Le travail du Care

Le travail du Care

Le travail du CARE – Edition spéciale

En collaboration avec La ligue des droits humains - Section Namur

Image reprise du site www.francevinfo.fr

 

1. Qu’est-ce que le Care? 

Le travail du Care désigne les activités spécialisées dans le souci des autres. Cette dimension de bienveillance vis-à-vis d’autrui se retrouve dans toutes les activités de services car, servir, c’est prêter attention. Ce terme anglo-saxon désigne donc d’une part, la sensibilité que l’on peut avoir envers les besoins des autres et, d’autre part, l’action de prendre en charge ces besoins [1]. A cet égard,  nous pouvons citer les professions d’ infirmier.es, les nourrices, les gardes d’enfant, les technicien.nes de surface, le personnel éducatif, les aides-soignantes, etc. Ces métiers d’entretien et de soin sont similaires au travail domestique effectué dans la sphère privée à la différence qu’ils sont rémunérés. On pourrait d’ailleurs qualifier le travail de Care de travail domestique professionnalisé. 

2. Discrimination bien plus subie par les femmes

Commençons par quelques statistiques datant de 2019 sur la proportion de femmes dans certains métiers dits “féminins” et du Care en Belgique [2]. Sur le tableau ci-dessous, nous pouvons remarquer que même si les femmes sont largement majoritaires dans les secteurs de la santé humaine, de l’action sociale et de l’enseignement, elles ne sont pas surreprésentées dans les postes de direction ou d’encadrement où l’on retrouve une part importante d’homme à ces postes.

 ségrégation horizontale* 

⇒ ségrégation verticale / plafond de verre**

*désigne la concentration ou surreprésentation des femmes dans certaines professions.
**désigne la sous-représentation des femmes (resp. hommes) dans des professions présentant des attributs « souhaitables » en termes de revenus ou de reconnaissance sociale

Mais comment expliquer que les femmes se retrouvent en majorité à exercer dans le domaine du care? 

Au fil du temps, les femmes et les hommes se sont vus assigner des rôles bien distincts au sein de la société ce qui a engendré une division sexuée du travail. Les hommes se sont vus attribuer la sphère productive tandis que les femmes ont été reléguées à la sphère reproductive [3], pour vulgariser : “Papa travaille pour subvenir aux besoins de la famille pendant que Maman s’occupe du ménage et des enfants”. Cette répartition des rôles a créé une supposée prédisposition naturelle des femmes à exercer le travail domestique. 

Pour les métiers du Care, le raisonnement est similaire. En effet, toute femme est associée à la figure de la Mère aimante, attentionnée et soucieuse et de ce fait, elle est jugée comme étant plus aptes à faire preuve de compassion, de patience, d’empathie mais également plus compétentes pour effectuer des tâches qui s’apparentent au travail domestique dans la sphère privée telles que le ménage, le soin des autres, l’éducation des enfants, etc [4].

Comme pour le travail domestique non-rémunéré dans la sphère privée, les métiers du Care sont, à l’instar de leurs exécutantes, dévalorisés. A cela s’ajoute la pénibilité du travail, des salaires assez bas, une dévalorisation sociale et une précarité des conditions de travail, ce qui ne fait in fine que renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes. 

3.Les femmes racisées subissent encore plus cette discrimination

Mais qu’en est-il quand plusieurs systèmes d’oppression et de rapports de pouvoir se rencontrent ? Nous parlerons ici de l’interdépendance entre les discriminations liées au sexe et à la race. 

La catégorie Femme n’est pas une catégorie homogène. En effet, bien que les femmes soient en très grande majorité présentes dans les métiers du Care, toutes les femmes ne sont pas concernées de la même façon. Pour certaines, au stigmate de la femme viennent s’ajouter horizontalement d’autres catégories de discriminations liées aux divers systèmes d’oppression telles que la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle et bien d’autres encore. Ainsi, une femme racisée exerçant un métier de Care subit une double discrimination : la première, que nous avons abordée plus haut, c’est d’être une femme et la seconde c’est d’être racisée. Cette interdépendance des discriminations liées à des systèmes d’oppression qui viennent s’ajouter les unes aux autres est ce qu’on appelle l’intersectionnalité [5]

Pour en revenir à notre sujet, être femme, d’origine étrangère et avec un revenu socioéconomique faible renforce l’assignation à ces fonctions du Care [6]. En effet, dans nos sociétés occidentales, il existe un grand paradoxe lié à l’égalité. Pour obtenir une égalité professionnelle avec les hommes, certaines femmes exploitent d’autres femmes. On assiste alors à une dichotomie entre, d’un côté, la situation d’une femme blanche de classe moyenne déléguant les tâches domestiques de son foyer les moins valorisées pour atteindre des fonctions plus valorisées (ou simplement pour gagner du temps libre) et de l’autre côté, la situation de la femme racisée et de classe populaire qui est reléguée aux tâches les plus dévalorisées, voire considérées comme ingrates telles que le ménage, les courses, etc [7]. Cette sous-traitance du travail domestique renforce encore plus la précarité de certaines femme racisées issues de l’immigration [8]

En conclusion, il nous a paru opportun d’aborder ce sujet afin de mettre en avant les discriminations que subissent les travailleuses du care. En effet, la crise sanitaire a propulsé ces dernières en première ligne et a démontré que, bien qu’elles exécutent des tâches nécessaires à l’organisation de la société, elles ne jouissent que d’une moindre reconnaissance sociale, économique et politique du fait qu’elles soient majoritairement des femmes. De plus, ces inégalités sont renforcées par des discriminations liées notamment à la race et à la condition socio-économique de ces femmes. Afin de lutter contre les inégalités, il est nécessaire de se focaliser non seulement sur les différences de traitement vécues par les femmes en général mais également sur les discriminations supplémentaires subies par certains groupes de cet ensemble de femmes. 

 

Sources 

[1] C. Plumauzille, M. Rossigneux-Méheust, “ le care, une “ voix différente “ pour l’Histoire”, clio.Femmes,Genre,Histoire, Belin, 2019/1, n°49, p. 12.

[2]  Statbel, “ les professions en Belgique” , disponible sur www.statbel.fgov.be , 2019. 

[ 3] F. Scrinzi, “ Care”, Encyclopédie critique du genre, J. Rennes (dir.), La Découverte, 2016, p. 107.  

[4]France culture, “Le « care » : d’une théorie sexiste à un concept politique et féministe”, disponible sur www.franceculture.fr,  06 mai 2020.

[5] B. Janssen, “ intersectionnalité : de la théorie à la pratique”, disponible sur www.cepag.be, novembre 2017, pp. 2-3.

[6]  C. Avril, “15 – Sous le care, le travail des femmes de milieux populaires. Pour une critique empirique d’une notion à succès ”, Je travaille, donc je suis. Perspectives féministes. La Découverte, 2018, pp. 205-216.

[7]  F. Scrinzi, “ Care”, Encyclopédie critique du genre, J. Rennes (dir.), La Découverte, 2016, p. 111.  

[8] C. Jolly, F. Lainé, Y. Breem, “L’emploi et les métiers des immigrés,  document travail 2012-1, février 2012 ;   M. Cognet, « Genre et ethnicité dans la division du travail en santé : la responsabilité politique des États », L’Homme & la Société, vol. 176-177, no. 2-3, 2010, pp.110-112.

Pour la rédaction de cet article nous avons aussi eu recours à des sources audio-visuels 

META  “ les travailleurs du care ” disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=v4J0G2R9KRg&fbclid=IwAR00MOM77bZpSmprDNfP72sWFt6WGCA3PJhAkkM1pOp8AG7_c8HjcY4_6-E

ARTE Radio, “ Pendre soin, penser en féministre le monde d’après ”, un podcast à soi, diponible sur https://www.youtube.com/watch?v=ya1BtYP185U

Excision/mutilations génitales féminines

Excision/mutilations génitales féminines

Excisions – mutilations génitales féminines

 

Sudinfo, « Un clitoris géant en prélude à la journée contre les mutilations génitales », 04 février 2022, www.sudinfo.be

En cette journée internationale des droits des femmes, nous avons fait le choix de nous pencher plus amplement sur la question des mutilations génitales féminines (« MGF« ).

Au moins 200 millions de filles et de femmes en vie aujourd’hui ont subi une mutilation génitale. Des dizaines de millions de filles courent encore le risque d’être mutilées d’ici à 2030.

Touche principalement les mineures, sans consentement, parfois sans anesthésie, avec matériel parfois très primaire.

 Les pratiques d’excision ont lieu le plus souvent dans l’Ouest, l’Est et le Nord-Est de l’Afrique, dans certains pays d’Asie et au Moyen-Orient, ainsi que dans certaines communautés d’immigrants en Amérique du Nord et en Europe..

D’après l’OMS, plus de 200 millions de femmes et jeunes filles sont concernées par ce problème.

1. Définition

L’OMS définit en 2020 les mutilations génitales féminines comme : « toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales ».

4 catégories :

–    Type I : ablation partielle ou totale du clitoris

–    Type II : ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres

–    Type III : infibulation (qui consiste en le rétrécissement de l’orifice vaginal avec recouvrement par l’ablation)

–   Type IV : accolement des petites lèvres et/ou des grandes

a. Dispositions internationales ? 

Les MGF constituent une violation de plusieurs droits fondamentaux comme le droit à la vie, ou le droit à la santé. 

b. Poursuite en Belgique ?

Principe de l’extraterritorialité : toute personne qui a participé, favorisé ou facilité une mutilation y compris à l’étranger, sur une mineure, peut être poursuivie en Belgique à condition que l’auteur se trouve sur le territoire du Royaume 

A noter que certaines MGF sont pratiquées également sur le territoire de la Belgique. 

c. Dispositions légales belges ?

  • Article 409 du Code pénal : une peine de 3 à 5 ans de prison pour « quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, ou tenté de le faire, avec ou sans consentement de celle-ci. La tentative sera punie d’un emprisonnement de huit jours à un an.  (… )».  

2. Droit d’asile en Belgique

Depuis 2006, suite à la transposition de la directive européenne « qualification-asile », on prend en compte les persécutions et les violences (y compris les MGF) infligées en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle comme un élément ouvrant le droit à la protection internationale prévue par la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.       

⇒ L’invocation d’un risque de MGF permet d’ouvrir un droit au statut de réfugié en Belgique. Néanmoins, en 2019, la vision de la Convention de Genève devient plus stricte : seule la personne qui court réellement un risque de MGF a droit à la protection internationale. Le statut de réfugié n’est alors plus ouvert qu’aux enfants. Pour le parent, il pourra demander une autorisation de séjour sur base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980, qui régit la procédure de régularisation.

Le CGRA (Commissariat général aux réfugiés et apatrides) a introduit une procédure de suivi : il exige chaque année une attestation d’intégrité de l’appareil génital de la ou des fillettes concernées. Par exemple, les parents peuvent perdre leur statut de réfugié accordé à l’enfant et à eux-mêmes. 

Cependant, cette exigence de suivi de la part du CGRA entraine une difficulté de vérification des sources en vue d’établir la crédibilité de la femme. Une simple erreur peut définitivement compromettre un dossier même si la crainte de persécution est fondée. Ce contrôle met la femme dans une impasse, la considérant toujours suspecte et la contraignant à prouver sa bonne foi. Cela constitue en outre une atteinte injustifiée au droit à la vie privée.

Il existe dès lors également un amalgame entre prévention et répression de l’excision : cette exigence de vérité poursuit les réfugiés reconnus bien au-delà de la demande de protection internationale initiale. La politique d’asile est alors liée à la politique criminelle et il persiste un réel risque de renvoyer les parents dans leur pays d’origine

La Belgique fait partie de l’un des cinq pays les plus demandés concernant la demande de droit d’asile sur le fondement de la pratique des mutilations génitales dans le pays d’origine, fait assez remarquable. 

Tout de même, les poursuites pénales sont minimes. Entre 2001 et 2009, l’article 409 du Code pénal n’a jamais été utilisé. Cela est notamment dû à deux éléments: 

  • l’absence de dénonciation (les filles victimes sont souvent réticentes à dénoncer leurs parents ou leur exciseuse au vu de l’impact qu’une condamnation ou expulsion peut avoir sur la cellule familiale) 
  • l’absence de signalement de la part des professionnels (dû notamment à un manque de sensibilisation, de preuves et à un malaise concernant ces sujets sensibles). 

Notons qu’une reconstruction du clitoris peut être remboursée par l’Inami. Deux centres en Belgique permettent ce type d’opération. Ils se trouvent à l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles et à l’hôpital universitaire de Gand.

Et vous, que pensez-vous du combat mené contre l’excision en Belgique ? Faudrait-il aller plus loin? 

 

SOURCES

Avalos de Viron Samantha et Grinberg Maia, « Le principe de l’unité de la famille mis à mal par la nouvelle politique du CGRA », ADDE, n°155, juillet 2019.

Dieleman Myriam, « Protéger et réprimer : l’excision en Belgique. Genèse et enjeux des dispositions relatives aux mutilations génitales féminines », Migrations Société, 2013/2 (N° 146), p. 57. 

Lemercier Elise, « Heurs et malheurs de la lutte contre une pratique sexiste racisée

Regards de médiatrices interculturelles ”africaines” mobilisées contre l’excision», Nouvelles pratiques sociales, 23 mars 2015.

Excsision parlons-en, « Les chiffres de l’excision – Belgique ».

Gams, « Avez-vous vu notre clitoris géant? », 9 février 2022

POUR ALLER PLUS LOIN 

Association GAMS

Lecture : Waris Dirie – Fleur du désert 

Interventions au sein d’une association

Interventions au sein d’une association

INTERVENTION AU SEIN D’UNE ASSOCIATION

 

Intervention concernant le féminisme décolonial 

En date du 21 janvier, nous avons été invités à contribuer à une formation organisée par Fem & L.A.W, association de femmes féministes et juristes.

Cette association vise àdévelopper une expertise au carrefour entre le droit et le féminisme en mettant en avant les droits des femmes, l’égalité réelle entre les hommes et les femmes (1).

L’association organise dès lors des formations sur divers aspects juridiques analysés sous le prisme du genre. 

Nous avons été invités à présenter, durant 1h, un atelier sur le sujet du féminisme décolonial.

*Nous vous invitons à lire notre article sur ce sujet si vous souhaitez en apprendre davantage

Notre intervenante, Sophie, a mis en place une activité interactive.Elle a d’abord partagé certains concepts et a  invité les participantes à exposer leurs propres connaissances sur le sujet, à mobiliser les concepts appris dans l’analyse de certains textes. 

La double démarche, théorique et d’illustration des concepts par des exemples concrets a été appréciée par les participantes. 

En effet, encore aujourd’hui, certaines situations sont toujours perçues d’un point de vue universel alors que l’aspect décolonial reste important à prendre en considération. 

L’analyse de différents textes et situations a permis aux participantes de visualiser l’importance de la prise en compte de l’axe décolonial dans la lutte contre les inégalités de genre.

Sources

  1. voir leur site internet : https://femandlaw.be/
Les Zoos Humains: La Conquête de l’Exotisme

Les Zoos Humains: La Conquête de l’Exotisme

Les zoos humains : la conquête de “l’exotisme”

Les prémices  des zoos humains 

Bien que les zoos humains soient documentés à partir du 19e siècle,  leurs origines remontent bien avant cette période. Elles peuvent être retracées :

→ Dès le 14ème siècle, avec les exhibitions de certaines personnes d’origine extra-européennes devant des publics restreints.  Un exemple est  l’exhibition d’autochtones Arawaks ramenées des “Amériques” par Christophe Colomb devant la Cour de la Reine Isabelle de Castille [1]. 

→ Ainsi qu’au 17ème siècle, lors de l’apparition des jardins zoologiques [2]. Ces jardins zoologiques étaient envisagés comme des extensions de musées, ayant pour mission de recenser et cataloguer la diversité du vivant via les voyages des explorateurs [2]. 

À partir du 19ème siècle, il ne s’agit plus d’exposer uniquement des animaux et une nature dite “exotique” mais aussi des êtres humains. On reconnaît notamment le grand entrepreneur allemand de cirque, Carl Hagenbeck, pour avoir popularisé l’idée de présenter des personnes d’autres cultures dans des zoos afin de les rendre accessibles au grand public comme les animaux [3]. Ces zoos humains se distinguent des exhibitions réalisées jusqu’ici car le but est de mêler la  pseudo-science, au spectaculaire pour exposer des personnes décrites comme racialement inférieures [4]*.

A group of Igorot displayed at a human zoo during the St. Louis World’s Fair[1][2]

Les zoos humains: outils de propagande coloniale

 A cette époque, en Europe, les grandes puissances renforcent leur plan colonial et l’esclavagisme d’autres peuples en les mettant en avant lors d’événements tels que l’ exposition d’Amsterdam en 1883 ou l’Exposition universelle de Paris en 1878 [5]. La Belgique n’y échappe pas et le roi Léopold II utilise l’Exposition internationale pour sa propagande coloniale et sa recherche d’investisseurs* au Congo.  Celle-ci se déroule à Tervuren (Bruxelles) du 10 mai au 8 novembre 1897 [6]. C’est à cette occasion que le roi Léopold II ordonne la construction du « Palais des Colonies » à Tervuren, actuellement connu sous le nom de Palais de l’Afrique, sur le site de l’ancien pavillon du prince d’Orange, qui avait été détruit par un incendie en 1879 [6].  

Poster for the colonial section of the 1897 International Exposition

 

Des villages congolais avaient été reconstruits dans le parc de la Warande à Tervuren dans le but d’attirer les visiteurs.  Deux des 269 Congolais·e·x·s prévu·e·x·s pour y vivre ont trouvé la mort pendant le voyage [7]. Sept autres Congolais·e·x·s – Ekia, Gemba, Kitukwa, Mpeia, Zao, Samba et Mibange – n’ont pas survécu et ont été enterré·e·x·s à Tervuren [7]. Après leur décès, il leur est refusé d’être enterré·e·x·s dans le cimetière local. Ce n’est qu’en 1953 que leurs restes sont déplacés dans des sépultures situées dans la cour de l’Église catholique Saint-Jean l’Évangéliste de Tervuren [6]. Chaque année, une journée de commémoration est organisée en leur honneur par des collectifs tels que le collectif Mémoire Coloniale. Notons que ces expositions ne visaient pas exclusivement les personnes africaines mais aussi les autres peuples considérés “de race inférieure”. Par exemple, 14 autochtones d’Araucanie (Chili) sont aussi exposés dans le Parc Léopold à Bruxelles en octobre 1883  [8]. Bien que ces expositions n’obtiennent pas le consentement de toute la population belge, un “village congolais” est également construit pour l’Expo 58 à Bruxelles où des étudiant·e·x·s congolais·e·x·s sont mis·e·x·s en jeu. Alors même que l’indépendance congolaise gronde, cette  surface d’exposition réservée au Congo cherche à justifier la présence de la Belgique au Congo [8]. 

* Nous vous invitons à lire notre article sur la définition du racisme et sur le non existence du racisme anti-blanc pour comprendre le hiérachisation des races. 

* Pour rappel, à cette époque les colonies n’appartiennent pas à l’État belge mais au Roi Léopold II. 

L’après zoos humains, la continuité de la déshumanisation 

Malgré la fermeture des zoos humains dans le cadre des “expositions universelles”, la déshumanisation des personnes racisées continue.. Non sous la forme frontale qu’on a pu voir des années auparavant, mais de manière plus insidieuse.

La tribu des Jarawa – Inde

Dans l’archipel d’Andaman- et-Nicobar en Inde, la tribu isolée des Jarawa sert d’attraction touristique. Les touristes traversent leur terre en se croyant dans un safari. Par ces pratiques et  la sédentarisation forcée depuis les années 1990, cette tribu est menacée d’extinction et avec elle, tous leurs savoirs ancestraux.

Le parc “Bamboula”  – France

Le parc “Bamboula” était le plus célèbre zoo humain moderne qui fut fermé en 1994 seulement [9]. La marque St Michel qui commercialisait les biscuits “Bamboula” a été le sponsor d’un “parc animalier” près de Nantes qui fut en réalité un zoo humain moderne. Entre  girafes et autres lions, il existait un village ivoirien à la demande du directeur, Dany Laurent [9]. Des artisan·e·x·s, danseur·euse·x·s, chanteur·euse·x·s y furent installé·e·x·s dans des conditions inhumaines et dégradantes tout en étant soigné·e·x·s par des vétérinaires [9]

Le village de Kirikou dans le chemin de brousse, Planète Sauvage (Loire-Atlantique, France)

Ces personnes prétendument envoyé·e·x·s par l’Office ivoirien du tourisme pour promouvoir la culture ivoirienne se sont retrouvé·e·x·s enfermé·e·x·s comme des animaux, Leurs passeports ont été confisqués, et la protection des travailleur·euse·x·s prévue par le droit français n’était pas en application. Les enfants présents étaient scolarisé·e·x·s seulement quelques heures. Les danseuses ont quant à elles subi des agressions sexuelles de la part de membres de l’organisation [9] . Sans oublier qu’elles étaient toutes mineures, entre 13 et 15 ans, et devaient danser de 12h30 à 18h30; ;le tout seins nus en extérieur, seulement vêtu d’un pagne et d’un bambou sans chaussures [9]. La section nantaise du Syndicat national des artistes musiciens (SNAM), auprès d’autres organisations, a elle aussi dénoncé les conditions de travail de ces artistes. La SNAM a comparé ce village à une nouvelle exposition coloniale, mêlant humains et animaux. 

Suite à la mobilisation de plusieurs associations, le collectif « Non à la réserve humaine » a vu le jour et a saisi l’affaire devant la justice. Le 1er juillet 1997, le tribunal de Nantes a condamné le parc pour violation du droit du travail et droits fondamentaux [9]. Le village ivoirien disparaît en septembre 1994, le parc est renommé « Planète Sauvage ». En 2013, l’ancienne zone du village devient un espace animalier pour Madagascar et les lémuriens. En 2014, le village Kirikou est créé en collaboration avec Michel Ocelot [9].

Les pygmées camerounais – Belgique

Nature preserve owner Louis Raets shows off one of his displays as part of a Pygmy village exhibition at the Oasis Nature Park in Yvoir, Belgium. Although the show has led to protests, Raets insists the showcase is to inform people of the Pygmy way of life and in no way attempts to shame anybody.

En 2002, à Yvoir, l’ASBL “Oasis Nature” est à l’origine d’une exposition sur la vie des Pygmée·x·s camerounais [11]. Durant cette exposition, des Pygmées sont venu·e·x·s du Cameroun pour reconstituer un village Bakas et se mettre en scène en chantant et dansant. Cette exposition a soulevé de nombreuses questions et réactions, notamment du Mouvement des Nouveaux Migrants (MNM) qui souligne la déshumanisation de ce type d’événement. Cependant,  l’ASBL s’est toujours défendu de réaliser ce projet dans le but de sensibiliser les Belges aux problématiques que rencontre ce peuple. Ces pratiques coloniales contemporaines ont évidemment eu des conséquences sur la perception qu’ont les personnes blanches des personnes racisées

 






Conclusion : Des zoos humains aujourd’hui ? Leurs formes et ses conséquences

La télévision a elle aussi participé à la création de zoos humains modernes. Les émissions de télé “découverte” telles que “Predators, Tribes, and me” (BBC Earth), continuent d’imposer une distinction entre l’Occident et le reste du monde comme étant “moins évolué”,  ou “bizarre”.  Pour les chercheurs Nicolas Bancel et Olivier Razac, puisque les téléréalités mettent en avant des groupes de personnes issues de milieux ou de régions “stigmatisés” en jouant sur ces stéréotype; elles en font des “acteur·ice·x·s” de divertissement, rejoue le schéma du zoo humain [12].

Le voyage peut lui aussi participer à une modernisation du zoo humain [13], lorsqu’on souhaite s’immerger dans une culture et découvrir un pays. Si l’on prend le concept des Clubs Med par exemple, ils ont pendant longtemps invisibilisé les travailleur·euse·x·s locales ou réalisé des mises en scène de leur culture de manière très stéréotypée. La découverte d’une autre culture n’est présente que pour divertir les touristes et participe rarement à l’économie locale.

Que ce soit les zoos humains de l’époque ou les zoos humains d’aujourd’hui, le constat reste le même : ces outils participent à l’exotisation et l’infériorisation de l’Autre qui est généralement une personne racisée. Cela participe grandement à maintenir des stéréotypes qui ont vu le jour durant l’époque “des explorations” et avec la propagande coloniale jusqu’à aujourd’hui.  Par ces stéréotypes* et selon son origine ethinique, l’Autre est vu comme sauvage, bête, voleur·euse, sale, coincé·e, rigide etc…  mais on l’applaudit pour ses danses et ses plats exotiques. Il est donc nécessaire de faire un travail de déconstruction de nos représentations pour replacer les personnes blanches et personnes racisées sur le même pied d’égalité. 

*Voir nos deux articles sur les stéréotypes pour avoir des exemples et comprendre le poids de ces stéréotypes

 

Sources

[1]  P. Blanchard, “ De la a Vénus hottentote aux formes abouties de l’exhibition ethnographique et coloniale Les étapes d’un long processus (1810-1940)”, in La venus Hottentote , 2013, p. 38.

[2] N. Bancel, « Introduction : Zoos humains : entre mythe et réalité », Nicolas Bancel éd., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines,  2004, La Découverte, p.7. 

[3] P. Blanchard, N.Bancel et al, “ Zoo humains et exhibitions coloniales : 150 ans d’inventions de lAutre, 2011, La découverte, p.16. 

[4] N. Bancel, « Introduction : Zoos humains : entre mythe et réalité », Nicolas Bancel éd., Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines,  2004, La Découverte, p.8.
[5] P. Blanchard, “ De la a Vénus hottentote aux formes abouties de l’exhibition ethnographique et coloniale Les étapes d’un long processus (1810-1940)”, in La venus Hottentote , 2013, p. 52.

[6] AfricanMuseum, “ Le zoo humain de Tervuren (1897)”, disponible sur www.africanmuseum.be, consulté le 10 mars 2024.

[7] Presses Nord-Sud, “ Africa Tervuren et les zoos humains: une expo”, disponible sur ww.arpns.be, publié le 29 septembre 2021.

[8] Culturemedia, “ «Zoo humain au temps des exhibitions coloniales à l’Africa Museum”, disponible sur www.culturemedia.be, publié le 16 février 2022. 

[9] Julien Coquelle-Roëhm et Nina Soyez “ Retour au «village de Bamboula»: en 1994, un «zoo humain» à prétention touristique”, Médiapart, publié le 9/05/2021, 

[10] France Inter,  “Le village Bamboula” dernier zoo humain en France, émission radio publié le 18/01/2022 

[11] La Libre, “Des pygmés exposés aux regards”, disponible sur www.lalibre.be, Publié le 25-07-2002

[12] Les Zoos humains aujourd’hui, Pascal Blanchard, disponible www.cairn.info, Publié le 01/04/2010

[13] Compte instagram @decolonial.voyage, consulté le 11 mars 2023








Les discriminations subies par les personnes en séjour irrégulier 

Les discriminations subies par les personnes en séjour irrégulier 

Nous allons aborder le thématique de la discrimination sous un angle quelque peu différent, en partant d’un public-cible, bien spécifique : les personnes qui sont sans papiers, c’est-à-dire les personnes en séjour irrégulier.

A noter que l’on préfèrera l’expression de personnes en séjour « irrégulier » qu’en séjour « illégal », au vu de la connotation péjorative qui entoure la notion d’illégalité.

La situation des personnes en séjour irrégulier en Belgique

En Belgique, on estime à 1000.000 le nombre de personnes vivant en situation de séjour irrégulier [1].

Parmi ces personnes, certaines ont énormément de points d’accroche avec la Belgique : certaines y sont nées y ont suivi une partie ou l’entièreté de leur parcours scolaire ou encore ont des arrivants qui vont à l’école. Beaucoup sont intégrées depuis des années, travaillent, ont des amis et de la famille en Belgique et y ont tout simplement construit leur vie. Pourtant, si tous ces éléments nous font penser à n’importe quel citoyen belge lambda, les personnes sans-papiers vivent une réalité totalement différentes des personnes en séjour régulier. Car comme l’énonce le Ciré, une ASBL de lutte pour les droits des personnes exilées : « être sans papiers, c’est mener une existence précaire et subir des discriminations continuelles » [2].

Les discriminations subies par les sans-papiers sont nombreuses. Ne pouvant travailler qu’au noir, les personnes en séjour irrégulier sont très souvent exploitées par un « employeur » se trouvant en situation de dominance. Les sans-papiers sont victimes de marchands de sommeil, qui profitent de la situation précaire des sans-papiers pour leur proposer des habitations vétustes voire délabrées à des prix exorbitants.

Plus encore, les sans-papiers ayant toujours la crainte d’être arrêtés ou expulsés et n’ayant pas toujours la possibilité de s’informer correctement, ne font pas appel à des services essentiels tels que ceux de la santé ou de la justice. Ainsi, ils portent rarement plainte, ne vont pas chez le médecin ou même à l’école [1] [3].

Finalement, l’on voit que les droits les plus fondamentaux des sans-papiers ne jouissent pas des mêmes garanties que ceux des citoyens belges. Même dans le cadre d’une régularisation, certaines discriminations sont subies.

La politique de régularisation belge : la régularisation sur base des articles 9bis et 9ter

Pour pouvoir être régularisés en Belgique, cela peut se faire de deux façons différentes : soit via une régularisation individuelle, soit via une régularisation dite « collective », ce qu’on appelle également « une vague de régularisation ». Abordons, premièrement, la régularisation individuelle : elle se fait sur base de la loi du 15 décembre 1980. Pour pouvoir être régularisé, il faut répondre soit au prescrit de l’article 9 bis, soit de l’article 9ter. L’article 9ter permet à un étranger de demander l’autorisation de séjour s’il « dispose d’un document d’identité et souffre d’une maladie dans un état tel qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’ik n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne ». Cet article permet donc d’introduire une demande de régularisation pour motif médical auprès de l’Office des étrangers [4].

Néanmoins, au vu des strictes balises contenues dans l’article 9ter et de l’appréciation souvent trop stricte de la gravité de la maladie par l’administration, peu de demandes sont acceptées pour ce motif [5]. L’article 9bis permet, quant à lui, à un étranger de demander une autorisation de séjour « Lors de circonstances exceptionnelles et à la condition que l’étranger dispose d’un document d’identité ».

Cet article pose un problème fondamental : il ne contient aucun critère clair et objectif sur lesquels fonder une décision de régularisation. Ainsi, l’administration a un très large pouvoir discrétionnaire d’interpréter comme bon lui semble la notion « circonstances exceptionnelles ».

La politique de régularisation belge : la régularisation collective

A côté de la régularisation individuelle sur base des articles 9bis et 9ter de la loi du 15 décembre 1980, il y a ce qu’on appelle la régularisation collective, qui est une décision du gouvernement d’accorder un droit de séjour à des étrangers à un moment T. Des critères de régularisation sont alors fixés de façon temporaire. En Belgique, il y a eu deux grandes vagues de régularisation qui sont intervenues en 1999 et en 2009. Si l’on peut se réjouir du fait que les étrangers présents sur le territoire en 1999 et en 2009 aient pu obtenir un titre de séjour, ces régularisations se sont également faites au détriment des personnes en situation de séjour irrégulier n’étant pas encore présentes sur le territoire. Cette situation crée une sorte de discrimination temporelle car la régularisation des sans-papiers repose exclusivement sur le hasard ! [6]

Ainsi, ceux qui ont « la chance » de se trouver sur le territoire au moment où le gouvernement décide d’entamer une vague de régularisation se voient conférer un titre de séjour. De façon injuste, ceux qui ne se trouvent pas encore sur le territoire ou ceux qui viennent de partir volontairement chez eux, renonçant à leur rêve de rester vivre en Belgique, n’ont pas ce privilège.

Comment combler les lacunes de la politique migratoire belge ?

L’ISEF est l’acronyme de l’Indice Socio-Economique Faibles. Il s’agit d’un mécanisme créé par le gouvernement de la Communauté Française en 2009, en vue de classifier les écoles primaires situées dans une zone socio-économique précarisée.

Chaque année, des milliers de parents se vouent à une lutte sans merci pour inscrire leur enfant dans l’école idéale. Certains se satisfont automatiquement de leur deuxième ou troisième choix pensant n’avoir aucune chance par faute de moyens.

L’ISEF agit comme critère de distinction des candidatures lors de la phase d’inscription dans une école secondaire. Dès lors, il permet aux enfants sortant d’une école ISEF, d’être prioritaires. Ainsi, une école secondaire réputée d’Uccle se doit de prévoir 20,4% de sa capacité aux étudiants ISEF. Il ne reste donc qu’aux parents d’oser candidater auprès de ‘l’école de leur choix. Mais le constat est clair : peu connaissent l’existence de l’ISEF. Et comme l’explique Michel Parys, co-président de la régionale bruxelloise de l’UFAPEC, c’est l’inverse qui se produit. En effet, les parents souhaitant naturellement la meilleure formation pour leur enfant, choisissent bien souvent de l’inscrire au sein d’une école primaire loin de leur quartier précarisé, dans des écoles non ISEF.

Sources
[1] ASBL Ciré, « 110 000 une estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Belgique », disponible sur https://www.cire.be/le-chiffre-110-000-une-estimation-du-nombre-d-etrangers-en-situation-irreguliere-en-belgique/
[2] ASBL Ciré , « Sans-papiers, avec critères ! », disponible sur https://www.cire.be/chronique-sans-papiers-avec-criteres/
[3] « Proposition de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en vue d’y insérer des critères clairs, justes et précis de régularisation pour les personnes en situation de séjour irrégulier sur le territoire du Royaume et instituant une Commission indépendante de régularisation », disponible sur https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/1415/55K1415001.pdf
[4] Medimmigrant, « Autorisation de séjour pour raisons médicales (art. 9ter) », disponible sur https://medimmigrant.be/fr/infos/sejour-ou-retour-en-cas-de-maladie/autorisation-de-sejour-pour-raisons-medicales-art-9ter 
[5] ADDE, Livre blanc sur l’autorisation de séjour pour raisons médicales (9ter)
[6] Wavreille Aime, « Régularisation des sans-papiers : des critères trop flous et trop arbitraire ? », la RTBF, disponible sur https://www.rtbf.be/article/regularisation-des-sans-papiers-des-criteres-trop-flous-et-trop-darbitraire-10780959
Comment se protège-t-on face au racisme en Belgique

Comment se protège-t-on face au racisme en Belgique

As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés?

Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.

Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

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Sur base de ce schéma, l’Article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination.

En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.

En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…

La Constitution belge

Contenu et contexte historique :

L’Article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :

« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».

Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.

Qui peut invoquer l’Article 11 de la Constitution ?
  • L’Article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.

P.S. : Dans le dernier slide, tu retrouveras un petit dico des mots pointés en gras

La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act) 

Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme.

Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité.

La loi antiracisme va protéger les personnes victimes de :

  • discrimination directe 
  • discrimination indirecte 
  • injonction de discriminer 
  • harcèlement
Le savais-tu ?

 Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensible que ce que l’Union Européenne demandait.

  • On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
  • La Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”.

En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.

Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres 

Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.

La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.

La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe).

Les deux lois interdisent :

  • la discrimination directe 
  • la discrimination indirecte
  • l’injonction de discriminer
  • le harcèlement
  • le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
  • un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Le savais-tu ? 

Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres vu qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.

Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est mysogine, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les trois lois que nous venons d’expliciter.

 

– Dico juridique –

  • Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi.

Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.

  • Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences.

Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.

  • Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
  • Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
  • Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).

 

Sources