Dalila Awada

Dalila Awada

“[…] La personne de confession musulmane, érigée en ennemie, est un bouc-émissaire idéal. Paradoxalement, il rassure. Car nul besoin de se poser des questions sur nos propres façons de faire.”

Dalila Awada

La jeune femme en entrevue avec Francis Reddy

Radio-Canada/Cécile Glabel, « Dalila Awada veut défendre ses idées pour le Québec », Radio-Canada Ohdiao, publié le 17.02.2019, disponible sur https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/le-gout-des-autres/segments/entrevue/106502/dalila-awada-feministe-racisme-idees

Née au Québec en 1990 de parents d’origine libanaise, Dalila Awada est une étudiante en maitrise en  sociologie, féministe et militante. Elle est connue pour ses luttes pour l’acceptation du port du voile et contre le racisme. [1]. 

A 13 ans, Awada décide de porter le voile. Elle ressent ce geste comme une manière de mettre en avant ses valeurs, de s’intégrer à sa communauté et d’honorer sa religion [2]. Elle n’a jamais voulu choisir entre sa culture québécoise et libanaise et prône le fait qu’une balance entre les deux peut être possible, même lorsqu’on porte le voile [2]

Awada a connu, comme la plupart des femmes voilées, de nombreuses situations déplaisantes et racistes notamment dans la rue (où des passants ne manquaient pas de l’insulter ou la critiquer). Son entrée sur le marché du travail a également été marquée par un accueil froid et réservé à cause de son voile [2]. 

Elle se fait connaître durant le débat sur la Charte des valeurs québécoises dans lequel elle avait défendu le droit des femmes à porter le voile, dès 2013. Elle s’opposait dès lors à cette charte qui prévoyait la création d’une société laïque et interdisait le port de tout signe religieux visible (et ce, le port du voile, du turban, du hijab et de la kippah) pour tous les employés de l’Etat dans le cadre de leurs activités professionnelles [3][4]. 

Suite à ces propos, elle a fait face à des discours haineux. [5] Un certain blogueur du nom de Philippe Magnan s’est emparé du sujet et a attaqué la militante sur son site Poste de Veille. Il a, entre autres, fait un rapprochement entre l’islamisme radical et la position de Dalila. [6] En 2018, il doit verser 60.000 $ d’intérêts et frais de justice pour les torts causés par sa diffamation.[3] 

Awada co-fonde également la fondation Paroles de Femmes qui a pour but d’offrir un espace aux femmes racisées pour s’exprimer et partager leurs expériences [1].

Awada Dalila est également chroniqueuse pour le magazine VOIR et conférencière [1] Elle écrit dans plusieurs journaux québécois, mais ne mentionne jamais sa relation à la religion. Elle préfère mettre en lumière et vulgariser la racisation des femmes et leurs droits. [5] Depuis 2018, elle est notamment chroniqueuse au sein du” journal  Métro” qui est un quotidien montréalais [7]. On peut d’ailleurs y retrouver plusieurs articles qui ont un lien direct avec ses principales luttes.

Dalila Awada continue d’écrire et de lutter pour le féminisme et l’acceptation de chacun. Bien qu’installée de l’autre côté de la planète, les débats sur la Charte des valeurs québécoises sont assez similaires à ceux que nous pouvons retrouver sur notre continent et dans notre pays. Lorsque l’on connaît la multiplication des discriminations fondées sur la religion, réintroduire ce sujet au sein de la société semble évident, au Québec … et en Belgique. 

Sources

[1] La Fondation Paroles de Femmes, disponible sur www.fondationparolesdefemmes.org. 
[2] Montpetit, C., “Exposition- Ce qu’il y a derrière le voile”, disponible sur www.ledevoir.com, publié le 13 avril 2012. 
[3]Bellemare, M., “Condamné pour diffamation, le blogueur Magnan doit verser 60 000$ à la militante Dalila Awada”, disponible sur www.journaldemontreal.com, publié le 13 juillet 2018.
[4] Dangenais, M., “La charte des valeurs québécoises”, disponible sur www.thecanadianencyclopedia.ca, publié le 23 janvier 2014.
[5] Le Monde de l’Autre, “Portrait de femme musulmane: Dalila Awada, militante et féministe” disponible sur https://lemondedelautre.org, publié le 29 novembre 2018.
[6] TVA Nouvelles. “Il savait que Dalila Awada n’est pas radicale”, disponible sur https://www.tvanouvelles.ca, publié le 9 mai 2014.
[7] Ferraris. F., “ le voile, pour ou contre ou ça dépend ? ”, disponible sur www.chatelaine.com. 
Comment se protège-t-on face au racisme en Belgique

Comment se protège-t-on face au racisme en Belgique

As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés?

Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.

Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

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Sur base de ce schéma, l’Article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination.

En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.

En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…

La Constitution belge

Contenu et contexte historique :

L’Article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :

« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».

Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.

Qui peut invoquer l’Article 11 de la Constitution ?
  • L’Article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.

P.S. : Dans le dernier slide, tu retrouveras un petit dico des mots pointés en gras

La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act) 

Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme.

Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité.

La loi antiracisme va protéger les personnes victimes de :

  • discrimination directe 
  • discrimination indirecte 
  • injonction de discriminer 
  • harcèlement
Le savais-tu ?

 Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensible que ce que l’Union Européenne demandait.

  • On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
  • La Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”.

En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.

Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres 

Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.

La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.

La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe).

Les deux lois interdisent :

  • la discrimination directe 
  • la discrimination indirecte
  • l’injonction de discriminer
  • le harcèlement
  • le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
  • un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Le savais-tu ? 

Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres vu qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.

Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est mysogine, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les trois lois que nous venons d’expliciter.

 

– Dico juridique –

  • Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi.

Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.

  • Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences.

Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.

  • Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
  • Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
  • Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).

 

Sources

Les violences sexospécifiques: une approche intersectionnelle

Les violences sexospécifiques: une approche intersectionnelle

 les violences sexospécifiques: une approche intersectionnelle

Sneha SIvarjan, une photo en noir et blanc d’une femme portant un foulard, Unsplash, publié le 27 septembre 2021, disponible sur https://unsplash.com/pt-br/fotografias/uma-foto-em-preto-e-branco-de-uma-mulher-usando-um-lenco-AhfrQsQkceU

 

Introduction 

TW : violences sexuelles 

Chaque jour des violences sexuelles et de genre sont perpétrées majoritairement par des hommes à l’encontre de femmes[A]. Si cette réalité est de plus en plus connue, médiatisée et combattue, il reste encore difficile d’obtenir des sources documentant l’ampleur et l’impact de ce phénomène sur les femmes racisées et donc de mesurer l’aspect systémique de ces violences dans une approche intersectionnelle[B]. 

Au travers de cet article, nous avons décidé de faire le jour sur ces questions et donc, plus précisément, sur les violences sexospécifiques (c’est-à-dire les violences sexistes, sexuelles, et de genre) à l’égard des femmes racisées ainsi que l’accompagnement de ces femmes au niveau institutionnel (police, justice). 

Si, évidemment, les éléments que nous mettrons en lumière pourraient, chacun, faire l’objet d’un article, notre objectif, ici, est de souligner la dimension globale et systémique. 

Au vu du sujet traité, n’hésitez pas à interrompre votre lecture si celle-ci devenait inconfortable/difficile et à prendre un moment pour prendre soin de vous.

1. Violences sexistes et sexuelles à l’égard des personnes racisées 

 

photo du site https://www.noustoutes.org/manif2022/

À la racine des violences sexistes et sexuelles à l’égard des personnes racisées, il y a la question des stéréotypes, préjugés et stigmates qui leur sont accolés et qui favorisent d’autant plus la production de discriminations et de violences[C].

Ainsi, les stéréotypes vis-à-vis des femmes racisées, notamment sur leur sexualité, dans nos sociétés belges et françaises sont des stéréotypes directement liés à notre passé colonial (et au colonialisme encore actuel). Rokhaya Diallo et Grace Ly illustrent cela en démontrant que la fétichisation des femmes racisées découle directement de la colonisation, période durant laquelle les colons ont cherché à asseoir leur domination de plusieurs manières notamment au moyen de viols [D]. Françoise Vergès fait également le lien avec les pratiques esclavagistes et coloniales, où les femmes racisées étaient considérées comme des objets sexuels [E].  

Un ensemble de préjugés se sont construits à partir de ce terreau fertil qu’a été la colonisation pour les violences sexuelles et de genre. Sur base de leurs corps, de leurs couleurs de peaux, de leurs traits physiques, les femmes racisées sont tantôt rejetées tantôt hypersexualisées; tantôt considérées comme douces et dociles – faciles à dominer, tantôt considérées comme puissantes sexuellement, animales – qu’il faudrait “dompter”. [F]

Ces stéréotypes se sont insinués partout, participent aux imaginaires collectifs autour de la sexualité, d’autant plus que l’industrie de la pornographie s’en fait l’écho. À titre d’exemple, la requête « beurette » est aujourd’hui l’une des plus courantes dans les moteurs de recherche des sites pornos. [D]

Au-delà de participer à l’essentialisation des femmes racisées, la perpétuation de ces clichés conduisent à ce que ces femmes soient victimes de plus de violences. 

Selon Amnesty International en effet, les femmes noires ont 84% de risque en plus d’être mentionnées dans un message abusif ou problématique que les femmes blanches sur les réseaux sociaux.[G]

Dans le cadre d’une enquête dont la commune d’Ixelles est à l’initiative, liée aux agressions à Ixelles et au mouvement #balancetonbar, 70,7 % des personnes rapportant se sentir discriminées en raison de leur origine ethnique ou culturelle rapportent avoir vécu une ou des violences sexuelles ayant un caractère discriminatoire relatif à l’origine ethnique ou à la culture. 75 % des personnes rapportant se sentir discriminées en raison de leur couleur de peau rapportent avoir vécu une ou des violences sexuelles ayant un caractère discriminatoire. Dans ce même rapport, il a été reconnu que les caractéristiques discriminatoires additionnelles de ces agressions sexuelles opèrent comme un multiplicateur de violence et aggravent le traumatisme vécu par les personnes concernées. [H]

Les femmes racisées sont impactées par toutes les formes de violences, en ce compris les violences conjugales. [I]

2. Violences sexuelles à l’égard des personnes en parcours migratoire

Mika Baumeister,personnes en T-shirts jaunes et roses, Unsplash, publiée le 24 novembre 2020, disponible surhttps://unsplash.com/fr/photos/personnes-en-t-shirts-jaunes-et-roses-YaHlnh6ItjA

Sans que les éléments détaillés ci-avant ne soient considérés comme invalides, il semblait important de considérer la situation spécifique dans laquelle se retrouvent les femmes en parcours migratoire. En effet, ces personnes se retrouvent dans des contextes de vulnérabilité très importants que cela soit durant leur parcours ou dans leur pays d’accueil. [G] 

Si leur condition spécifique est prise en compte par différents instruments juridiques internationaux, tels que la Convention d’Istanbul ou la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, force est de constater qu’en pratique, elles restent confrontées à de nombreuses violences. Pour ne se limiter qu’à la Belgique, le dernier rapport du GREVIO sur la situation dans notre État, souligne la nécessité de revoir en profondeur les lois et politiques en matière d’immigration en vigueur car, en l’état, elles ne garantissent pas une protection suffisante et effective en matière de violences faites aux femmes. [J]

 

3. La réponse institutionnelle face à ces violences:

Si les femmes racisées sont donc particulièrement visées par des violences sexistes et sexuelles, la réponse institutionnelle à ces violences en constitue une elle aussi.  

En effet, au-delà des difficultés rencontrées par toutes les femmes dans le dépôt d’une plainte ou dans le processus de la justice pénale, ce processus est d’autant plus difficile pour les femmes racisées dans un contexte plus global de violences policières et de justice raciste. 

Pour beaucoup de femmes racisées victimes de violences sexistes et sexuelles, le choix de porter plainte ou non est grandement influencé par l’impact négatif des expériences vécues dans les autres sphères de leur vie sociale et la méfiance envers les services de police. 

Cette méfiance serait, entre autres, le résultat de nombreux phénomènes, comme la  discrimination systémique des personnes racisées, la surreprésentation de ces personnes parmi les victimes de violences policières, le profilage et la surveillance policière accrue de ces populations. 

En outre, plus spécifiquement pour les femmes en parcours migratoires, cela est dû à la précarité du statut, la méconnaissance du fonctionnement du système juridique, l’isolement, les défis engendrés par le processus migratoire, la discrimination à l’égard de ces femmes ou certaines mauvaises expériences avec les forces de l’ordre dans le pays d’origine.

Quand elles décident de porter plainte, ces femmes sont encore susceptibles de subir des entraves au bon fonctionnement de la procédure judiciaire. 

En effet, toutes victimes de violences sexistes et sexuelles fera fort probablement face à une banalisation des violences sexospécifiques, la culture du viol, le manque de connaissance sur les processus de victimisation, l’insensibilité et les attitudes culpabilisatrices de la part des acteurs et actrices du système judiciaire et les longs délais.
A cela s’ajoutent des obstacles spécifiques aux personnes racisées en raison de l’intériorisation de certains stéréotypes. [K]

Les stéréotypes que nous mentionnions précédemment sont également ici à l’œuvre. “Les femmes noires sont perçues comme plus irrationnelles, plus résistantes à la violence et plus agressives que les femmes blanches (Richie, 2000). Parce que la « bonne victime » de violence est perçue comme la victime d’une violence unilatérale de contrôle, la « bonne victime » ressemble plutôt à une femme blanche, tandis que les femmes noires voient les violences qu’elles subissent légitimées par leurs stéréotypes raciaux de comportement et souffrent d’un déficit de crédibilité comme victimes auprès des associations et surtout du système judiciaire ; les femmes noires passent donc pour de « mauvaises victimes »(West, 2004 ; Sokoloff et Dupont, 2005). La focalisation sur la dimension genrée de la domination a fonctionné aux dépens des dimensions économiques et raciales”[I].  

Conclusion

Cet article a démontré une fois encore la nécessité d’appliquer une lecture intersectionnelle aux différents phénomènes sociaux, en l’occurrence les violences sexospécifiques. Cette approche est nécessaire tant au niveau théorique qu’au niveau pratique et donc à mobiliser dans les outils de lutte, de prévention et de sensibilisation

Sources:

[A] Nous utilisons les mots femmes pour englober toutes les personnes subissant ou ayant subi différentes formes de sexisme : les femmes cis, les femmes trans, ainsi que toutes les victimes de sexisme qui ne s'identifient pas en tant que femmes comme les personnes AFAB et les personnes non-binaires.

[B] Voy. les articles déjà présents sur la page “Racism Search” abordant la question.   

[C] HAMEL, C., « La sexualité entre sexisme et racisme : les descendantes de migrant·e·s du Maghreb et la virginité », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, no. 1, 2006, pp. 41-58.

[D] DIALLO, R. et LY, G., « La geisha, la panthère et la gazelle », Podcast Kiffe ta Race, épisode 3, 2018. 

[E] VERGES, F., Un féminisme décolonial, La fabrique Éditions, 2019. 

[F] Voy. les articles déjà présents sur la page “Racism Search” abordant la question de l’hypersexualisation et des préjugés.

[G] Amnesty International, « Des recherches participatives sur Twitter révèlent l’ampleur choquante des violences en ligne à l’égard des femmes », Communiqué de presse, 18 décembre 2018, disponible sur: https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2018/12/crowdsourced-twitter-study-reveals-shocking-scale-of-online-abuse-against-women/ (consulté le 6 février 2023). 

[H]Egerieresearch, « Diagnostic intersectionnel du vécu des femmes, des personnes sexisées, racisées et faisant partie de la communauté LGBTQIa+ dans le milieu festif et les bars en particulier », Rapport, Avril 2022, disponible sur : https://ds.static.rtbf.be/article/attachment/11005607/c/3/f/f9d6d25b559f8c8ad375aa4f42db9cba.pdf (consulté le 6 février 2023). 

[I]BONNET, F., « Violences conjugales, genre et criminalisation : synthèse des débats américains », Revue française de sociologie, vol. 56, no. 2, 2015, pp. 357-383.

[J]GREVIO, « Rapport d’évaluation de référence - Belgique », Conseil de l’Europe, 21 Septembre 2020. 

[K]THIBAULT, S., PAGÉ, G. et BOULEBSOL, C., Justice pour les femmes marginalisées victimes de violences sexospécifiques. Ce que la littérature et les intervenantes nous apprennent, Québec, 2022.