantillons observĂ©s pendant lâentrainement! Si lâon ajoute donc un chien noir dans nos observations de base, lâalgorithme ne se basera pas que sur la couleur pour se faire une opinion, et aura une plus petite erreur.

 Les Traits [3]
Une maniĂšre plus simple dâendiguer le problĂšme aurait Ă©tĂ© de ne pas utiliser la couleur de la fourrure comme trait. DĂšs lors, lâalgorithme aurait Ă©tĂ© obligĂ© de prendre dâautres traits tel que la taille, la forme des pattes, le poids, etc. de lâanimal. Cela aurait pu cependant entrainer dâautres soucis, si il nây a que des grands chats et des petits chiens, ou des chats obĂšses et des chiens malnouris.
Lâintuition derriĂšre le choix des traits est que peu importe les observations que je reçois, je dois construire des traits qui me permettront de capturer les diffĂ©rences essentielles entre les deux groupes que jâessaye de classifier.
Dans lâexemple ci-dessous, mon algorithme gĂ©nĂ©ralise bien grace aux traits que jâai choisi si, peu importe le pays dans lequel jâentraine mon algorithme, il est capable de reconnaitre les fruits et lĂ©gumes du monde entier!

Lâentrainement [4]
Un autre mĂ©chanisme pour sâassurer que lâalgorithme ne sera pas surajustĂ© et pourra bien gĂ©nĂ©raliser, est de partitionner alĂ©atoirement notre set dâentrainement en plusieurs parties.
Je mâexplique. Imaginons nous avons toutes ces observations Ă notre disposition, pour entrainer lâalgorithme. Si nous les utilisons toutes pour lâentrainement, nous ne pourrons pas savoir si notre algorithme marche bien pour classifier des animaux quâil nâa pas encore vus. Alors que dans la rĂ©alitĂ©, les algorithmes que nous utilisons nâont (parfois) pas Ă©tĂ© entrainĂ©s sur nos donnĂ©es en particulier, mais sur plein de donnĂ©es, qui, on lâespĂšre, sont reprĂ©sentatives de la population.

On pourrait alors se dire que on pourrait garder une petite partie du set de donnĂ©es pour tester si lâalgorithme gĂ©nĂ©ralise bien ou pas. Par exemple, dans lâexemple du dessous, on pourra se rendre compte quâon a pas assez dâĂ©chantillons dâanimaux noirs, ce qui pose un problĂšme pour lâalgorithme.

Mais si on choisit notre partition différemment, notre algorithme apprendra peut etre mieux..

Comment faire? En apprentissage automatique, il est courant dâutiliser la âcross validationâ. Câest Ă dire dâutiliser diffĂ©rentes partitions. Une partition, câest une maniĂšre de diviser un ensemble. Par exemple, dans mon ensemble (a, b, c, d, e), une partition possible est de faire (a, b, c) et (d, e) Une autre partition serait (a, d, e) et (b, c).
Pour chaque partition, on entrainera un algorithme sur la partie âentrainementâ de la partition, et on calculera la perte sur la partie âtestâ de la partition.
Si la valeur des pertes sont diffĂ©rentes dâune partition Ă lâautre, alors on pourra dire que lâalgorithme nâest pas trĂšs stable, et est trĂšs sensible au changement, et donc ne gĂ©nĂ©ralise pas forcĂ©ment trĂšs bien. Il faudra donc bien faire attention Ă la maniĂšre de construire les partitions, ou rĂ©colter plus dâobservations.
Si la valeur des pertes est stable, alors on peut dire que lâalgorithme gĂ©nĂ©ralise bien.
Cas d’Ă©tudes [5, 6, 7]
Maintenant que vous en savez un peu plus sur les failles dâalgorithmes dâapprentissage automatique, vous avez tous les outils pour analyser et comprendre comment certains algorithmes peuvent avoir un impact nĂ©gatif sur les populations historiquement discriminĂ©es.
Prenons un algorithme fictif, qui prend, pour chaque élÚve, les traits suivants:
- les note au dernier examen de math
- le nombres dâheures de math par semaine que lâĂ©lĂšve suit
- le type dâĂ©cole (collĂšge, lycĂ©e, catholique, libre, etc.)
- le nom de lâĂ©cole (AthĂ©nĂ©e Royale de Vauban, CollĂšge du SacrĂ©-Coeur, Notre Dame des Champs, etc.)
- la ville (Charleroi, Bruxelles, Namur, Marcinelle, etc.)
et qui tente, Ă lâaide de ces traits, de prĂ©dire la note finale du prochain examen de math.

Quelle importance apporteriez vous Ă chaque traits?
L’exercice
Prenez du temps pour réfléchir aux questions suivantes:
- Quels traits jugeriez-vous importants pour la prĂ©diction, si vous Ă©tiez vous-mĂȘme enseignant·e·x·s?
- Selon vous, quels traits pourraient biaiser lâalgorithme?
- Pourquoi les traits que vous avez choisis ci-dessus pourraient-ils créer des injustices?
La réalité
En tant quâassistante de cours, jâaurais tendance Ă regarder la note du dernier examen de math ainsi que le nombre dâheures suivies en math pour jauger le niveau de en ? mathĂ©matique s ?dâun·ex Ă©lĂšve. Vous aussi?
La réalité malheureusement, est parfois différente. En atteste le tristement célÚbre cas de prédiction de note en Angleterrelors de la période COVID.
Pour postuler dans une universitĂ© compĂ©titive, il vous faudra souvent soumettre vos bulletins de notes, votre CV et une lettre de motivation. Les universitĂ©s anglaises, elles, ont dĂ©cidĂ© dâĂȘtre originales et de demander Ă vos professeur·exs de prĂ©dire les notes que vous obtiendrez Ă l’examen final (ce qui amĂšne dĂ©jĂ plein de biais en soi meme).

Seulement voilĂ , :pendant le confinement, les professeur·exs ne pouvaient pas connaĂźtre leurs Ă©lĂšves. Donc, plutot que de ne pas utiliser le concept de notes prĂ©dites cette annĂ©e lĂ , lâAngleterre a dĂ©cidĂ© dâutiliser un algorithme dâapprentissage automatique pour faire les prĂ©dictions Ă la place des professeur·exs!
Et, roulements de tambours…
Lâalgorithme ne fonctionnait pas trĂšs bien. Sur le graphe ci-dessous, on peut voir que pour 58.7% des Ă©lĂšves, les notes prĂ©dites par les professeur·xs Ă©taient similaires Ă celles prĂ©dites par lâalgorithme. Cependant, lâalgorithme prĂ©disait des notes plus basses que celles des professeurs pour plus de 35% des Ă©lĂšves.
Sans surprises, cela a principalement impacté les minorités pauvres, et donc souvent racisées.
Lâalgorithme a pris en compte lâĂ©cole dans laquelle lâĂ©lĂšve avait Ă©tĂ© scolarisé·ex pour faire sa prĂ©diction. Les Ă©lĂšves brillant·exs dans une Ă©cole oĂč la moyenne est un peu moins bonne que dâautres (gĂ©nĂ©ralement les Ă©coles publiques) ont donc Ă©tĂ© systĂ©matiquement sous-coté·exs. Au contraire, les Ă©lĂšves des Ă©coles privĂ©es, et donc mieux financĂ©es et beaucoup plus sĂ©lectives, ont elleux Ă©tĂ© surcoté·exs.
En bref, les élÚves des écoles publiques étaient désavantagé·exs, et celleux des écoles privées, davantages avantagé·exs.
Quels biais systĂ©miques cela entraĂźne-t-il, dâaprĂšs vous?
Parce que cet algorithme a principalement impactĂ© les Ă©lĂšves du public, et donc celleux venant dâun milieu socio-Ă©conomique en gĂ©nĂ©ral plus dĂ©favorisĂ© il a discriminĂ© davantages de personnes racisĂ©es que de personnes blanches, de par la rĂ©partition des richesses en Angleterre. Si personne nâavait trouvĂ© ce biais, cet algorithme aurait donc pu saboter la carriĂšre de nombreuses personnes racisĂ©es dĂšs leur entrĂ©e dans la vie adulte tout en donnant un avantage Ă des personnes blanches, issues de milieu aisĂ©, scolarisé·exs dans des Ă©coles envoyant dĂ©jĂ beaucoup de leurs Ă©lĂšves dans des universitĂ©s prestigieuses.
La propagation des biais
La propagation des biais ne doit pas etre inévitable. Pour endiguer ce phénomÚne, il est essentiel de travailler collectivement: programmeureuses/développeureuses/ingénieureuses, ainsi que sociologues, activistes, economistes, etc.
Dans le prochain article, nous introduirons un framework qui vous permettra dâanalyser vous-mĂȘme les risques que les algorithmes dĂ©ployĂ©s peuvent engendrer, et nous analyserons plus de cas ensemble! NâhĂ©sitez pas Ă nous faire des suggestions de cas pour notre prochain article!
Sources
[1] Lecture 3: Loss Functions and Optimization, Accessed May 5th, 2025. https://cs231n.stanford.edu/slides/2017/cs231n_2017_lecture3.pdf
[2] Mehrabi, Ninareh, et al. « A survey on bias and fairness in machine learning. » ACM computing surveys (CSUR) 54.6 (2021): 1-35.
[3] Hort, Max, et al. « Bias mitigation for machine learning classifiers: A comprehensive survey. » ACM Journal on Responsible Computing 1.2 (2024): 1-52.
[4] Lecture 4&5: Nonlinear Ridge Regression; Risk, Regularization, and cross-validation, Accessed May 5th, 2025 https://www.cs.ox.ac.uk/people/nando.defreitas/machinelearning/lecture4.pdf
[5] A-levels: Dreams ruined by an algorithm, Accessed May 28th 2025, https://www.bbc.com/news/uk-northern-ireland-53767773
[6] Coronavirus: The story of the big U-turn of the summer, Accessed May 28th 2025 https://www.bbc.com/news/education-54103612
[7] A-levels and GCSEs: Student tells minister you’ve ruined my life, Accessed May 28th 2025, https://www.bbc.com/news/uk-53791736
par racism-search | Mai 4, 2025 | biais dans l'ia
Lâapprentissage automatique et ses biais
Notre quotidien est influencĂ© par une sĂ©rie dâalgorithmes, invisibles ou non. Mais qui sont ces algorithmes? Comment sont ils dĂ©velopĂ©s?
Ont-ils des aspects cachés dont nous devrions nous méfier?
Dans cette sĂ©rie, nous nous concentrerons sur les algorithmes de lâapprentissage automatique, un sous-ensemble de lâintelligence artificielle.
Lis nos articles pour découvrir comment les biais sociétaux sont propagés et amplifiés à travers ces algorithmes.
Pour cette premiĂšre partie, nous vous donnons les outils nĂ©cessaire pour comprendre les bases de l’apprentissage automatique, pour plus tard comprendre comment les biais s’y introduisent.
Quâest-ce quâun algorithme? [1]
Lâalgorithme est Ă lâinformatique ce que la recette est Ă la cuisine. Ses ingrĂ©dients sont des donnĂ©es, il est Ă©crit par des ingĂ©nieur·exs en informatique/informaticien·nexs, et Ă la place de bons petits plats, lâalgorithme nous ressort des rĂ©sultats digitaux.

Un exemple dâalgorithme peut ĂȘtre simplement:

Si on lance lâalgorithme de cette maniĂšre: addition(5, 6), il nous renverra 11. (Il prendra 5 comme Ă©tant a, et 6 comme Ă©tant b).
Un autre algorithme auquel vous ĂȘtes probablement confronté·exs de maniĂšre rĂ©guliĂšre est celui qui, par exemple, trie les articles que vous recherchez du moins cher au plus cher sur les sites de ventes en ligne. Cela peut paraitre assez simple. Dâailleurs, si je vous donne cette liste: [4, 7, 5, 78, 2] vous pouvez vous aussi la trier. Mais quand cette liste contient 100, 1000, 10000, etc. Ă©lĂ©ments, il est essentiel de trouver des moyens systĂ©matiques et beaucoup plus efficaces, et câest lĂ que les algorithmes sont les plus utiles: pour accomplir des taches que nous ne pourrions accomplir sans ordinateur, de par lâordre de grandeur. Voici un exemple dâalgorithme trĂšs simple de tri:

Un autre algorithme trĂšs simple et trĂšs courant est celui du filtre spam de votre boite email (si vous en avez une):

Une fois encore, lâalgorithme que jâai Ă©crit ci-dessus nâest pas optimal, et laissera beaucoup, beaucoup, beaucoup de spam passer đ
En bref, un algorithme, câest un ensemble dâinstructions (recette) que notre ordinateur suit lorsquâon le lance. Il prend parfois des donnĂ©es (les ingrĂ©dients), quâil manipule en vue de crĂ©er le rĂ©sultat (les plats) quâon lui a demandĂ© de nous donner.
Le cas de lâapprentissage automatique [2, 3, 4]
Lâapprentissage automatique, câest un algorithme qui utilise des principes de statistiques (rappelez vous de notre article statistiques et sociĂ©tĂ©) et dâoptimisations.
Plus spĂ©cifiquement, lâapprentissage automatique, consiste Ă entrainer des algorithmes qui apprennent/gĂ©nĂ©ralisent des donnĂ©es quâon lui donne.
Il existe 3 grandes familles dans lâapprentissage automatique: lâapprentissage supervisĂ©, lâapprentissage non supervisĂ©, et lâapprentissage par renforcement. Pour comprendre les diffĂ©rences entre les trois, reprenons lâexemple des emails, et
dâun algorithme qui devrait comprendre quel email est un spam, et quel email nâest pas un spam.

Lâapprentissage supervisĂ©
Le principe de lâapprentissage supervisĂ© est dâentrainer un algorithme en lui donnant une sĂ©rie dâobservations qui sont Ă©tiquetĂ©es (par des humains) de maniĂšre Ă ce que lâalgorithme comprenne ce que cette observation reprĂ©sente.
Dans notre exemple, lâalgorithme recevrait une sĂ©rie dâemails (observations) associĂ©s Ă leur Ă©tiquette: spam ou non spam.

Le principe est de mimiquer la maniĂšre dont on apprend, par exemple, ce quâest la diffĂ©rence entre une courgette et un concombre: on en voit lorsque lâon en achĂšte au supermarchĂ© (observations), et lorsque lâon en achĂšte un/une, lâĂ©tiquette sur la caisse dans laquelle nous prenons notre lĂ©gume fait littĂ©ralement office dâĂ©tiquette. Au fur et Ă mesure, diffĂ©rencier les deux lĂ©gumes devient donc plus facile.
Lâapprentissage non supervisĂ©
Dans lâapprentissage non supervisĂ©, il nây a pas dâĂ©tiquettes. Lâalgorithme reçoit une sĂ©rie dâobservation, et il est de son devoir de mettre toutes les choses qui se ressemblent ensemble, et que les choses qui ne se ressemblent pas soient dans des groupes diffĂ©rents.
Dans notre exemple, lâalgorithme reçoit une sĂ©rie dâemail, quâelle va classer en diffĂ©rentes catĂ©gories. LâĂ©tiquette de cette catĂ©gorie est alors dĂ©terminĂ©e par un humain, et/ou par un autre algorithme (supervisĂ© cette fois-ci).

Naturellement, si vous aimez prendre beaucoup de photos en vacances, il est possible que en revenant, vous crĂ©iez des dossiers diffĂ©rents pour diffĂ©rents Ă©vĂšnement, diffĂ©rentes catĂ©gories de photos sans que quelquâun vous donnes des instructions quant Ă la maniĂšre de crĂ©er ces groupes.
Lâapprentissage par renforcement
Lâapprentissage par renforcement consiste Ă laisser un algorithme explorer âun mondeâ en imitant un humain. Lorsque lâalgorithme rencontre quelque chose quâil ne devrait pas ĂȘtre en train dâexplorer, lâalgorithme est puni. Lorsquâil explore une partie du monde quâil est censĂ© explorer, il est rĂ©compensĂ©.
Par exemple, on pourrait laisser un algorithme imiter un humain lisant ces emails. Sâil lit un spam, il est puni, sâil lit un email dâun contact existant, il est rĂ©compensĂ© (les rĂ©compenses et punitions sont prĂ©-dĂ©terminĂ©es, et Ă©tiquetĂ©es). Il pourra ainsi apprendre ce quâest un spam ou non par lui mĂȘme.

Ce mode dâapprentissage mimique les situations oĂč les enfants sont puni·exs lorsquâiels font des bĂȘtises, et sont rĂ©compensé·exs lorsquâiels rĂ©ussissent quelque chose (par exemple Ă lâĂ©cole).
Dans le reste de cet article, nous nous concentrerons sur lâapprentissage supervisĂ©, principalement de la classification
La classification
Principe
Comme son nom lâindique, la classification consiste Ă assigner Ă chaque observation sa bonne Ă©tiquette: assigner Ă une photo si elle reprĂ©sente un chat ou un chien, assigner Ă une personne si elle risque de rĂ©cidiver ou non, assigner Ă un email si câest un spam ou non, assigner Ă une recette si elle est saine ou non, etc. En dâautre terme, elle classe!
Comme mentionnĂ© ci-dessus, pour apprendre, lâalgorithme doit sâentrainer. Reprenons lâexemple de nos recettes.
Nos observations seront les ingrédients, nos étiquettes sont les cakes, et nos algorithmes sont les recettes.
Un algorithme classique est lâĂ©quivalent dâune recette normale, telle quâon peut les retrouver sur marmitton. Il exĂ©cute exactement ce quâon lui a demandĂ© de faire.
Un algorithme dâapprentissage automatique apprend. LâĂ©quivalent est donc une recette oĂč le cuisinier doit apprendre les quantitĂ©s dâingrĂ©dients, ou lâordre dans lequel les ingrĂ©dients doivent ĂȘtre mĂ©langĂ©s/assemblĂ©s/cuits.
Pour sâentrainer (trouver les quantitĂ©s optimales de chaque ingrĂ©dients, ainsi que lâordre dans lequel ils doivent ĂȘtre incorporĂ©s), lâalgorithme dâapprentissage automatique (recette incomplĂšte) reçoit une sĂ©rie dâobservations (le type dâingrĂ©dients Ă utiliser) et dâĂ©tiquettes (le rĂ©sultat optimal auquel on aimerait arriver).

Entrainement
Au dĂ©but de lâentrainement, lâalgorithme dâapprentissage automatique commencera par une recette alĂ©atoire, quâelle appliquera Ă tous les ingrĂ©dients. Elle comparera ensuite les cakes obtenus avec cette recette (prĂ©dictions), et les comparera avec les cakes originaux (Ă©tiquettes).

Lâalgorithme utilisera ensuite un processus que lâon appelle backpropagation [7] pour ajuster la recette, faisant en sorte de rĂ©duire la diffĂ©rence entre les cakes produits par la recette apprise (prĂ©dictions), et les cakes originaux (Ă©tiquettes). Lâalgorithme arrĂȘte dâapprendre lorsque les diffĂ©rences entre les cakes originaux et les cakes rĂ©sultant des recettes apprises ne peuvent plus ĂȘtre rĂ©duites.
Sans rentrer dans les dĂ©tails, parce que le point de dĂ©part est alĂ©atoire, le point dâarrivĂ©e peut ĂȘtre diffĂ©rent aussi. Câest Ă dire quâune mĂȘme sĂ©ance dâentrainement reproduite deux fois pourrait crĂ©er des recettes diffĂ©rentes, et cela peut dĂ©pendre de plein de facteurs diffĂ©rents, y compris la recette de dĂ©but choisie alĂ©atoirement.

Test
La phase de test permet de vĂ©rifier que ce que lâalgorithme a appris fonctionne bien. Pour cela, on va lui donner une liste dâingrĂ©dients quâil nâa jamais vu pendant lâentrainement. On mesure alors la vraie performance de lâalgorithme dâapprentissage dâaprĂšs les diffĂ©rences entre les nouveaux cakes (Ă partir dâingrĂ©dients jamais vus), et les cakes originaux (auxquels ils auraient dĂ» ressembler).
La régression logistique [5, 6]
Passons maintenant aux choses sérieuses, et faisons un petit de peu de maths (promis, aucun calcul mental)!
La rĂ©gression logistique est un algorithme trĂšs utilisĂ© en apprentissage automatique, mais aussi en psychologie, sciences sociales, etc. A la frontiĂšre des statistiques et de lâapprentissage automatique, elle est un trĂšs bon exemple dâintroduction.
Revenons Ă lâexemple de notre algorithme de spam, et simplifions le problĂšme. ReprĂ©sentons chaque email par une sĂ©rie de traits, et donnerons lâĂ©tiquette de -1 si câest un spam, et 1 si ça ne lâest pas.
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représentation mathématique
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La langue de lâemail (dans la/les langues par laquelle/lesquelles nous avons lâhabitude de correspondre)
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1 si câest une langue que lâon parle, -1 si pas
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Le nombre de mots dans lâemail
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La prĂ©sence de demande dâargent
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1 si il y a une demande dâargent, 0 sinon
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1 si câest pendant les heures de bureau, 0 sinon
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La prĂ©sence de lâexpĂ©diteurice dans nos contacts
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1 si la personne se trouve dans nos contacts, 0 sinon
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Pour chaque trait, la rĂ©gression logistique va crĂ©er un paramĂštre, quâelle va initialiser Ă un nombre alĂ©atoire (recette du dĂ©but). Ces paramĂštres sont Ă©quivalent Ă la structure de la recette. Lâalgorithme va alors apprendre la valeur optimale des paramĂštres pour que un maximum dâemails soient correctement classĂ©s.
Les paramĂštres sont utilisĂ©s de la maniĂšre suivante: chaque trait va ĂȘtre multipliĂ© par son paramĂštre correspondant, et tous ces produits vont ĂȘtre additionnĂ©s. Dans notre exemple ci-dessous, nous aurons donc: prĂ©diction = 1 * a + 23 * b + 1 * c + 0 * d + 0 * e. Si notre prĂ©diction est positive (>=0), nous considĂšrerons que lâemail nâest pas un spam. Sâil est negatif (<0) nous considĂšrerons que câest un spam.

AprĂšs avoir vu beaucoup dâemails et leurs Ă©tiquettes, mettons que notre algorithme ai trouvĂ©s ces paramĂštres:

Et que nous avons ces trois emails:
âCoucou! Est-ce que tu pourrais demander Ă ta sĆur si câest elle qui a encore le tupperware que je vous avais donnĂ© il y a une semaine pour reprendre les lasagnes? Papa chĂ©riâ
âHi! Iâm from the US and Iâm one of the richest men in the world. Iâm actually Elonâs friend, and Iâm looking for someone I can trust, so I can give them half of my fortune, which I donât use currently. But first, to make the payment, I need your credit card numberâ
âBonjour, câest lâhĂŽpital, nous nâavons rien trouvĂ© sur vos analyses sanguines, recontactez nous dĂšs que possible pour que lâon reprogramme quelques tests. Cordialement, Dr. S.â.
Quels scores lâalgorithme ci-dessus leur donnerait? Lesquels seraient classifiĂ©s comme spam?
Indices: Commencez dâabord par transformer chaque email dans ses traits numĂ©riques, puis utilisez la formule prĂ©diction= 1 * a + 23 * b + 1 * c + 0 * d + 0 * e, avec a = 0.4, b = 0.02, c = -0.7, d = 0.01, e =0.9.
En calculant les scores, vous vous ĂȘtes donc rendus compte que certains traits avaient plus dâimportance dans le score final de prĂ©diction que dâautres. Les traits dont les paramĂštres ont la plus grande valeur absolue sont donc plus importants pour dĂ©terminer si lâemail est un spam ou non. Les traits dont le paramĂštre est nĂ©gatif sont surement indicateurs de spam, tandis que les positifs sont indicateurs de non spam. (Il y a plusieurs nuances sur ces interprĂ©tations, donc il faut ĂȘtre prudent·ex, mais dans lâidĂ©e globale, câest comme cela que ça se passe).
Classons des chats et des chiens!

Terminons par un exemple simple: un algorithme qui voudrait classer des chats et des chiens. Pendant lâentrainement, lâalgorithme voit ces images lĂ :

Comment classifiera-t-il cet animal dâaprĂšs vous?
[5] Cox, D. R. (1958). The regression analysis of binary sequences (with discussion). Journal of the Royal Statistical Society: Series B (Methodological), 20(2), 215â242.
[6] Werbos, P. J. (1974). Beyond Regression: New Tools for Prediction and Analysis in the Behavioral Sciences. PhD dissertation, Harvard University.
[7] Linnainmaa, Seppo (1970). The representation of the cumulative rounding error of an algorithm as a Taylor expansion of the local rounding errors (Masters) (in Finnish). University of Helsinki. pp. 6â7.
par racism-search | Mar 28, 2025 | politique
Communautarisme : un outil politique pour légitimer les discriminations ?
Définition et contexte belge
De nos jours, le terme communautarisme est souvent utilisĂ© de maniĂšre floue et nĂ©gative. Ă l’origine, il dĂ©signe une forme d’organisation sociale dans laquelle les membres d’une communautĂ© se rassemblent autour de valeurs, d’une culture ou d’une religion commune [1]. Historiquement, le terme a pu renvoyer Ă des formes de communion et de solidaritĂ© entre individus partageant un destin ou des liens sociaux forts, voire Ă un idĂ©al [2]. Il s’oppose alors Ă l’individualisme et parfois au collectivisme. Toutefois, son usage a Ă©galement pris une dimension plus anthropologique, mettant l’accent sur la tradition et des formes d’organisation collective qui s’Ă©loignent des modĂšles modernes de sociĂ©tĂ© et de nation [2].Â
Par consĂ©quent, pendant une longue pĂ©riode, le mot communautarisme est perçu comme un terme positif. Cependant, Ă partir des annĂ©es 1990 et de lâavancement de la lutte antiraciste en France, on constate une utilisation plus frĂ©quente du mot âcommunautarismeâ, qui contrairement au mot communautĂ©, revĂȘt un aspect pĂ©joratif [3]. Comme le souligne la sociologue Nasira GuĂ©nif âOn parle de communautarisme pour Ă©viter de mettre en Ă©vidence le fait quâil y a toujours eu des communautĂ©s â et ainsi disqualifier certainesâ[3].Â
DĂ©sormais, dans le dĂ©bat politique français, le terme communautarisme dĂ©signe, dans ce cadre, un repli dâun groupe sur lui-mĂȘme, en opposition Ă lâidĂ©al rĂ©publicain dâune sociĂ©tĂ© unifiĂ©e [2].
Contrairement Ă la France, oĂč la RĂ©publique se veut « une et indivisible », la Belgique s’est construite sur une reconnaissance explicite des communautĂ©s qui se retrouve dans son slogan â lâunion fait la forceâ. Ce principe remonte en rĂ©alitĂ© Ă lâunionisme entre Catholiques et LibĂ©raux qui a permis Ă la Belgique de prendre son indĂ©pendance en 1830 [4]. Ce compromis reconnaissait la pluralitĂ© des convictions existantes et admettait que la charge de les porter, de les animer et de les faire respecter par l’Ătat revenait Ă la sociĂ©tĂ© civile [4]. Loin dâĂȘtre inconnu, le principe de sĂ©paration de lâĂglise et de lâĂtat a Ă©tĂ© intentionnellement dĂ©laissĂ© par le lĂ©gislateur de 1830, du moins dans son interprĂ©tation stricte, ce qui produira dĂšs lors un socle lĂ©gal fortement influencĂ© par le parti catholique et, subsĂ©quemment, par la religion catholique [5].
Ce cadre historique a posĂ© les bases dâune dĂ©mocratie consociative, oĂč la Constitution belge de 1831 a Ă©tĂ© atteinte Ă lâissue de nĂ©gociations entre ces diffĂ©rents acteurs. MĂ©taphoriquement, on pourrait illustrer ce modĂšle de gouvernance par un arbre : lâĂtat belge en constituerait le tronc, tandis que ses racines seraient les communautĂ©s idĂ©ologiques, religieuses, linguistiques et ethniques qui le composent et soutiennent sa structure. Ces communautĂ©s participent activement au processus dĂ©cisionnel, proportionnellement Ă leur force Ă©lectorale et guidĂ©e par leurs Ă©lites [6].
Pourtant, bien que cette reconnaissance soit ancrĂ©e dans la tradition politique belge, le terme communautarisme est Ă©galement utilisĂ© de maniĂšre pĂ©jorative pour dĂ©signer les revendications de groupes minoritaires, et plus particuliĂšrement les personnes de confession musulmane qui cherchent Ă faire valoir leurs droits [7]. Ce mot prend alors une extension exagĂ©rĂ©e, comme le souligne Justine Lacroix (professeure dâhistoire de la pensĂ©e et de thĂ©orie politique Ă lâULB), pour dĂ©signer toute demande de reconnaissance [7]. Loin d’ĂȘtre une simple observation sociologique, il devient une arme rhĂ©torique utilisĂ©e pour alimenter des paniques morales et renforcer des politiques discriminatoires.
Une rhĂ©torique politique racisteÂ
Plusieurs figures politiques belges ont utilisĂ© cette notion pour marginaliser certaines catĂ©gories de la population. L’ancien prĂ©sident de DĂ©FI, Pascal De Smet, avait accusĂ© Ecolo de promouvoir un « projet communautariste » pour avoir soutenu l’idĂ©e que des employĂ©es communales puissent porter le foulard [8]. De mĂȘme, Charles PicquĂ©, ancien ministre-prĂ©sident PS, avait dĂ©noncĂ© une « prĂ©fĂ©rence communautariste » au sein de son parti sans jamais dĂ©finir clairement Ă quoi cela renvoyait, tout en prĂ©cisant qu’il ne parlait Ă©videmment pas du communautarisme flamand ou francophone [9]. Dans sa dĂ©fense d’une laĂŻcitĂ© ouverte, lâancien ministre-prĂ©sident prĂ©cise quâil voit le communautarisme comme âun enfermementâ contre lequel âil faut former des passerelles, faut trouver des ponts pour ne pas sâenfermer dans ghetto culturel et communautaireâ [9]. Cependant, il semble ignorer que ces « ghettos » dont il parle ne sont pas le rĂ©sultat de choix individuels des personnes concernĂ©es, mais bien le produit de dynamiques structurelles et sociales imposĂ©es.Â
Ă Bruxelles, la structuration urbaine a historiquement conduit Ă la marginalisation de certaines communautĂ©s. La âBataille des Marollesâ en 1969 illustre comment les politiques dâurbanisme ont parfois servi Ă dĂ©placer des populations dĂ©favorisĂ©es, renforçant ainsi les inĂ©galitĂ©s sociales [10]. Aujourdâhui encore, ces logiques se poursuivent : les populations prĂ©carisĂ©es, notamment issues de lâimmigration, se retrouvent concentrĂ©es dans certains quartiers oĂč les investissements publics sont insuffisants [11]. Ce phĂ©nomĂšne, loin dâĂȘtre un choix de ces habitants, rĂ©sulte donc de politiques urbaines historiques. Paradoxalement, cette ghettoĂŻsation, créée par la ville elle-mĂȘme, est ensuite instrumentalisĂ©e pour stigmatiser ces populations et les rendre responsables des conditions dans lesquelles elles vivent.
 (source : Le soir https://www.lesoir.be/643531/article/2024-12-19/bruxelles-un-couvre-feu-impose-aux-mineurs-cureghem-pour-le-nouve)
Dans ce contexte, le terme communautarisme est instrumentalisĂ© pour justifier des politiques sĂ©curitaires ciblĂ©es envers les quartiers dits populaires. En effet, certains partis politiques belges lâemploient pour renforcer la surveillance des quartiers populaires et lĂ©gitimer lâusage de la force sur des populations issues de lâimmigration [12]. Un exemple rĂ©cent est lâimposition dâun couvre-feu dans le quartier de Cureghem, oĂč rĂ©side une majoritĂ© de personnes racisĂ©es, et qui sâinscrit dans cette logique de criminalisation [13]. Loin de rĂ©pondre aux problĂ©matiques sociales de ces quartiers, ces politiques renforcent leur stigmatisation et participent Ă leur marginalisation.
En imposant une prĂ©sence policiĂšre accrue, lâĂtat met en place un contrĂŽle permanent de ces espaces, ce qui alimente les tensions et accroĂźt le risque de violences policiĂšres [14]. La rĂ©pression et la surveillance ciblĂ©es de ces quartiers contribuent Ă imposer lâidĂ©e que certaines populations ne seraient pas intĂ©grĂ©es et reprĂ©senteraient une menace, tout en occultant les responsabilitĂ©s structurelles de lâĂtat dans leur exclusion [14]. Cette approche dĂ©tourne lâattention des inĂ©galitĂ©s systĂ©miques en construisant lâimage de communautĂ©s supposĂ©ment repliĂ©es sur elles-mĂȘmes, alors mĂȘme que ces quartiers sont avant tout le produit de politiques urbaines et Ă©conomiques discriminantes. – Nous tenons Ă prĂ©ciser que la gentrification, telle qu’elle est actuellement mise en Ćuvre, ne constitue pas nĂ©cessairement une rĂ©ponse adĂ©quate Ă cette situation. Il est essentiel de souligner que la mixitĂ© sociale doit ĂȘtre pensĂ©e de maniĂšre rĂ©flĂ©chie et accompagnĂ©e dâune amĂ©lioration des conditions de vie des populations prĂ©carisĂ©es. Sans cela, on observe surtout une augmentation des loyers et une inaccessibilitĂ© croissante de certains lieux pour une partie de la population, ce qui accentue encore la prĂ©carisation des habitants de ces quartiers.
De plus, ces discours politiques renforcent une lecture raciste de la sociĂ©tĂ© : ils prĂ©supposent que les personnes racisĂ©es ne seraient pas capables de faire communautĂ© dans leur(s) groupe(s), et avec la communautĂ© nationale, c’est-Ă -dire lâensemble des individus partageant un cadre de vie commun, des droits et des devoirs au sein dâun mĂȘme pays. Cette considĂ©ration des anti-communautaristes signifie que faire partie de la communautĂ© nationale et dâune communautĂ© subsidiaire est incompatible, uniquement quand cette communautĂ© est racisĂ©e [15]. Ce rapport aux communautĂ©s racisĂ©es et communautĂ© nationale se retrouvait dĂ©jĂ au XIXe siĂšcle dans le principe antisĂ©mite de la âdouble allĂ©geanceâ ou de la âdouble loyautĂ©â selon laquelle les Juif·ve·s seraient dâabord loyaux·ales envers dâautres Juif·ve·s avant d’ĂȘtre loyaux·ales envers leurs nations respectives [15] . Le terme communautarisme devient alors un outil pour invisibiliser les dynamiques de discrimination structurelle, tout en rejetant la responsabilitĂ© de ces dynamiques sur les communautĂ©s elles-mĂȘmes.

( source : article The conversation, https://theconversation.com/belgique-vers-une-politique-religio-communautaire-241628)
Enfin, un autre exemple de la manipulation du terme communautarisme rĂ©side dans le fait quâil est souvent instrumentalisĂ© pour limiter la participation politique de certaines communautĂ©s. Par exemple, des personnalitĂ©s comme Fouad Ahidar, prĂ©sident de l’Association des Marocains en Belgique (AMB), ont Ă©tĂ© associĂ©es Ă cette notion pour les dĂ©peindre comme des dĂ©fenseurs dâintĂ©rĂȘts divisifs et incompatibles avec les valeurs belges [16]. Cette utilisation du mot communautarisme crĂ©e un double standard, oĂč les revendications des minoritĂ©s pour la reconnaissance de leur identitĂ© et de leurs droits sont vues comme une menace pour la cohĂ©sion sociale, tandis que les structures de pouvoir dominantes Ă©chappent Ă toute forme de critique. Cette critique de communautarisme Ă lâĂ©gard de certain·e·s candidat·e·s est Ă©galement critiquable Ă cause du systĂšme communautaire sur lequel repose le systĂšme politique belge. En effet, La belgique a un systĂšme politique fondĂ© sur des communautĂ©s linguistiques et culturelles (les Flamands, les Wallons et les Bruxellois), qui reflĂšte un modĂšle de « communautarisme institutionnalisé » oĂč chaque communautĂ© bĂ©nĂ©ficie de reprĂ©sentant·e·s Ă©lu·e·s spĂ©cifiquement en fonction de leur appartenance linguistique et culturelle [17].
L’oubli des « communautarismes Blancs »
Commme le dĂ©montre la sociologue Sylvie Tissot, le terme communautarisme est majoritairement employĂ© pour dĂ©signer les minoritĂ©s ethniques ou religieuses, tandis que les communautĂ©s dominantes, telles que l’entre-soi bourgeois, blanc et masculin, Ă©chappent souvent Ă cette Ă©tiquette [18]. Pourtant, ces derniers correspondent parfaitement Ă la dĂ©finition donnĂ©e par les politiques : un repli identitaire fondĂ© sur des valeurs et une culture commune.
Prenons l’exemple des cercles privĂ©s tels que les rallyes, les clubs de golf, les associations philanthropiques ou mĂȘme certaines fraternitĂ©s universitaires Ă©litistes (comme Reuzegom, qui a causĂ© la mort de Sanda Dia Ă Leuven). Ces espaces sont souvent homogĂšnes sur le plan socio-culturel et fonctionnent sur une logique d’entre-soi. Pourtant, ils ne sont jamais qualifiĂ©s de communautaristes dans le dĂ©bat public. Cette invisibilisation tĂ©moigne d’une diffĂ©renciation raciste dans la maniĂšre dont les dynamiques communautaires sont perçues.
Cet oubli n’est pas anodin : il s’inscrit dans une logique oĂč l’entre-soi des classes dominantes blanches est euphĂ©misĂ©, voire niĂ©, alors que les formes d’organisation collective des groupes minorisĂ©s sont systĂ©matiquement perçues comme une menace Ă l’ordre social [19]. Comme le souligne Sylvie Tissot, l’entre-soi des Ă©lites est souvent protĂ©gĂ© par le secret et justifiĂ© par des notions de tradition et de rĂ©seau, tandis que la participation des minoritĂ©s Ă des groupes intermĂ©diaires (associations, Ă©glises, syndicats) est facilement qualifiĂ©e de « repli communautaire » [19].
Prenons l’exemple des rallyes, ces Ă©vĂ©nements mondains que les sociologues Pinçon et Pinçon-Charlot dĂ©finissent comme des cercles sociaux Ă©litistes, oĂč des jeunes, sĂ©lectionné·e·s par leurs mĂšres, Ă©voluent au sein dâun groupe homogĂšne afin de renforcer leur appartenance Ă une mĂȘme classe sociale [20]. Ă travers des sorties culturelles et des soirĂ©es dansantes, iels intĂšgrent les codes et valeurs de leur milieu, facilitant ainsi la reproduction sociale et matrimoniale. Ces Ă©vĂ©nements, souvent encadrĂ©s par des figures influentes de leur entourage, leur inculquent une vision oĂč culture et sociabilitĂ© sont indissociables, consolidant leur sentiment de lĂ©gitimitĂ© et de continuitĂ© avec les Ă©lites. DerriĂšre une façade anodine de bals et de rencontres, iels jouent un rĂŽle fondamental dans la reproduction des Ă©lites en favorisant les mariages et les alliances professionnelles au sein des mĂȘmes cercles privilĂ©giĂ©s.

(source : Ecoreseau Business: https://www.ecoreseau.fr/entreprendre/reseaux-influence/rallyes-toujours-in-2017-11-03-8480)Â
ChloĂ©, 17 ans, explique par exemple que ses grands-parents et ses parents se sont rencontrĂ©s dans un rallye, et quâelle aussi a rencontrĂ© son petit copain de la mĂȘme maniĂšre :
« Ma mĂšre y Ă©tait inscrite, mĂȘme chose pour mes grands-parents. Jâai du coup demandĂ© moi aussi de faire partie dâun groupe dâactivitĂ©s. Il sâagit dâune tradition familiale que jâai envie de perpĂ©tuer. » [21].
Dans ces cercles, lâaccĂšs repose sur des critĂšres implicites mais stricts, comme en tĂ©moigne Charlotte, issue de la noblesse et participante depuis ses 14 ans :
« Dans mon groupe dâactivitĂ©s, nous ne nous connaissons pas forcĂ©ment Ă la base, mais nous avons tous reçu la mĂȘme Ă©ducation et avons les mĂȘmes centres dâintĂ©rĂȘt. » [21].
Une mĂ©canique dâexclusion sociale et raciale
Les rallyes ne sont pas de simples fĂȘtes privĂ©es, ils participent activement Ă la perpĂ©tuation des hiĂ©rarchies sociales et raciales. Loin dâĂȘtre de simples espaces festifs, ils sont des lieux de reproduction des Ă©lites oĂč se tissent des alliances matrimoniales, Ă©conomiques et politiques. En maintenant un entre-soi rigoureusement sĂ©lectionnĂ©, ils excluent de facto toute personne nâappartenant pas aux mĂȘmes cercles de pouvoir.
Lâentre-soi des classes dominantes se construit souvent Ă partir du discours officiel de la mixitĂ© et de la diversitĂ©, tout en Ă©tant protĂ©gĂ© par des mĂ©canismes flous, qui permettent son maintien, sans confrontation directe aux lois sur la discrimination [19]. De la mĂȘme maniĂšre, les rallyes et autres cercles Ă©litistes nâaffichent pas explicitement des critĂšres dâexclusion, mais fonctionnent par cooptation, prĂ©servant ainsi leur homogĂ©nĂ©itĂ© tout en Ă©chappant Ă la critique.
Lâargument souvent avancĂ© pour dĂ©fendre ces pratiques est celui de la libre association : chacun·e serait libre de choisir son cercle social [19]. Mais dans un contexte oĂč ces cercles contrĂŽlent les leviers Ă©conomiques et politiques du pays, leur fermeture volontaire renforce un systĂšme inĂ©galitaire et contribue Ă lâexclusion structurelle dâautres groupes. Ă ce titre, ces rallyes fonctionnent comme des espaces de socialisation oĂč se transmettent les codes et privilĂšges dâune classe dominante, tout en se protĂ©geant de lâextĂ©rieur [19].
Un communautarisme qui ne dit pas son nom
Si lâon applique aux rallyes la dĂ©finition du communautarisme rĂ©guliĂšrement invoquĂ©e dans le dĂ©bat politique â un groupe qui fonctionne sur un principe dâentre-soi et qui se replie sur ses propres valeurs et traditions [2] â, alors il devient Ă©vident que ces cercles en sont une parfaite incarnation. Pourtant, contrairement aux communautĂ©s racisĂ©es, ils ne sont jamais dĂ©noncĂ©s comme tels. Mieux encore, ils sont souvent perçus comme une forme de distinction sociale lĂ©gitime et souhaitable [19].
Ainsi, on arrive au constat suivant : lâaccusation de repli communautaire est Ă gĂ©omĂ©trie variable. Elle est utilisĂ©e pour stigmatiser les groupes minorisĂ©s, tandis que les structures dâentre-soi des Ă©lites sont soit invisibilisĂ©es, soit justifiĂ©es par des impĂ©ratifs de sĂ©lection ou de tradition. Cette asymĂ©trie dans la perception du communautarisme rĂ©vĂšle une mĂ©canique idĂ©ologique Ă lâĆuvre : ce qui est perçu comme une menace lorsquâil sâagit de groupes racisĂ©s est acceptĂ©, voire valorisĂ©, lorsquâil concerne des classes dominantes Blanches. Lâaccusation de communautarisme est donc bien plus quâune simple critique dâun repli identitaire : câest un outil de stigmatisation Ă sens unique, utilisĂ© pour dĂ©lĂ©gitimer certains groupes sociaux, tout en en protĂ©geant dâautres, sur fond de racisme.
Une notion à déconstruire
Le terme communautarisme, tel qu’il est utilisĂ© aujourdâhui dans le dĂ©bat public belge et français, est bien loin de sa dĂ©finition originelle. Si Ă lâorigine il pouvait dĂ©signer une forme de solidaritĂ© sociale, il est dĂ©sormais instrumentalisĂ© pour discrĂ©diter les revendications des groupes minoritaires et masquer les inĂ©galitĂ©s structurelles. Son usage est profondĂ©ment asymĂ©trique : alors que lâentre-soi des Ă©lites Ă©conomiques et politiques Ă©chappe Ă toute critique, les dynamiques collectives des minoritĂ©s racisĂ©es sont systĂ©matiquement perçues comme un « repli » menaçant lâunitĂ© nationale.
Dans ce contexte, le communautarisme devient un outil rhĂ©torique permettant de justifier des politiques discriminatoires, qu’il s’agisse d’une surveillance accrue de certains quartiers, de la rĂ©pression des mobilisations antiracistes, ou encore de la marginalisation de personnalitĂ©s politiques issues de lâimmigration. Loin dâĂȘtre un concept neutre, il fonctionne comme un Ă©cran de fumĂ©e qui dĂ©tourne lâattention des vĂ©ritables mĂ©canismes de domination Ă lâĆuvre dans nos sociĂ©tĂ©s.
Finalement, ce nâest pas lâexistence de communautĂ©s en soi qui pose problĂšme, mais la maniĂšre dont certaines sont stigmatisĂ©es et criminalisĂ©es, tandis que dâautres sont protĂ©gĂ©es et invisibilisĂ©es. Si la Belgique a historiquement intĂ©grĂ© une reconnaissance des communautĂ©s dans son systĂšme politique, elle ne lâa fait quâau bĂ©nĂ©fice de certaines catĂ©gories, en excluant les populations racisĂ©es de cette lĂ©gitimitĂ©. DĂšs lors, interroger lâusage politique du mot communautarisme, câest mettre en lumiĂšre lâhypocrisie dâun discours qui prĂ©tend dĂ©fendre lâuniversalisme, tout en perpĂ©tuant des logiques dâexclusion profondĂ©ment racialisĂ©es.
Sources
[1] Larousse, « Communautarisme », disponible sur www.larousse.fr/dictionnaires/francais/communautarisme/17550 , consultĂ© le 10/03/2025.Â
[2] StĂ©phane Dufoix, « Nommer lâautre », disponible surÂ
[3] Belorgey, Jean-Michel., et al. « De l’usage politique du âcommunautarismeâ ». Mouvements, 2005/2 no 38, pp.69-72.Â
www.journals.openedition.org/socio/2524, publié le 14/12/2016, consulté le 18/02/2025.
[4] Vincent de Coorebyter, âNeutralitĂ© et laĂŻcitĂ©âŻ: une opposition en trompe-lâĆilâ, Politique, revue de dĂ©bats, 65, p. 62, disponible sur : https://www.crisp.be/2010/06/%c2%ab-neutralite-et-laicite-une-opposition-en-trompe-l%e2%80%99oeil-%c2%bb/. publiĂ© en juin 2010.Â
[5] Marc Uyttendaele, âLe modĂšle belge de neutralitĂ© de lâĂtatâ, dans Quel Ă©tat de droit dans une Europe en criseâŻ?, 11 et 12 octobre 2018, Lyon, France. Lyon : UniversitĂ© Jean Moulin, Lyon 3, disponible sur : https://revuedlf.com/droit-constitutionnel/le-modele-belge-de-neutralite-de-letat/, publiĂ© en 2019.
[6] Henri Dumont et Xavier Delgrange, âLe principe de pluralisme face Ă la question du voile islamique en Belgiqueâ, Droit et sociĂ©tĂ©, n°68(1), p. 83, disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2008-1-page-75?lang=fr, publiĂ© en 2008.
[7] RTFB, â Questions de principes : le communautarisme, câest quoi ?â, disponnible sur https://www.rtbf.be/article/questions-de-principes-le-communautarisme-c-est-quoi-11244225, publiĂ© le 23 aoĂ»t 2023.
[8] BX1, â François De Smet (DĂ©fi) cible Ecolo : âCe parti fait dĂ©sormais le relais de lâislam politiqueâ, disponible sur https://bx1.be/categories/news/francois-de-smet-defi-ecolo-choisit-un-projet-communautariste-qui-se-fait-le-relais-de-lislam-politique/?utm_source=chatgpt.com&theme=classic, publiĂ© le 4 dĂ©cembre 2023.Â
[9] RTFB, â »Nous sommes marquĂ©s par un processus communautariste » : selon Charles PicquĂ©, le PS bruxellois sâest « rĂ©signĂ© trop vite »â, disponible sur https://www.rtbf.be/article/nous-sommes-marques-par-un-processus-communautariste-selon-charles-picque-le-ps-bruxellois-s-est-resigne-trop-vite-11393987?utm_source=chatgpt.com, publiĂ© le 24 juin 2024.Â
[10] X, âLa Bataille des Marollesâ, disponible sur https://www.pave-marolles.be/la-bataille-des-marolles/, publiĂ© le 19 novembre 2024.
[11] Isabelle Pauthier, â Dehors les bourges ou dedans le peupleâŻ? La gentrification Ă Bruxellesâ, disponible sur https://www.revuepolitique.be/dehors-les-bourges-ou-dedans-le-peuple-la-gentrification-a-bruxelles/?utm_source=chatgpt.com, publiĂ© le 03 mai 2012.
[12] Ligue des droits humains, âUneus : cow-boys de proximitĂ©â, disponible sur https://www.liguedh.be/uneus-cow-boys-de-proximite/, consultĂ© le 10 mars 2025.Â
[13] Front des mĂšres, â Un couvre-feu imposĂ© aux mineurs Ă Cureghem pour le nouvel anâ, disponible sur https://www.front2meres.org/un-couvre-feu-impose-aux-mineurs-a-cureghem-pour-le-nouvel-an/, publiĂ© le 7 janvier 2025.
[14] Manon Legrand, â Violences policiĂšres : pire quâhier, mieux que demain ?â, disponible sur https://www.alterechos.be/violences-policieres-pire-quhier-mieux-que-demain/, publiĂ© le 10 septembre 2020.Â
Camille Wernaes , âViolences policiĂšres : paroles de jeunes et des mĂšresâ, disponible sur https://www.revuepolitique.be/violences-policieres-paroles-des-jeunes-et-des-meres/, publiĂ© le 23 dĂ©cembre 2021.
Andrea Rea, Carla Nagels et Jenneke Christiaens, « Les jeunesses bruxelloises : inégalité sociale et diversité culturelle », disponible sur https://journals.openedition.org/brussels/951, publié le 02 février 2009.
Centre Dâaction Laique, Emission En quĂȘte de sens, â La jeunesse et la police: une relation problĂ©matique?â, disponible sur https://www.laicite.be/emission/les-jeunes-et-la-police-une-relation-problematique/, publiĂ© le 31 mars 2024.
[15] Raison du Cleuziou, Yann. « Le communautarisme. » Esprit, vol. 425, no. 6, juin 2016, pp. 28-30.
[16] RTBF, âFouad Ahidar : Ce que rĂ©vĂšle son succĂšs Ă©lectoral sur la population bruxelloise. »,disponnible sur https://www.rtbf.be/article/fouad-ahidar-ce-que-revele-son-succes-electoral-sur-la-population-bruxelloise-11450367, publiĂ© 16 octobre 2024.
[17] RTBF, â Le communautarisme au pays du communautarismeâ disponible sur https://www.rtbf.be/article/le-communautarisme-au-pays-du-communautarisme-11311632, publiĂ© le 12 janvier 2024.
[18] Sylvie Tissot, âQui a peur du communautarisme ? RĂ©flexions critiques sur une rhĂ©torique rĂ©actionnaireâ, disponible sur https://lmsi.net/Qui-a-peur-du-communautarisme?utm_source=chatgpt.com, publiĂ© le 28 octobre 2019.
[19] Sylvie Tissot, « Entre soi et les autres », Actes de la recherche en sciences sociales, n°204(4), p. 4-9, disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2014-4-page-4?lang=fr, publiĂ© en 2014.Â
[20] Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, âSociologie de la bourgeoiseâ, (4e Ă©d.). La DĂ©couverte, p. 84, disponible sur : https://shs.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie–9782707175403?lang=fr , publiĂ© en 2016.Â
[21] CĂ©line PĂ©cheux, « Bridgerton en Belgique : Ă quoi ressemblent les soirĂ©es de lâĂ©lite belge ? », ELLE Belgique, disponible sur : www.elle.be/fr/443643-bridgerton-en-belgique-a-quoi-ressemblent-les-soirees-de-lelite-belge.html, publiĂ© le 6 fĂ©vrier 2025.
par racism-search | Fév 22, 2025 | Interviews
Comment votre travail a-t-il Ă©voluĂ© au cours de vos 9 annĂ©es en tant que vice-prĂ©sident de l’ECRI ?
Pour rĂ©pondre Ă cette question, il est d’abord important d’expliquer ce qu’est l’ECRI.

( source : European commission, https://www.coe.int/fr/web/european-commission-against-racism-and-intolerance )
L’ECRI est une institution du Conseil de l’Europe, active depuis 30 ans, et ses membres sont indĂ©pendants. Le rĂŽle de l’ECRI est de surveiller la situation des droits de l’homme dans les Ătats membres du Conseil de l’Europe (il y a 46 Ătats). Chaque pays est visitĂ© rĂ©guliĂšrement pour Ă©valuer comment sont gĂ©rĂ©s les problĂšmes comme la discrimination et les crimes de haine. Nous fournissons des recommandations sur des sujets tels que l’Ă©galitĂ©, les droits des migrants sans papiers, le maintien de l’ordre et l’Ă©ducation inclusive. L’ECRI travaille en Ă©troite collaboration avec les organismes de promotion de l’Ă©galitĂ© et les organisations de la sociĂ©tĂ© civile afin de mieux comprendre les rĂ©alitĂ©s sur le terrain et de formuler des recommandations plus efficaces.
Avant de rejoindre l’ECRI, j’ai Ă©tĂ© pendant 12 ans membre de l’Institut nĂ©erlandais des droits de l’homme et de son prĂ©dĂ©cesseur, la Commission nĂ©erlandaise pour l’Ă©galitĂ© de traitement. Bien que je ne me sois jamais dĂ©finie comme une activiste, je me suis toujours considĂ©rĂ©e comme quelqu’un qui s’engage Ă avoir un impact positif. Je me suis vite rendu compte que, mĂȘme si ce type d’approche est important, il ne s’attaque pas entiĂšrement au problĂšme plus vaste du racisme, qui est principalement systĂ©mique et institutionnel.
C’est Ă ce moment-lĂ que mon attention s’est dĂ©placĂ©e. Je suis passĂ©e du traitement de cas individuels Ă un rĂŽle plus large et plus stratĂ©gique, en mâinterrogeant sur les causes profondes du racisme dans la sociĂ©tĂ©. En tant que Commissaire Ă l’Ă©galitĂ© de traitement et aux droits de l’homme, j’ai appris que la lutte contre la discrimination et le racisme ne se limite pas Ă l’application de la loi. Il est essentiel de comprendre les structures de pouvoir et les prĂ©jugĂ©s dans nos institutions, mĂȘme dans le systĂšme de justice, qui peuvent entraver l’accĂšs Ă la justice pour les victimes de discrimination. De plus, le langage et les notions juridiques peuvent ĂȘtre trop Ă©troits et ne s’alignent pas toujours avec le langage des sciences sociales ou de l’anthropologie, ce qui peut limiter une vĂ©ritable comprĂ©hension des aspects systĂ©miques et culturels qui influencent les rĂ©alitĂ©s vĂ©cues.
Le travail de l’ECRI a Ă©voluĂ© au fil des ans. Il y a quelques annĂ©es, lorsqu’on s’attaquait Ă la discrimination et au racisme auxquels Ă©taient confrontĂ©es les personnes noires et racisĂ©es en Europe, l’accent Ă©tait principalement mis sur l’intĂ©gration des migrants et les obligations des gouvernements. Aujourd’hui, cependant, nous comprenons que les Noirs, les musulmans et d’autres communautĂ©s minoritaires font partie des sociĂ©tĂ©s europĂ©ennes depuis des siĂšcles, et qu’il ne suffit plus de se concentrer sur l’intĂ©gration. Maintenant, nous devons discuter d’une vĂ©ritable inclusion, de la non-discrimination et d’un changement fondamental des mentalitĂ©s.
Quels sont les défis de la lutte contre le racisme en Europe ?
Les dĂ©fis sont nombreux. PremiĂšrement, tous les pays n’ont pas mis en place la lĂ©gislation appropriĂ©e. MĂȘme lorsqu’une loi existe, sa mise en Ćuvre reste un problĂšme important. De plus, il y a un manque d’organisation au sein des communautĂ©s nĂ©cessaires pour lutter stratĂ©giquement contre la discrimination et pour dĂ©poser des plaintes contre le gouvernement. L’un des plus grands obstacles est le dĂ©ni du racisme et de la discrimination : de nombreux fonctionnaires et politiciens refusent de reconnaĂźtre ces rĂ©alitĂ©s.
De plus, il existe un fossĂ© gĂ©nĂ©rationnel dans le partage de l’expĂ©rience de la lutte contre le racisme. Les jeunes gĂ©nĂ©rations, qui n’ont souvent pas accĂšs Ă l’histoire des luttes passĂ©es, ont l’impression de rĂ©inventer le combat pour la premiĂšre fois. Ce manque de mĂ©moire institutionnelle et de transmission des batailles passĂ©es est un autre dĂ©fi.
Les communautĂ©s ne sont pas toujours bien organisĂ©es, et celles qui le sont manquent souvent des fonds nĂ©cessaires pour mener Ă bien leur travail. Ces efforts sont dĂ©ployĂ©s parallĂšlement aux luttes quotidiennes de la vie dans une sociĂ©tĂ© marquĂ©e par le racisme. Le manque de soutien, notamment au niveau familial et social, rend encore plus difficile l’engagement dans les espaces de pouvoir. De plus, ces espaces de pouvoir ne sont pas toujours ouverts ou accueillants. Alors, comment peut-on rester entier et fidĂšle Ă soi-mĂȘme dans des environnements qui ne nous sont pas favorables ou constructifs ?
Quelle est la meilleure façon de lutter contre les discriminations intersectionnelles tout en les ciblant spécifiquement ?
La discrimination intersectionnelle est Ă la fois importante et trĂšs complexe. Comme le souligne l’ECRI, si l’intersectionnalitĂ© est un outil clĂ© pour comprendre ces questions, certaines discriminations sont plus faciles Ă gĂ©rer que d’autres. Par exemple, le racisme peut ĂȘtre traitĂ© plus directement, mais l’intersection de la classe, de la race et du sexe prĂ©sente des dĂ©fis supplĂ©mentaires. Cela s’explique principalement par le fait que certains secteurs des institutions ont des systĂšmes de protection plus dĂ©veloppĂ©s que d’autres.
L’un des grands obstacles est la rĂ©ticence des institutions Ă tenir compte de ces intersections, car elles estiment que cela dĂ©passe leur mandat, ce qui conduit souvent Ă un manque d’action. Ainsi, l’effort pour aborder l’intersectionnalitĂ© doit ĂȘtre continu, pour s’assurer que cette approche est incluse dans toutes les stratĂ©gies et pratiques.
MĂȘme si l’ECRI tente de travailler de maniĂšre intersectionnelle, l’application de cette approche reste difficile. Un exemple clair est que les politiques de genre n’ont pas apportĂ© de rĂ©els avantages aux femmes noires, aux femmes musulmanes ou Ă celles qui portent le hijab, qui continuent de faire face Ă des inĂ©galitĂ©s visibles. Bien qu’il y ait quelques signes de progrĂšs, les rĂ©sultats rĂ©els ne sont pas encore clairs, ce qui montre Ă quel point il est difficile d’appliquer l’intersectionnalitĂ© dans de nombreux domaines.
Comment lutter au mieux contre le racisme, avez-vous observĂ© des actions qui, selon vous, devraient ĂȘtre plus dĂ©veloppĂ©es Ă travers l’Europe ?
La lutte contre le racisme dĂ©pend d’abord de l’identitĂ© et des objectifs des individus ou des organisations impliquĂ©s, et de ce qu’ils veulent accomplir. Une organisation de la sociĂ©tĂ© civile, par exemple, doit d’abord dĂ©finir clairement sa mission et ses objectifs. Sans cela, il devient difficile de structurer une stratĂ©gie efficace.Â
En fonction de qui vous ĂȘtes et de qui vous voulez toucher, la lutte contre le racisme nĂ©cessite une approche ciblĂ©e, axĂ©e sur des problĂšmes spĂ©cifiques sur une pĂ©riode donnĂ©e, avec des objectifs clairs. Il faut connaĂźtre les besoins spĂ©cifiques et les actions nĂ©cessaires dans un contexte donnĂ©. Par exemple, selon les pays, les expĂ©riences et les besoins peuvent varier.
Il est Ă©galement trĂšs important de rester en contact avec la communautĂ©, car cela permet de se prĂ©parer Ă la rĂ©sistance et de crĂ©er des espaces sĂ»rs. De plus, il est important que l’Ă©coute reste prĂ©sente dans ces espaces pour Ă©viter de recrĂ©er les erreurs du passĂ©. MĂȘme avec des objectifs positifs, ces espaces peuvent toujours reproduire des dynamiques oppressives, telles que celles hĂ©ritĂ©es du patriarcat ou du colonialisme.
 Par exemple, le travail effectuĂ© par l’organisation appelĂ©e Justice systĂ©mique (https://systemicjustice.ngo) est une bonne pratique pour moi. La fondatrice, Nani, est une avocate qui travaille dans le domaine du contentieux. Elle soulĂšve toujours des questions sur les contentieux, visant Ă ĂȘtre les plus stratĂ©giques et les plus prĂšs de la rĂ©alitĂ©, y compris sur l’appropriation de l’action.Â
Comment contenir la montée de la xénophobie et de la marginalisation dans presque tous les pays européens ?

( source: Le monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2024/06/13/elections-europeennes-l-extreme-droite-en-force-dans-les-pays-fondateurs-de-l-ue_6239225_3210.html publiĂ© le 13 juin 2024 )Â
L’un de mes collĂšgues dirait que la montĂ©e de la xĂ©nophobie est une sorte de retour de bĂąton en raison du succĂšs du travail de lutte contre le racisme. C’est peut-ĂȘtre le cas, ou peut-ĂȘtre pas.
Je ne suis pas tout Ă fait d’accord, mais je peux voir comment cela pourrait avoir un effet. Par exemple, en raison de la mondialisation et d’autres facteurs, il y a un sentiment de peur, et les politiciens peuvent gagner plus de pouvoir en se concentrant sur ce genre de questions.
 La question est donc « Comment s’y prendre ? ». Tout d’abord, l’action dĂ©pend de l’objectif de votre organisation. En outre, nous devons bien prendre soin de nous-mĂȘmes personnellement et en tant qu’organisation. Nous devons nous interroger : «Qu’est-ce que je veux faire ? » « Qu’est-ce que j’atteindrais et quelle est ma stratĂ©gie ? » « Quel est mon objectif ? pourquoi et comment est-ce que je m’organise ? » parce que beaucoup de choses sont possibles, lorsque vous pouvez rĂ©pondre Ă ces questions, vous serez en mesure de dĂ©finir certaines actions.Â
 Il y a des actions diffĂ©rentes : vous pouvez vous organiser avec d’autres, faire des contre-actions ou vous pouvez faire des dĂ©clarations parce que c’est ce qui se passe en ce moment. Lorsqu’il y a une guerre, la question est la suivante : « Ătes-vous celui qui va se battre, ou votre stratĂ©gie est-elle de rester et de faire ce que vous faites et de ne prendre les mesures appropriĂ©es qu’en cas de besoin ? ». Cela dĂ©pend de qui vous ĂȘtes et de qui vous voulez ĂȘtre. Je ne dirais pas de ne pas se battre, parce que, par exemple, nous avons eu toute la discussion sur Black Pete aux Pays-Bas. Pendant 40 ans, de nombreuses gĂ©nĂ©rations ont dĂ©clarĂ© : « C’est raciste » et ont fait des dĂ©clarations similaires. Cependant, ce n’est qu’au cours des 10 derniĂšres annĂ©es que les jeunes ont vraiment commencĂ© Ă agir, faisant souvent face Ă des attaques en consĂ©quence. Ils ont Ă©laborĂ© des stratĂ©gies et payĂ© un prix Ă©norme pour amener les choses lĂ oĂč elles sont maintenant. Il s’agissait de sensibiliser le public, bien sĂ»r, et le meurtre de George Floyd a Ă©tĂ© extrĂȘmement important pour accroĂźtre la sensibilisation. Cet Ă©vĂ©nement a conduit de nombreuses organisations et de nombreux pays Ă dire : « OK, maintenant je me rends compte » et Ă agir. Mais ces progrĂšs sont le rĂ©sultat de militants ( https://kozwartepiet.nl/) qui se battent sans relĂąche depuis 10 ans. Par consĂ©quent, le message est restĂ© cohĂ©rent, c’est ainsi qu’il a atteint son objectif. Une fois qu’une masse critique a Ă©tĂ© atteinte, la responsabilitĂ© s’est dĂ©placĂ©e vers la sociĂ©tĂ© â les gens ne pouvaient plus prĂ©tendre Ă l’ignorance. Cela dĂ©montre que certains droits, bien que inhĂ©rents, ne sont pas toujours accordĂ©s gratuitement ; Il faut se battre pour eux.Â

( source https://www.nanijansen.org )Â
Je recommande vivement le livre Radical Justice : Building the word we need (https://www.nanijansen.org/), une publication nĂ©erlandaise qui, je l’espĂšre, sera publiĂ©e en anglais. L’auteur y explore la question de savoir si nous pouvons utiliser les « outils du maĂźtre » pour dĂ©manteler la « maison du maĂźtre ». C’est une question cruciale que beaucoup se posent, car les outils que nous utilisons pour lutter contre la discrimination et le racisme n’ont pas Ă©tĂ© conçus Ă l’origine Ă cette fin. Au lieu de cela, ils ont Ă©tĂ© créés pour servir ceux qui sont au pouvoir. La question qui se pose alors est la suivante : ces outils sont-ils suffisamment efficaces pour dĂ©manteler les structures mĂȘmes qui ont créé les inĂ©galitĂ©s ? Ces discussions sont essentielles, car elles permettent de savoir par oĂč commencer, comment utiliser ces outils et dans quel contexte. J’espĂšre que Nani traduira son livre, car le manuscrit est prĂȘt, et qu’il contribuera grandement Ă ces dĂ©bats importants.
Quels sont les risques liés à cette hausse ?
Le risque de la montĂ©e de la xĂ©nophobie et de la marginalisation est la violence. Lorsque l’extrĂȘme droite, l’extrĂȘme droite ou l’Alt-right entrent au pouvoir comme ils le font aux Pays-Bas, en Belgique, en Italie, en Allemagne et dans de nombreux pays, ils changent toute l’infrastructure.Â
 Bien sĂ»r, il y a des protestations, mais il y a aussi une majoritĂ© silencieuse qui ne fait rien, normalisant ainsi le racisme et la discrimination. Cette normalisation permet de s’assurer qu’aucun changement systĂ©mique, comme la modification de la Constitution ou de la lĂ©gislation pour lutter contre le racisme, ne se produise. Au lieu de cela, le racisme est souvent niĂ© catĂ©goriquement, avec des affirmations selon lesquelles certaines actions ou comportements ne sont pas du racisme. MĂȘme les individus les plus ouvertement racistes nient souvent ĂȘtre racistes ou qualifient leurs actions comme telles. Personne ne prĂ©tend ouvertement que le racisme est bon, mais le dĂ©ni perpĂ©tue son existence.
 D’une certaine maniĂšre, c’est l’espoir que j’ai : parce que les gens ne disent pas ouvertement que « le racisme est bon », mais qu’ils nient plutĂŽt que certaines actions constituent du racisme, la majoritĂ© qui s’y oppose peut ĂȘtre en mesure d’aller de l’avant et de dĂ©montrer les implications dangereuses d’un tel dĂ©ni. Cependant, la peur et le profit font souvent obstacle. L’obtention de la justice a un coĂ»t, car les privilĂšges ont Ă©tĂ© construits et accumulĂ©s sur l’exploitation d’autrui. Pour crĂ©er la justice, il faut dĂ©manteler ces privilĂšges, ce qui a inĂ©vitablement un prix. Malheureusement, beaucoup ne sont pas disposĂ©s Ă payer ce prix.
Que pensez-vous du rĂŽle de la sociĂ©tĂ© civile et des militants dans leur lutte contre le racisme en Belgique ?Â
La question clĂ© est de savoir comment et oĂč s’engager. En tant que femme noire travaillant avec des organismes de promotion de l’Ă©galitĂ© et des organisations de la sociĂ©tĂ© civile, j’ai observĂ© que la plupart des associations et des organismes de promotion de l’Ă©galitĂ© restent majoritairement blancs. La crĂ©ation de vĂ©ritables partenariats fait encore dĂ©faut. Cela souligne la nĂ©cessitĂ© pour les organisations dirigĂ©es par des personnes d’ascendance africaine ou d’autres groupes racialisĂ©s d’avoir l’espace et les ressources nĂ©cessaires pour exister et prospĂ©rer. Parfois, certaines organisations en place ne considĂšrent pas les militants comme des alliĂ©s. Ainsi, il est important de comprendre cela et de trouver un moyen d’avoir sa place et de faire ce que vous voulez faire.
 Il est donc essentiel d’Ă©tablir un objectif, une stratĂ©gie et une vision Ă long terme clairs. Au cours de mes 40 annĂ©es d’activitĂ©, j’ai vu de nombreuses organisations se crĂ©er et se dĂ©faire. Pour crĂ©er un hĂ©ritage, il est important de transmettre la mission aux gĂ©nĂ©rations futures tout en maintenant l’Ă©lan. De nombreuses organisations partent de zĂ©ro Ă plusieurs reprises et dĂ©pendent fortement de financements externes, ce qui rend la durabilitĂ© difficile.
 La planification stratĂ©gique est essentielle : comprendre votre objectif, pourquoi vous faites le travail et comment crĂ©er une structure solide. Il est Ă©galement important de nous poser ces questions d’une maniĂšre qui ne reproduise pas la structure oppressive que nous avons. Nous voulons dĂ©manteler toutes ces choses, nous devons donc mettre en pratique ce que nous prĂȘchons. Et nous devons aussi trouver des moyens de ne pas le rendre trop lourd parce qu’il est assez lourd. En consĂ©quence, il s’agit d’Ă©quilibrer la nature lourde du travail avec la joie, la connexion et les soins personnels.
Comment rétablir le dialogue entre les communautés et les pouvoirs ?
Le dialogue est toujours bon, mais la question est de savoir qui invite, qu’est-ce que les autres ont Ă gagner dans cet espace ? Il est important de savoir ce que nous voulons atteindre avec le dialogue. Parfois, il est bon de commencer petit. Interrogez-vous : Quâest-ce que nous voulons en retirer? Y a-t-il une volontĂ© d’Ă©couter ? Quels types d’accords prenons-nous sur la conduite du dialogue (y aura-t-il seulement de l’Ă©coute ou mettra-t-on l’accent sur la discussion) ? La qualitĂ© de la communication est cruciale.Â
Les dialogues sont trĂšs bons, mais la condition prĂ©alable est d’avoir une idĂ©e claire de l’endroit oĂč ce dialogue se dĂ©roule. Les gens au pouvoir ont aussi besoin de pouvoir, mais faites attention Ă ce qu’ils y gagnent et Ă ce qu’ils y gagnent pour vous. Les paramĂštres doivent ĂȘtre clairs.Â
Quand on invite des gens en position de pouvoir, il arrive qu’on se taise parce qu’on se dit « si je dis ça, peut-ĂȘtre que la prochaine fois ils ne viendront pas ». On abandonne parfois notre pouvoir dans les dialogues, ce qui peut ĂȘtre malsain.
Il est important de se mettre d’accord sur l’espace, les rĂ©sultats, les ambitions et les idĂ©es partagĂ©es. Les dialogues sont une question d’Ă©coute des deux cĂŽtĂ©s. Ce travail doit ĂȘtre menĂ© par des personnes capables de tenir l’espace, d’apporter de la clartĂ©, d’approcher le groupe impliquĂ© et de faire des choix sur la façon de procĂ©der. La communautĂ© a un rĂŽle particulier Ă jouer dans notre travail. Si l’on prend le cas de la Belgique, c’est un pays qui a connu un passĂ© d’esclavage et de colonialisme : je ne suis pas tout Ă fait sĂ»re du processus actuel ni de qui mĂšne la discussion, mais il est essentiel d’enquĂȘter : qui est impliquĂ© ? Comment pouvons-nous initier quelque chose ? Qui peut participer et qui sont nos alliĂ©s ? L’approche doit commencer petit, puis s’Ă©largir. Trouvez un crĂ©neau et Ă©tendez-le Ă partir de lĂ .Â
Mais toujours, soyez fidĂšle Ă vous-mĂȘme, soyez fidĂšle Ă ce que vous reprĂ©sentez. Faites attention, dans le feu de l’action, Ă ne pas sacrifier vos valeurs fondamentales.
Vous nous avez dit au dĂ©but que vous vous dĂ©finissiez comme « engagĂ©e » et non comme « activiste ». Plusieurs de professeurs et d’experts partagent la mĂȘme pensĂ©e. Il y a beaucoup de pression sur les femmes noires pour qu’elles continuent le combat. Les femmes noires sont considĂ©rĂ©es comme des militantes, qu’elles le veuillent ou non. Comment garder courage et ne pas ĂȘtre touchĂ©es par le cyberharcĂšlement ?

( source : https://www.dukeupress.edu/white-innocence)
Livre : L’innocence blanche https://www.dukeupress.edu/white-innocence, par le professeur Gloria Wekker.
Gloria Wekker se qualifierait d’activiste, et pas seulement d’engagĂ©e. Tout le monde s’appelle comme il l’aime. S’ils ne vous autorisent pas Ă entrer au Parlement europĂ©en, vous crĂ©ez votre propre Ă©vĂ©nement. Et puis vous invitez ceux que vous voulez dans votre propre espace.Â
Comme je l’ai mentionnĂ© plus tĂŽt, il y a une sorte de guerre en cours. Les gens au pouvoir ressentiront votre « Ă©vĂ©nement secondaire » comme une menace. Il est important de concentrer votre Ă©nergie sur l’utilisation de l’espace tel qu’il est, plutĂŽt que de gaspiller de l’Ă©nergie Ă lutter contre les choses.
MĂȘme chose pour le cyberharcĂšlement : il est trĂšs important de se protĂ©ger et de trouver les personnes qui vous aideront Ă vous protĂ©ger. Ces individus pensent qu’ils sont puissants parce qu’ils restent invisibles. Que vous soyez militant ou non, le risque d’ĂȘtre agressĂ© en luttant contre le racisme sera toujours lĂ . Par consĂ©quent, il est trĂšs important de connaĂźtre vos droits et la façon d’aborder les choses. Par exemple, une de mes amies faisait des recherches importantes et quelqu’un acritiquĂ© son travail, en envoyant des plaintes anonymes Ă son sujet aux organisations qui la finançaient.Â
Il est crucial d’ĂȘtre prĂ©parĂ© avant de s’engager dans le combat. Lorsqu’il y a une plainte contre vous, vous devez savoir en quoi le protocole en place consiste pour vous protĂ©ger. Parce qu’une telle situation arrivera ! Ils vous poseront certaines questions d’une maniĂšre qui suggĂšre qu’ils croient ce que les critiques disent de vous. C’est pourquoi il est essentiel de savoir qui sont vos alliĂ©s et sâils le sont vraiment ou seulement car cela leur convient. Certaines personnes veulent ĂȘtre Ă l’avant-garde, mais elles ont besoin de couvrir leurs arriĂšres.Â
Voici une mĂ©taphore : lorsque les oiseaux migrent pour l’hiver d’un endroit Ă un autre, vous avez une structure (une formation) oĂč un oiseau mĂšne et d’autres volent derriĂšre. https://www.bbc.com/news/av/science-environment-31060162
Mais Ă un certain moment, l’oiseau de tĂȘte est remplacĂ©, il peut aller se reposer Ă l’arriĂšre pendant qu’un autre prend la tĂȘte. Ils vont tous dans la mĂȘme direction.Â
Cela signifie qu’il est important d’ĂȘtre en phase les uns avec les autres, si l’un dit « je suis fatiguĂ© maintenant », un autre peut dire « ok, je te soutiens » â avoir des personnes en qui nous avons confiance pour prendre le relais.
Il s’agit de crĂ©er des structures saines et solidaires qui aideront Ă aller loin et longtemps, car le racisme ne disparaĂźtra pas en 5 ans.
Quelle est votre vision : changer les choses en faisant partie des systĂšmes oppressifs ou lutter de l’extĂ©rieur (en tant qu’activistes) ?
Je pense que c’est une question que beaucoup de gens se posent. Pour moi, il est sage d’avoir des relations avec ces institutions.
Il est crucial d’avoir une base solide de vos objectifs et de votre concentration en tant qu’organisation, et d’avoir l’espace nĂ©cessaire pour rĂ©flĂ©chir Ă de nouveaux processus sur lesquels agir. La chose la plus importante est de connaĂźtre le travail que vous faites et d’obtenir les fonds dont vous avez besoin pour le faire aussi. Soyez le plus indĂ©pendant.e.s possible pour poursuivre le travail que vous faites et ne pas mettre en pĂ©ril vos valeurs. Vous devez crĂ©er une base solide qui vous rend indĂ©pendant.e.s.
Nous essayons souvent de changer les autres, mais ils ne changeront que si cela correspond Ă leurs propres besoins. Ils le feront ou ils ne le feront pas, selon leurs besoins. Je fais ce travail depuis 40 ans, et je peux vous dire que parfois les actions auront un rĂ©sultat et parfois non. Cependant, mĂȘme s’il n’y a pas de rĂ©sultats tangibles, le fait que vous soyez ensemble, que vous Ă©laboriez des stratĂ©gies, a une certaine signification pour la communautĂ©. LâĂ©quilibre entre donner et recevoir.
 Le 2 dĂ©cembre 2024, la cour dâappel de Bruxelles a jugĂ© lâĂtat belge responsable de lâenlĂšvement et de la sĂ©grĂ©gation raciale systĂ©matique dâenfants mĂ©tis durant la pĂ©riode coloniale. Cinq femmes mĂ©tisses, arrachĂ©es Ă leurs mĂšres congolaises et placĂ©es dans des institutions religieuses, ont obtenu ce jugement historique aprĂšs avoir fait appel dâune dĂ©cision prĂ©cĂ©dente rejetant leur demande de rĂ©paration. Que pense-vous de cette affaire?Â

( source : African Futures Lab publiĂ© le 2 dĂ©cembre 2024 source :https://www.afalab.org/news/2024-12-02-african-futures-lab-and-amnesty-international-joint-press-release-belgium-convicted-of-crimes-agains/)Â
Il s’agit d’une dĂ©cision trĂšs importante. Les choses changent. La question clĂ© est la suivante : quelle est la prochaine Ă©tape ? Comment parvenir Ă un changement fondamental ? La sociĂ©tĂ© doit savoir et comprendre ce qui a rĂ©ellement Ă©tĂ© fait contre ces femmes et l’impact que cela a.Â
J’espĂšre que l’organisation qui a dĂ©posĂ© la plainte trouvera des moyens de transformer cette terrible expĂ©rience vĂ©cue par ces femmes en un processus d’apprentissage pour les institutions et le pays dans son ensemble. L’objectif n’est pas simplement de raconter l’histoire, mais plutĂŽt de dĂ©couvrir ce que cela signifie pour les institutions en Belgique. Il s’agit d’une Ă©tape importante, car la victoire juridique n’Ă©tait pas un cadeau qui leur a Ă©tĂ© fait. Ils ont dĂ» se battre pour cela.
C’est un parfait exemple de ce que j’appelle des actions stratĂ©giques ou des contentieux. J’espĂšre que les personnes qui ont dĂ©posĂ© ces plaintes et les personnes qui les entourent donneront Ă©galement un sens et une perspective plus larges qui sensibiliseront davantage l’Ătat belge et les institutions de garde d’enfants en Belgique au racisme (institutionnel).Â
De nombreuses personnes au pouvoir (en particulier les organisations de personnes blanches) considĂšrent le racisme comme un incident. Ils ne le voient pas comme un modĂšle. Mais les personnes racialisĂ©es reconnaissent les tendances ; ils voient et reconnaissent les outils de domination dans les modĂšles.Â
Nous devons nous demander : sommes-nous les savants qui vont dĂ©crire la rĂ©alitĂ© et tendre un miroir vers les responsables en disant « c’est comme ça » et en proposant une solution ? Ou sommes-nous le partenaire qui travaille activement Ă des solutions ? En conclusion, il est important de savoir qui l’on est, ce que l’on veut ĂȘtre et ce que l’on veut accomplir, ensemble.Â
par racism-search | Déc 23, 2024 | Mini-Séries, politique
Remarques anti-Roms en cascade
Conner Rousseau, Vooruit et le racisme dit âordinaireâ
Il y a prĂšs dâun an, en septembre 2023, Conner Rousseau aprĂšs une soirĂ©e avait interpellĂ© des policiers pour les appeler Ă sâattaquer violemment Ă des personnes roms [27].
âCes Roms ou autres gitans sont lĂ chaque put**n de jour avec leur friteuse, leurs matelas Ă proximitĂ© de la bulle Ă verre. Vraiment, ces Roms, il faut sâen dĂ©barrasser. On ne peut pas dĂ©conner avec ces gars-lĂ .â
âDâaprĂšs moi, vous devriez vous attaquer Ă eux plus durement. Vous devriez utiliser votre matraque beaucoup plus souvent.Â
En dehors de leur vulgaritĂ©, ces propos dĂ©notent un vocabulaire propre au racisme anti-roms. Ils sont dâautant plus graves quâils Ă©manent dâune figure dâautoritĂ©, en lâoccurrence un dĂ©putĂ© au Parlement flamand et prĂ©sident en exercice du parti socialiste flamand Vooruit.

© Belga Photo- Nicolas Maeterlinck
Ce dernier sâĂ©tait excusĂ© en octobre 2023, en justifiant quâil Ă©tait saoul et quâil voulait exprimer
âde maniĂšre erronĂ©e la frustration de nombreux habitants du quartier.â [28]
Autrement dit, il sâest posĂ© en porte-voix du racisme anti-Roms qui aurait cours dans la population de Saint-Nicolas (Province dâAnvers) [28]. Il invoque une fois de plus des arguments racistes pour justifier cette prĂ©tendue opinion de la population. Mr Rousseau parle de ânuisances« , de âharcĂšlementâ que feraient subir les personnes roms âdans son quartierâ [27]. Comme si les personnes roms n’ appartenaient pas au quartier, poursuivant ainsi sa rhĂ©torique raciste qui les dĂ©peint comme Ă©tant des personnes dĂ©rangeantes.Â
Suite Ă ces propos, le parquet de Flandres orientale at lancĂ© une procĂ©dure de mĂ©diation Ă lâissue de laquelle il a Ă©tĂ© invitĂ© Ă visiter la Caserne Dossin (lieu de mĂ©moire du gĂ©nocide des Roms) et Ă suivrer une formation sur lâimportance des mots et du langage [27].Â
Conner Rousseau a Ă©galement dĂ» cĂ©der la tĂȘte de son parti, tout en conservant une place de choix dans le paysage politique. Il est dâabord inscrit sur la liste de Vooruit pour le Parlement flamand dans la circonscription de Flandre orientale [29]. De plus, dĂšs avril 2024, il reprend le devant de la scĂšne Ă travers de multiples interventions et en participant Ă la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© politique Ă succĂšs âHet Conclaafâ. Il occupe alors lâespace mĂ©diatique rĂ©servĂ© Ă la/au prĂ©sident·e du Parti socialiste flamand.Â
Au lendemain des Ă©lections, Ă lâissue de l’intĂ©rim de la prĂ©sidente MĂ©lissa Depraeter, seul Conner Rousseau sâest prĂ©sentĂ© Ă la tĂȘte du parti. Il a alors Ă©tĂ© réélu pour un nouveau mandat avec 94% du vote des adhĂ©rent·e·x·s. [30]
George-Louis Bouchez, victimisation et inspiration rousseauiste
AprĂšs la rĂ©vĂ©lation des dires racistes de Conner Rousseau, George-Louis Bouchez a publié un tweet dans lequel il affirme que le racisme ne peut ĂȘtre âni tolĂ©rĂ©, ni excusĂ©â, et ajoute que âcâest un dĂ©lit, pas une opinionâ et conclut sur le fait que âlâantiracisme et lâexemplaritĂ© soient Ă gĂ©omĂ©trie variable pour certains selon lâauteurâ [31]. Par la suite, M. Bouchez est intervenu sur la chaĂźne LN24 a dĂ©claré avec fermetĂ©
« Si je tenais de tels propos, je dĂ©missionnerais dans l’heure » [32]

Facebook de George-Louis Bouchez, 6 octobre 2023
Et pourtantâŠ
En 2021, dĂ©jĂ , George-Louis Bouchez avait appelĂ© Ă ârendre impossible ces installationsâ en rĂ©fĂ©rence aux rĂ©sidences des personnes roms. Il recommandait mĂȘme de recourir Ă Â âun harcĂšlement policierâ [33]. Propositions particuliĂšremenrt dangereuses mais qui nâavaient pas fait rĂ©agir dâautre mĂ©dia que la DH a lâĂ©poque [33, 34, 35].Â
Lors dâune confĂ©rence de presse dans le cadre de sa campagne aux communales dâoctobre 2024, intitulĂ©e âMons en mieuxâ, le PrĂ©sident du MR est interrogĂ© sur les problĂšmes de domiciliation de Julie Taton, influenceuse et animatrice radio originaire de Lasne, parachutĂ©e par le parti pour lâemporter Ă Mons. PlutĂŽt que de rĂ©pondre Ă cette question, le prĂ©sident du MR choisit de parler dâun tout autre sujet : âJe prĂ©fĂšre accueillir Julie Taton Ă Mons que certains profils, et je ne citerai pas de nom sur ce sujetâ . Son intervention, dĂ©jĂ critique, prend un tournant problĂ©matique lorsquâil ajoute âquand vous voyez des occupations, sauvages parfois, de gens du voyage, et je nâai rien contre les gens du voyageâ [36]. Pourtant, ces propos suggĂšrent le contraire.  Il enchaĂźne en Ă©voquant lâillĂ©galitĂ© et le caractĂšre âsauvageâ supposĂ©s des campements [36], avant d’opĂ©rer une comparaison implicite avec stĂ©rĂ©otypes de la bourgeoisie blanche.
âQuand je vois quâĂ Mons des gens du voyage occupent illĂ©galement certains terrains et la Ville vous dit âon ne sait rien faireâ [âŠ] et Ă cĂŽtĂ© de ça, vous avez quelquâun [Julie Taton] qui vient Ă Mons, qui a du pouvoir dâachat, qui paie des impĂŽts, qui inscrit ses enfants Ă lâĂ©cole et qui veut acheter un logement et lĂ , on lui fait un procĂšs comme si câĂ©tait une criminel, je trouve que câest inacceptable.â [36].
Tous les clichĂ©s ressurgissent : la supposĂ©e non-contribution Ă la sociĂ©tĂ© des Roms qui les a faits ĂȘtre perçu·e·x·s comme des parasites quand bien mĂȘme iels Ă©taient artisan·e·x·s, artistes, commerçant·e·x·s; le rapport Ă lâĂ©cole avec lâidĂ©e de faible niveau dâĂ©ducation et enfin, le reproche classique de leur nomadisme pourtant historiquement essentiel dans la culture rom bien que de nombreuses communautĂ©s roms sont aujourdâhui sĂ©dentaires. à cela sâajoute une autre forme de stigmatisation : lâassociation frĂ©quente entre criminalitĂ© et populations racisĂ©es. Contrairement aux personnes blanches, souvent perçues comme « respectables » ou « civilisĂ©es », les Roms, comme dâautres minoritĂ©s, sont trop souvent injustement assimilĂ©s Ă des comportements illĂ©gaux, ce qui reflĂšte un traitement discriminatoire profondĂ©ment ancrĂ© dans la sociĂ©tĂ©.
âNos enfants vont aussi Ă lâĂ©cole. Nous sommes des gens qui travaillent. Nous payons nos contributions et nos taxes de roulage. Sur la question de lâaccueil, câest plutĂŽt Ă nous de dire que les autoritĂ©s nous prennent vraiment pour des criminels. Nous vivons constamment cette humiliation. Il serait temps que Georges-Louis Bouchez puisse avoir des mots plus amicaux envers notre communautĂ©.â [36] – Etienne Charpentier, prĂ©sident du ComitĂ© National des Gens du Voyage pour La DH.

Le Soir – Roger Milutin
Ătonnamment, malgrĂ© ces propos discriminatoires tenus Ă lâĂ©gard des personnes roms nous nâavons entendu parler ni de dĂ©mission de sa part, ni de battage mĂ©diatique en dehors de lâunique article de la DH qui reprend 2 rĂ©actions d’Ă©cologistes francophones et celle de Patrick Charlier, directeur de lâUnia [36].Â
Alors quand il termine son point sur le racisme et les propos de Conner Rousseau dans son interview pour LN24, en disant quâ â(…) objectivement c’est un peu particulier de voir tant de complaisance Ă l’Ă©gard du racisme venant de la part de gens qui font la leçon du matin au soir« . [32] On ne peut qu’ĂȘtre dâaccord avec lui.Â
Conclusion
Ecrire cette mini-sĂ©rie nâa rien eu dâaisĂ©. Elle agrĂšge des dizaines dâheures d’Ă©puisement Ă devoir traiter le mal que nos reprĂ©sentant·e·s politiques nous inflige en tant que personnes racisĂ©es*. Elle fait le constat, sinon d’une recrudescence, dâune place consĂ©quente prise par les discours et des politiques racistes durant la derniĂšre campagne Ă©lectorale 2023-2024. Et ce, tant au niveau des Ă©lections communales (âGeorge-Louis Bouchez, victimisation et inspiration rousseauisteâ), au niveau rĂ©gionale et communautaire (âPierre-Yves Jeholet, agression raciste en directâ) quâau niveau des Ă©lections fĂ©dĂ©rales (âRefus de la publication du Rapport : l’amnĂ©sie colonialeâ ) et europĂ©ennes (âPour Frontex, un consensus meurtrierâ).
Plus inquiĂ©tant, ces choix politiques racistes n’ont pas ou peu Ă©tĂ© sanctionnĂ© dans les urnes par les Ă©lecteur·ice·x·s belge·x·s.Â
- P-Y. Jeholet a obtenu 16.627 /172.256 votes dĂ©posĂ©s au Parlement wallon en 2019; contre 64.306 voix / 675.156 Ă la Chambre (fĂ©dĂ©rale) en 2024 [37,38]. Soit un rĂ©sultat stable, passant de 9.65% (2019) Ă 9.53% (2024).Â
- G-L. Bouchez a obtenu 16.522 /810.896 votes déposés en 2019 aux communales de Mons; contre 7.148 voix /54.499 en 2024  [39,40]. Soit un résultat en nette augmentation, passant de 2.04% (2019) à 13.11% (2024).
- C. Rousseau a obtenu 17.438 / 1.036.419 votes déposés au Parlement flamand en 2019; contre 75.801 voix / 1.068.365 en 2024  [41,42]. Soit un résultat en augmentation, passant de 1.68% (2019) à 7.09% (2024).
La lutte antiraciste dans la sphĂšre nous paraĂźt cruciale Ă lâaune de cette campagne Ă©lectorale aux multiples occurrences racistes. Câest pourquoi nous lançons dĂšs le mois de fĂ©vrier une chronique sur la vie politique belge pour analyser les politiques, les faits et dits – de maniĂšre non exhaustive – qui participent au renforcement du racisme dans notre sociĂ©tĂ©.
*Racism Search est une associaitons en mixitĂ© mais cet article a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© et relu uniquement par des personne racisĂ©es de lâassociation.Â
Sources
[27] StĂ©phanie Lepage, âLes propos racistes de Conner Rousseau font largement rĂ©agirâ, disponible sur https://www.rtbf.be/, publiĂ© le 08 ocobre. 2024, https://www.rtbf.be/article/les-propos-racistes-de-conner-rousseau-font-largement-reagir-11288119
[28] LâEcho, âPropos racistes : Conner Rousseau sâexcuse mais ne convainc guĂšreâ, disponible sur https://www.lecho.be/, publiĂ© le 5 octobre 2023 , https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/flandre/propos-racistes-conner-rousseau-vooruit-s-excuse-mais-ne-convainc-guere/10497263.html
[29] LâEcho,âConner Rousseau redeviendra PrĂ©sident de Vooruit comme si de rien nâĂ©taitâ, disponible sur https://www.lecho.be/, publiĂ© le 2 juillet 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/general/conner-rousseau-redeviendra-president-de-vooruit-comme-si-de-rien-n-etait/10553916.html
[30 ] LâEcho, âConner Rousseau, seul candidat, rĂ©elu avec 94% des voixâ, disponible sur https://www.lecho.be/, publiĂ© le 18 juillet 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/flandre/conner-rousseau-seul-candidat-reelu-president-de-vooruit-avec-94-des-voix/10556119.html
[31] DĂ©pĂȘche Belga, Les rĂ©actions de la classe politique francophone aux propos racistes de Conner Rousseau, disponible sur https://www.7sur7.be/, publiĂ© le 6 octobre 2023, https://www.7sur7.be/belgique/les-reactions-de-la-classe-politique-francophone-aux-propos-racistes-de-conner-rousseau~a8234f81/
[32] La Rédaction de La Libre, Georges-Louis Bouchez sur la démission de Conner Rousseau: « Les émissions en Flandre étaient hallucinantes », disponible sur https://www.lalibre.be/, publié le 20 novembre 2023, https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2023/11/20/georges-louis-bouchez-sur-le-dossier-des-pfas-et-celine-tellier-comment-voulez-vous-que-nous-nous-ayons-confiance-en-elle-LQSCUEIZEJDQFFEFIUSKS7FPUA/
[33] Gauvain Dos Santos, âInterrogĂ© sur Julie Taton, Georges-Louis Bouchez bifurque sur les gens du voyage : âHumiliation permanentâ, rĂ©agit la communautĂ©â, disponible sur https://www.dhnet.be/, publiĂ© le 29 aout 2024, https://www.dhnet.be/actu/elections-belges/elections-communales/2024/08/29/interroge-sur-julie-taton-georges-louis-bouchez-bifurque-sur-les-gens-du-voyage-humiliation-permanente-reagit-la-communaute-QR65GZ5THRB43K7GR7X2RHS3DQ/
[34] DaniÚle Madrid, Roms, Voyageurs, violences policÚrrs et devoir de mémoire, disponible sur https://www.centreavec.be/, publié le 22 janvier 2015, https://www.centreavec.be/publication/roms-voyageurs-violences-policieres-et-devoir-de-memoire/
[35] Baudouin Janssens, Les Roms : Une actualité de cinq siÚcles, disponible sur https://www.amnesty.be, publié le 15 octobre 2013, https://www.amnesty.be/infos/notre-magazine-le-fil/septembre-octobre-2013/article/roms-actualite-cinq-siecles
[36] G.La, Gens du voyage à Mons: Georges-Louis Bouchez prÎne un « harcÚlement policier », disponible sur https://www.dhnet.be/, publié le 8 novembre 2021, https://www.dhnet.be/regions/mons/2021/11/08/gens-du-voyage-a-mons-georges-louis-bouchez-prone-un-harcelement-policier-EZATZ4B5HJGSTM574EVIKEWHRQ/