par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Droits, Legal Text For All
Introduction
Ces dernières années, le port du voile a fait l’objet de nombreux débats houleux et d’attaques à répétition.Ces dites attaques sont souvent synonymes d’islamophobie, qui plus est, sous une forme genrée.
Entre droit à la liberté de religion, vivre-ensemble et discrimination, nous te proposons d’analyser deux arrêts de Cour de Justice de l’Union européenne.
La vision de la laïcité consacrée en 2017 par la CJUE dans les arrêts Achbita et Bougnaoui est directement inspirée du modèle français, dont la laïcité a souvent pris une tournure ambitieuse et envahissante au cours des trente dernières années.
Faits de l’affaire Achbita
En 2003, Madame Achbita a commencé à travailler comme réceptionniste au sein de la société G4S, société de gardiennage. A cette époque, une règle non-écrite prônait que les travailleurs ne pouvaient pas porter, sur leur lieu de travail, des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses.
En 2006, elle fait savoir à ses employeurs qu’elle compte porter le voile, mais ceux-ci lui informent que c’est contraire au principe de neutralité applicable dans cette entreprise. Quelques mois après, l’entreprise modifie son règlement intérieur et y inscrit la clause selon laquelle : « il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ».
Le 12 juin 2006, Madame Achbita est licenciée en raison du port de son voile, en tant que musulmane, sur son lieu de travail. Elle décida de porter plainte et fut soutenue par Unia dans ses démarches.
Après une longue procédure devant les tribunaux belges, la Cour de Cassation décide de surseoir à statuer* pour poser une question à la Cour de justice de l’Union européenne*. Cette question est la suivante : « l’interdiction de porter un foulard en tant que musulmane sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe lorsque la règle en vigueur chez l’employeur interdit à tous les travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes extérieurs de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ? »
Conclusion de la Cour
Il est donc demandé à la Cour d’établir si cette interdiction constitue une discrimination directe. Dans un premier temps, elle va devoir donner une définition du terme “religion” étant donné qu’on n’en retrouve pas dans la loi. Pour ce faire, elle se réfère aux considérants et aux traditions des Etats membres. Elle établit que la notion de religion couvre tant le forum internum, à savoir le fait d’avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse.
Ensuite, elle en vient donc à se poser la question posée par la Cour de cassation, à savoir si cette différence de traitement constitue une discrimination directe.
Elle conclut qu’il ne peut s’agir de telle discrimination car en traitant de manière identique tous les travailleurs de l’entreprise et en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, notamment une neutralité vestimentaire s’opposant au port de tels signes, cela ne crée par de discrimination directement fondée sur la religion ou sur les convictions.
Elle ajoute, par contre, que la juridiction de renvoi*, bien qu’elle n’ait pas posé la question, puisse s’interroger sur la présence d’une discrimination indirecte. Il faut donc vérifier si l’obligation, en apparence neutre, n’aboutit pas, dans les faits, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données.
Toutefois, si cette mesure est justifiée par un objectif légitime et si les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, on ne pourrait conclure à une telle discrimination indirecte.
Dans un premier temps, la Cour dit que la volonté d’avoir une politique de neutralité dans l’entreprise est légitime car cela correspond à la liberté d’entreprise.
Ensuite, concernant le caractère approprié et nécessaire, la Cour donne quand même certains indices intéressants. Elle dit qu’il faut que la juridiction de renvoi vérifie s’il n’était pas possible de proposer un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients et permettant ainsi d’apporter une autre solution au licenciement.
Faits de l’affaire Bougnaoui
Madame Bougnaoui a été engagée au sein de la société Micropole Univers en tant qu’ingénieure d’étude. Lors de son embauche, elle portait déjà le foulard mais on lui a dit qu’elle devrait peut-être le retirer dans ses contacts avec les clients.
Un client a indiqué qu’il se sentait gêné par ce port du foulard et s’est plaint directement à l’employeur de Madame Bougnaoui. Cet employeur la convoqua et lui demanda d’accepter les contraintes professionnelles et donc de ne pas porter le voile, ce à quoi elle répondit par la négative.
Par conséquent, il décide de la licencier pour faute grave. Suite à cela, Madame Bougnaoui décide de porter plainte pour licenciement à caractère discriminatoire. Elle est soutenue par l’Association de défense des droits de l’homme (ADDH).
Après une longue procédure devant les juridictions françaises, la Cour de Cassation française pose une question à la Cour de justice de l’Union européenne.
La question posée consiste à se demander si la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services de cette entreprise assurés par une travailleuse portant un foulard islamique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour l’entreprise.
Conclusion de la Cour dans l’affaire Bougnaoui
La Cour estime que « la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante » et conclut donc sur une discrimination à l’égard de Me Bougnaoui.
Elle établit néanmoins qu’une entreprise peut très bien adopter une politique générale de neutralité qui prohibe le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, mais sous certaines conditions. Ainsi, une telle politique doit être poursuivie de façon indifférenciée et doit s’appliquer de la même manière à tous les travailleurs. La Cour estime donc que le règlement intérieur d’une entreprise peut prévoir l’interdiction du port visible de signes politiques, philosophiques ou religieux. Rappelons que dans cette affaire, il n’y a pas de règlement intérieur, c’est une demande orale de l’employeur envers Me Bougnaoui qui ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une règle de neutralité établie à l’égard de tout le personnel, raison pour laquelle la Cour conclut à une discrimination.
La Cour ajoute que l’obligation de neutralité étant justifiée par un règlement intérieur, si un travailleur ne veut se conformer à la règle alors qu’il côtoie directement la clientèle, l’entreprise est tenue de chercher un autre poste de travail pour l’employé qui lui permettra de “ne plus être vu du client” et ce, afin d’éviter le licenciement.
Enseignements à tirer
On peut se réjouir du fait que la Cour admette une discrimination directe lorsqu’il est question d’une interdiction de port de signes religieux donnée de façon orale, ce qui ne permet pas de savoir s’il s’agit effectivement de la recherche par l’entreprise d’une politique de neutralité appliquée de façon indifférenciée à tous les employés.
Le point plus problématique de ces deux affaires réside dans l’admission par la Cour de la possibilité qu’une entreprise interdise le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux dans son règlement d’ordre intérieur.
Certes, c’est une mesure qui est d’apparence neutre car elle englobe toutes les religions et s’applique à tous les travailleurs. Mais, il est permis de se demander si dans les faits, une telle mesure n’est pas de nature à toucher de façon plus forte une catégorie de personnes, à savoir les femmes musulmanes qui portent le voile et si, en conséquence, il ne s’agirait pas d’une forme de discrimination indirecte.
D’ailleurs, la Cour énonce bien qu’un règlement intérieur qui interdit le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux, bien que d’apparence neutre, pourrait constituer une discrimination indirecte si l’objectif poursuivi n’est pas légitime et que les moyens d’y parvenir ne sont pas justes et proportionnés.
Dans l’appréciation de la proportionnalité, la Cour dit qu’il faudrait vérifier s’il n’était pas possible, pour l’employeur, de proposer une sorte de poste en “back-office” qui permettrait d’éviter qu’un client ne voit la personne voilée, au lieu de licencier le travailleur.
Il est donc également permis de se demander si, finalement, cette suggestion faite par la Cour s’apparente vraiment à un aménagement raisonnable ? Certes, il s’agit d’une mesure qui permettrait de ne pas licencier (et donc d’un aménagement) mais est-ce qu’il est réellement raisonnable ? La réponse est non. Est-ce qu’on imaginerait un travailleur en situation de handicap à qui on dirait que, sa chaise roulante risquant de décourager la clientèle, la solution serait de le mettre à un poste qui s’effectue à la cave, loin des regards ? Non.
«Cette opportunité d’obtenir un poste en «back office» en lieu et place d’un licenciement constitue en réalité une forme de discrimination et encourage les employeurs à cacher la diversité présente au sein de leur force de travail en renvoyant les personnes dont la religion dérange au placard ». (Bribosia et Rorive, RTDH 2017)
Dico juridique
- surseoir à statuer : c’est le fait de différer un jugement dans l’attente d’éclaircissement, par exemple via une question posée à une Cour supérieure
- question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne : question posée par les juridictions nationales membres de l’UE à la Cour de justice de l’UE afin qu’elle les éclaire sur l’interprétation du droit de l’Union européenne
- juridiction de renvoi : juridiction devant laquelle est renvoyée l’affaire après que la question posée par une juridiction nationale à la Cour de justice de l’Union européenne ait été répondue
par racism-search | Jan 3, 2024 | Mini-Séries, Personnages
William Henry Sheppard
“William Sheppard apparaît rarement dans les annales de l’exploration, car il ne correspond pas à l’image conventionnelle de l’explorateur Blanc en Afrique. Pour commencer, il n’était pas blanc (1).” A. Hoschild

Born in the USA
Le révérend William Henry Sheppard, né d’une union métisse en Virginie en 1865, il est l’un des premiers Afro-Américains à devenir missionnaire pour l’Église presbytérienne, une forme de protestantisme aux États-Unis.
À l’époque, l’idée d’envoyer des missionnaires Noirs en Afrique est plutôt controversée. Certains au sein de l’église presbytérienne blanche voient cela comme un atout, mais d’autres refusent catégoriquement de les envoyer sans supervision blanche. C’est le cas de Sheppard qui attend depuis 1880 d’être envoyé comme missionnaire au Congo.
Paradoxalement, ce qui lui permet de partir est en partie l’oeuvre du sénateur John Tyler Morgan, un suprémaciste Blanc de l’Alabama, qui a contribué à la reconnaissance du Congo de Léopold II et espère que les Noirs américains émigreront sur le continent. Reste la question de l’accompagnant Blanc, c’est finalement grâce aux encouragements du sénateur Morgan lui-même que le révérend Samuel Lapsley se porte volontaire pour voyager avec William Sheppard au Congo (3).
Le duo
En 1890, Sheppard et Lapsley arrivent sur le territoire de Léopold II. Rapidement, ils s’associent avec d’autres missionnaires à Stanley Pool et établissent leur première mission presbytérienne au sud de la rivière Kasaï (4).
Il s’avère que sur le terrain, Shepard est le plus doué et le plus à l’aise des deux. Il était censé être le partenaire “junior” de la mission, mais c’est finalement l’inverse qui se passe. Des lettres que Lapsley envoie à sa famille en attestent et démontre également l’admiration qu’il témoigne pour Sheppard. Il dit de lui qu’il est un commerçant né et qu’il lui laisse faire toutes les transactions, qu’il est bon chasseur, qu’il apprend la langue des autochtones et qu’il est souvent d’humeur joyeuse.
Il est finalement le seul des deux qui survit à cette mission d’évangélisation car Lapsley décède de la fièvre en 1892 lors d’un déplacement à Boma. En apprenant la nouvelle, les presbytériens sudistes (pro-escalavage) ne se font pas prier pour envoyer des nouveaux missionnaires blancs au Congo pour commander la mission. Lorsque ceux-ci arrivent Sheppard a déjà plusieurs années d’expérience sur le terrain. Il connaît bien la région du Kasaï et a déjà lancé son expédition au royaume de Kuba. Il est d’ailleurs très populaire auprès de ses citoyens et parle correctement leur langue, qu’il est le seul à connaître parmi les Européens et Américains. Mais de manière plus générale, aux yeux des Congolais, Sheppard est est un ‘Mundéle Ndom’, un homme Blanc Noir, un Noir mais étranger ou Noir mais avec des vêtements (5).

L’anthropologue et explorateur
En plus d’être un missionnaire, Sheppard est un anthropologue et un explorateur. Il est le premier étranger à atteindre la ville d’Ifuca, siège du peuple des Kubas qui ne souhaitait pas être découvert. Le roi avait d’ailleurs menacé quiconque s’introduirait chez eux de le décapiter. Après trois mois de voyage, accompagné d’un petit groupe d’Africains, Sheppard est le premier à trouver la capitale de ce peuple reclus. En découvrant que son intrus a la peau noir et parle sa langue, le roi croit voir un ancêtre réincarné, Bope Mekabe, et l’épargne lui et ses collègues.
Cette visite constitue une mine d’informations essentielles pour Sheppard qui reste à la cour des Kubas pendant quatre mois. Il prend des notes sur leur fonctionnement politique, considéré comme l’un des plus sophistiqué d’Afrique centrale. Il y observe également les cultures agricoles, les textiles et la musique. Les Kubas étaient satisfaits de leur mode de vie et, malgré leur amabilité envers Sheppard, ils n’ont jamais montré aucun intérêt pour le christianisme (6).
Une fois quitté le Congo, Sheppard est devenu le premier homme noir membre de la Royal Geographic Society en Angleterre. Il a reçu cette distinction pour sa découverte d’un lac, qui porte dorénavant son nom, dans la région du Kasaï, mais surtout pour son exploration du peuple des Kubas en 1892 (7).
Le dévoilement des horreurs
Bien qu’en tant que missionnaire son objectif premier n’était pas l’activisme politique, c’est néanmoins dans ce cadre qu’il laisse une réelle empreinte. Dans le bulletin de l’American Presbyterian Congo Mission (APCM) publié en janvier 1908, William Sheppard dénonce les crimes coloniaux exercés par des hommes de Léopold II (8). Pillages des villages du Kasaï, tueries de civils et mise en esclavage des survivants afin de collecter du caoutchouc sauvage pour des concessionnaires européens sont autant d’atrocités révélées par Sheppard. Ainsi, cette explosion du secteur du caoutchouc a généré des gains considérables, non seulement pour Léopold II et pour ses partenaires commerciaux, mais il a également impulsé une révolution dans le transport dû à la production de masse de pneus, notamment dans le cadre de l’industrie automobile (9).
Sheppard et Morrison, un autre missionnaire, sont alors poursuivis en justice pour diffamation envers une importante entreprise belge de caoutchouc installée dans la région: la Compagnie de Kasaï. Les missionnaires sont acquittés au motif que l’éditorial n’avait pas cité le nom de l’entreprise. Le contexte politique international de l’époque joue sûrement en faveur de Sheppard. En effet, les États-Unis, soutenant socialement les missionnaires, mettent en doute la légitimité du roi Léopold II sur le Congo.
Les comptes-rendus de Sheppard dévoilent les atrocités de l’État belge, des actes de cruauté considérés comme enfreignant les conditions énoncées lors de la Conférence de Berlin. En 1885, la Belgique avait convenu de détenir le Congo en se souciant “de l’amélioration de leurs conditions de bien-être moral et matériel” et qu’elle aiderait à “supprimer l’esclavage”.
Enfin, Sheppard dénonce notamment les actes de mutilations: 81 mains coupées sont recensées dans un rapport présenté aux autorités coloniales. De retour aux États-Unis, il fait connaître ses découvertes et attire ainsi l’attention internationale. Ainsi, à la fin des années 1910, il est reconnu aux États-Unis et en Europe en tant que militant des droits de l’homme (10).
Sources
- Adam Hochschild, Les fantômes du Roi Léopold II: un holocauste oublié, Paris, Belfond, epub, 2005, p. 234.
- Austin Ramona, « An Extraordinary Generation : The Legacy of William Henry Sheppard, the “Black Livingstone” of Africa », Afrique & histoire, 2005/2 (vol. 4), pp. 73-101, URL : https://www.cairn.info/revue-afrique-et-histoire-2005-2-page-73.htm.
- Adam Hochschild, pp. 234-235.
- Adam Hochschild, p. 235.
- Adam Hochschild, pp. 237-239.
- Encyclopedia of World Biography, “William Sheppard Biography”, URL : https://www.notablebiographies.com/supp/Supplement-Mi-So/Sheppard-William.html
- Adam Hochschild, p. 242.
- Guide to the American Presbyterian Congo Mission Records, 1893 – 1980, URL : https://www.history.pcusa.org/collections/research-tools/guides-archival-collections/rg-432
- Cambridge University Press : From Hampton “(I)nto the heart of Africa” : How Faith in God and Folkore turned Congo Missionary William Sheppard into a Pioneering Ethnologist” , 09/05/2014.
- Thomas Cooley, The Ivory Leg in the Ebony Cabinet, University of Massachusetts Press, 2001.
par racism-search | Jan 3, 2024 | Mini-Séries, Personnages
Albert Jacquard
Citation :” Ce qu’exprime le racisme est essentiellement mépris ; mépris envers telle personne justifié, non par ses caractéristiques, mais par son appartenance à un groupe : l’origine de ce mépris est une absence de confiance en soi ; son aboutissement est une destruction de soi-même.”
Son enfance
Né le 23 décembre 1925 à Lyon, Albert Jacquard est un scientifique et humaniste mondialement connu pour ses ouvrages scientifiques et philosophiques [1].
Albert Jacquard est issu d’une famille catholique venant d’un milieu bourgeois. Sa vie paisible est marquée par un événement tragique lorsqu’il est victime d’un accident de voiture avec son jeune frère de 5 ans. Ce dernier décède et Albert se retrouve défiguré à seulement 9 ans.[2][5]
Son éducation
Élève brillant, Albert obtient plusieurs diplômes. Après un double baccalauréat en mathématiques et en philosophie en 1943, il obtient un diplôme d’ingénieur spécialisé dans les manufactures de l’État trois ans plus tard et un diplôme d’ingénieur d’organisation et de méthodes en 1948.[2][3]
Par la suite, il axe ses recherches sur la génétique et obtient son diplôme aux États-Unis en 1970 et son doctorat en 1973.[2] Entre 1983 et 1988, il est nommé membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. [2]
Ses combats
À côté de sa passion pour les sciences, Albert Jacquard s’engage dans la lutte contre le sans-abrisme et le racisme[4]. Il devient président d’honneur de l’association Droit au Logement dans les années 90 et participe à l’occupation de l’Église Saint-Bernard en 1996 [1].
Sa lutte contre le racisme est notamment marquée par son travail d’expert à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), où il ne cesse de démontrer que les arguments prétendument scientifiques sur la théorie de la race ne sont pas fondés. Il est aussi témoin du procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité en 1987 [4].
Il a, par ailleurs, signé de nombreuses études et participé à de nombreuses conférences dédiées aux thèmes de la science pour le développement durable, à la lutte contre le racisme et les inégalités organisés par l’UNESCO [6].
« Éloge de la différence. La génétique des hommes. »
Dans son livre “Eloge de la différence. La génétique et les hommes”, Albert Jacquard témoigne encore de son intention de démonter le mythe de la race [6]. En effet, il était d’usage pour les scientifiques des siècles précédents de classer les hommes en les catégorisant par leur taux de mélanine. Ce classement était uniquement fondé sur l’apparence extérieure de l’humain et via un seul outil : les yeux. La génétique a montré que le plus important à étudier était la transmission entre les hommes : les gènes. Néanmoins, après observation, faire un classement génétique entre les “races” (groupes ethniques) relève de l’impossible [7].
Albert Jacquard meurt d’une leucémie en 2013, à l’âge de 87 ans. [2]
Sources :
[1] France info, “Le généticien Albert Jacquard est mort à l’âge de 87 ans”, disponible sur www.francetvinfo.fr, publié 12 septembre 2013.
[2] Futura Santé, “Albert Jacquard-généticien”, disponible sur www.futura-science.com , consulté le 6 avril 2021.
[3] La Rédaction, “Albert Jacquard : biographie courte, ses livres et ses citations”, disponible sur www.linternaute.fr, publié le 23 octobre 2020.
[4] Challenge.fr, “Le généticien Albert Jacquard est mort à l’âge de 87 ans”, disponible sur www.challenge.fr, publié le 12 septembre 2019.
[5] Lemoine, L., “Albert Jacquard : “Le surhomme, c’est nous””, disponible sur www.psychologies.com , publié le 24 décembre 2013.
[6] UNESCO, “La Directrice générale de l’UNESCO rend hommage au grand généticien Albert Jacquard”, disponible sur www.fr.unesco.org, consulté le 6 avril 2021.
[7] “Albert Jacquard, les races”, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=0nsiHwtNvpw&t=301s
par racism-search | Jan 3, 2024 | Citations, Mini-Séries
Christiane Taubira
“Je vis ! Et que les racistes le sachent, je vis et je vivrai. Et je tiendrai. Il me suffit qu’ils le sachent. Qu’ils multiplient leur violence par un million, je tiendrai encore. Par dix millions, je tiendrai encore. Le monde n’est pas à eux. Les enfants qui me ressemblent ont toute légitimité au monde. Il faudra qu’ils s’y habituent. La lucidité les conduira à voir que les gens qui me ressemblent sont plus nombreux. Et qu’il vaut mieux ne pas trop défier ce monde-là.”
Principalement connue pour son mandat de femme politique française, Christiane Taubira représente une figure du militantisme.
Elle naît à Cayenne en 1952 et est élevée par sa mère, aide-soignante, dans une large et modeste fratrie. Elle poursuit ses études en économie mais également en sociologie et ethnologie afro-américaine en France métropolitaine, à Paris. Durant son parcours académique, elle s’investit dans la lutte pour les droits humains, la libération de Nelson Mandela et soutient le combat d’Angela Davis pour l’égalité et l’attribution de droits civiques aux Noirs américains [5]. Après ses études, elle rentre en Guyane. C’est en tant qu’enseignante en sciences économiques que Christiane commence sa carrière en 1978 et s’y adonne quatre ans [1] [2].
De retour de Guyane, elle s’engage comme militante indépendantiste au sein du Mouvement guyanais de décolonisation, fondé par son mari Roland Delannon . En 1993, elle fonde Walwari – parti politique socialiste guyanais et elle est élue la première femme députée de la première circonscription de Guyane à l’Assemblée nationale [1] [2] [4] [5] . Durant sa carrière, elle s’engage dans divers partis politiques, ce pour quoi elle est considérée comme ‘ »un électron libre de la vie politique française”[3].
Cependant, elle reste tout au long fidèle à Walwari qu’elle préside. Elle devient la première femme députée Guyane élue à l’Assemblée nationale en 1994 pour une durée de 5 ans. Elle est également nommée membre de l’Observatoire de la parité Homme/Femme deux années de suite (en 1999 et en 2002) [4].
La loi “tendant à la reconnaissance, par la France, de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité” a été adoptée en 2001 suite à la proposition par Christiane Taubira en 1998. Pourtant, la loi Taubira fait émerger les critiques de nombreux politiques et historiens. Un an plus tard,
Christiane Taubira représente en tant que vice-présidente le Parti radical de gauche pour l’élection présidentielle de 2002. [2] [4]
En 2007, elle accompagne Ségolène Royal dans sa campagne à la présidence et elle intègre également l’équipe de campagne de François Hollande pour les élections de 2012. [4]
Entre 2012 et 2016, elle est ministre de la Justice du gouvernement Ayrault et devient la première femme noire à diriger le ministère [5]. Elle est principalement populaire pour sa défense de la loi sur le mariage pour tous, adoptée en 2013 en France.
Christiane Taubira est également l’auteure d’ouvrages reconnus, notamment L’eslavage raconté à ma fille (2002). [4]
Taubira candidate en 2022? Aucune annonce officielle n’a encore été faite, mais sollicitée par plusieurs comités ainsi que par son ancien parti, Mme Taubira pourrait bel et bien devenir candidate aux élections. Elle a réussi à obtenir suffisamment d’intentions de votes pour arriver en tête. Selon les membres du collectif Taubira 49, les axes principaux de sa campagne seraient le développement social, la justice sociale et la croissance économique. [6] [7]
Sources:
[1]https://www.grazia.fr/news-et-societe/news/10-choses-a-savoir-sur-christiane-taubira-l-ex-ministre-de-la-justice-537352
[2]https://www.linternaute.fr/actualite/biographie/1776584-christiane-taubira-biographie-de-l-ancienne-garde-des-sceaux/
[3]https://www.lepoint.fr/tags/christiane-taubira#
[4] https://www.franceinter.fr/personnes/christiane-taubira
[5]https://www.elle.fr/Societe/L-actu-en-images/DOUZE-CHOSES-QUE-VOUS-ADOREREZ-SAVOIR-SUR-CHRISTIANE-TAUBIRA
[6]https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/presidentielle-2022-taubira-et-bertrand-deux-figures-de-l-opposition-qui-emergent?fbclid=IwAR1FC4NZKYvkO_CyifmI7noqzkx7n-p2MSxlgcfcFzD5Lr_zLw5zEvtLudY
[7]https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/politique-dans-le-maine-et-loire-le-comite-taubira-2022-reunit-100-militants-62812af2-7213-11eb-96c5-1a0c7b7afa3b?fbclid=IwAR1mdewwlUzg-3u9nSWr8yctBYME69rCSqiC3OevBR6xrh7kgFRl8hLjiIo
par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Droits, Legal Text For All
Les normes nationales qui nous protègent du racisme en Belgique
As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés? Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.
La pyramide des normes
Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

Sur base de ce schéma, l’article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination. En effet, les normes de valeur constitutionnelle sont placées au-dessus des normes de valeur législative (issues d’un vote par le Parlement, qui représente le peuple), elle-mêmes au-dessus des normes de valeur réglementaire (prises par le Gouvernement).
En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.
En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…
La Constitution belge
L’article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.
Qui peut invoquer l’article 11 de la Constitution ?
- Tous les citoyens belges. L’article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.
PS : A la fin de l’article, tu retrouveras un petit dico des mots soulignés.
La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act)
Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme. Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité. La loi antiracisme protège les personnes victimes de :
- discrimination directe
- discrimination indirecte
- injonction de discriminer
- harcèlement
Le savais-tu ?
Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensive que ce que l’Union Européenne demandait. On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
En outre, la Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”. En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.
Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres
Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.
La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe)
Les deux lois interdisent :
- la discrimination directe
- la discrimination indirecte
- l’injonction de discriminer
- le harcèlement
- le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
- un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Le savais-tu ?
Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres car qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.
Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est misogyne, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les 3 lois que nous venons d’expliciter.
Dico juridique
- Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi. Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.
- Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences. Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.
- Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
- Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
- Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).
Sources:
- DELPEREE et A. RASSON-ROLAND, « Le champ d’application des articles 10 et 11 de la Constitution », Le droit public et administratif, Livre 5, Bruxelles, Larcier, 1996, n°64.
- Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, entré en vigueur le 22 juillet 1984
- Texte Constitution, disponible sur https://www.senate.be/doc/const_fr.html
- Loi anti-racisme, disponible sur https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1981001359&la=F
- Texte loi anti-discrimination, disponible sur https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002099&la=F
- Texte loi égalité des genres, disponible sur http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2007051036&table_name=loi