L’hypersexualisation

L’hypersexualisation

L’hypersexualisation

1. Qu’est ce que l’hypersexualisation ?

L’ “hyper”sexualisation consiste à donner un caractère sexuel à quelque chose qui ne l’est pas en soi. [1] 

Pour discuter de l’hypersexualisation, il n’est pas imaginable de faire abstraction des problèmes de genre qui y sont directement liés. En effet, le concept genre*  tient à évoquer  les rôles qui sont déterminés socialement, les comportements, les activités et les attributs qu’une société considère comme appropriés pour les hommes et les femmes”. [4] Définir ce concept permet de comprendre que le genre est la conséquence du regard que les Autres posent sur un individu, ainsi que son propre regard. D’ailleurs, dans le cadre de l’hypersexualisation, les hommes et les femmes n’en sont pas victimes de la même façon ; l’”hyper”-virilité est un pression subie par les hommes.

QrKnmYCQyO5YlmAIfiAjmfayJHDdBTXmV2y7QU939LfiaLeLQ1lYe7wfMhEazD7B4ZUB1kZYZXQnM7beJcnERhXAmqePTWdQ4b4WyLZUW2ON75RUBu8szhwvTqSn.jpg*Le genre est une notion très ancrée dans notre société et qui n’inclut pas les personnes non-genrées.

L’Association Américaine de Psychologie (APA) définit la victime de l’hypersexualisation 

« La personne est présentée comme un objet sexuel : une chose à utiliser et non un être capable de faire des choix, d’agir de façon indépendante; et la sexualité est imposée de façon inappropriée .» [2.2]

Dès lors, l’hypersexualisation ne peut qu’induire l’objectivation et la marchandisation des corps. L’individu victime de ce regard devient un individu sans subjectivité et l’entièreté de sa personne est réduite à son corps.

Selon l’APA, l’hypersexualisation apparaît lorsqu’un des 4 critères suivants est rempli:

  • La valeur d’une personne dépend uniquement de son comportement sexuel ou de l’attirance sexuelle qu’elle dégage, excluant d’autres caractéristiques
  • Une personne est assujettie à une norme qui assimile l’attraction physique (stricte- ment définie) au fait d’être sexy
  • Une personne est sexuellement dépersonnalisée – elle est davantage considérée comme un objet sexuel que comme une personne apte à agir de façon indépendante et à prendre des décisions
  • La sexualité est imposée à une personne de façon inappropriée. [3]

Ces différents critères permettent d’éviter de s’inscrire dans le système qui accepte l’hypersexualisation chez la plupart des femmes adultes.

Ce phénomène est de plus en plus banalisé par les médias [2] et les dérives de l’hypersexualisation sont nombreuses. Le cas particulier de l’érotisation des enfants et adolescent.e.s est souvent pointé du doigt. Pourtant, ce phénomène a un impact sur d’autres publics et l’hypersexualisation des femmes racisées n’est pas des moindres. 

2. D’où vient ce concept ?

Pour comprendre cette conséquence du racisme, nous devons revenir en arrière dans l’histoire, enfin de saisir  l’émergence du concept de “ l’hypersexualisation des femmes racisées”.

Comme le département History of Congo and the  Belgian colonisation vous en faisait part dans son article sur la Condition de la femmes dans le Congo colonial, l’hypersexualisation de la femme noire a un lien direct avec la colonisation. Ainsi par exemple, à cette époque, dans les pays occidentaux, il y avait des zoos humains. Des colons capturaient des africains et africaines pour les enfermer et les traiter comme des animaux; les gens payaient pour se rendre dans ces espaces. Le regard occidental a dépravé la femme noire, qu’elle soit dans ces zoos ou chez elle – par la faute de l’imaginaire colonial[5]. Les femmes autochtones sont également victimes de leur passé colonial [5]. 

 “l’hypersexualisation des femmes noires, en miroir avec la féminité pure des femmes blanches, pose une dichotomie très forte, dans la continuité de l’imaginaire colonial. ” [6] 

Cette contradiction avec la femme pure  qu’est la femme blanche est aussi retrouvée dans la comparaison avec “ la beurette”, qui represente une  sexualité  “irrespectable” [6]. Le fantasme de la “beurette” puise directement son origine dans la colonisation. Selon l’historien et spécialiste dans les questions coloniales, Pascale Blanchard,  l’appellation de la femme “orientale” dérive déjà du fait que dans l’imaginaire européen de l’époque, les frontières n’existaient pas entre les pays arabes [8]. A cela s’ajoute la fausse croyance que les femmes maghrébines attendaient, seins nus,  les  colons européens dans les rues. Ce concept, nommé “la sortie du harem”, a été transcrit dans la littérature occidentale [8].

Ce fantasme, complètement absent dans la réalité de ces pays, va mener  à la  création de bordels instaurés par les colons pour assouvir leur perversion.

Le même constat avait déjà été relevé pour les femmes asiatiques dans notre article sur les préjugés #2 où nous vous parlions de l’origine du fétichisme visant ces dernières.

Le philosophe Achille Mbembe estime que  “ l’exotisme est la langue privilégiée du racisme à la française” [7]. En effet,  la frivolité, qui est une des branches de cet exotisme, était une des notions utilisées par  les européens pour asseoir leur supériorité  sur toutes personnes racisées[7]. L’exotisme a un lien direct avec la déshumanisation car il faisait passer les peuples d’Orient, du Pacifique, d’Afrique  mais aussi tout autre peuple autochtone comme des peuples primifits  intéressaient uniquement  par le sexe, la lascivité ect.. . On peut donc affirmer qu’ en utilisant ce rapport du genre et de la sexualité, les colons ont retiré leur pouvoir aux femmes racisées les faisant passer pour de simples objets sexuels, soumises, dociles ou encore sauvages, auxquelles ils ne pouvaient résister [7].

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Paul Gauguin, « Arearea »(joyeusetés), 1892.

Enfin, il est nécessaire d’insister sur le fait que l’hypersexualisation des femmes racisées repose sur la notion de l’intersectionnalité.  En effet, il ne s’agit pas de critères uniques qui s’associent mais bien d’un croisement  des représentations “ethnico-raciales, genrées, sociales et générationnelles” [9]

 

3. Quelles sont les tendances hypersexualisées aujourd’hui ? 

Tel que Chantal Isme l’explique, “que ce soit dans les films pornographiques, les vidéos clips ou les annonces publicitaires, la question de la sexualité et les différences raciales sont souvent mises en avant. En plus de banaliser la sexualité, ces clips entretiennent les stéréotypes : les femmes noires sont présentées comme des esclaves, les femmes asiatiques comme des soumises, les latino-américaines comme des femmes exotiques, etc” [5]. Par conséquent, les femmes racisées sont réduites à leur corps et leur valeur est constamment remise en question. Les femmes racisées sont souvent présentées dans des positions dégradantes qui mettent en avant les parties de leur corps qui sont sexualisées par les hommes. Les statistiques des sites pornographiques démontrent que les recherches penchent en faveur de vidéos dégradantes (“femme noire esclave”, “beurette” sont des exemples de termes fréquemment recherchés) [10].

L’hypersexualisation n’a pas uniquement des conséquences à travers les médias. Il y a en effet un lien bien réel entre les opportunités professionnelles et l’image de la femme racisée. L’hypersexualisation favorise le racisme systémique en imposant à ces femmes une étiquette injuste, dégradante et dévalorisante [5]. En conséquence, un doute persiste quant aux compétences et aux capacités de ces femmes dans le milieu professionnel. En effet, “les corps des employées domestiques font l’objet d’une exotisation importante de la part des employeur·e·s, qui s’inscrivent dans des imaginaires postcoloniaux [10].”. 

 “Assigner ces femmes à la domesticité, et par là, réduire leur corps à la maternité et au travail reproductif du foyer, ont en outre pour effets une intériorisation de leur supposée infériorité en tant que femmes, personnes racisées, et travailleuses. -Alizée Delpierre

Ainsi, par exemple, la femme noire, auparavant esclave, est aujourd’hui vue comme domestique, candidate parfaite pour s’occuper des autres. La femme noire est ainsi décrite comme “petite mais avec une poitrine généreuse”, “rassurante pour les enfants” [11]. Dans la même lignée, les stéréotypes et le fétichisme de la femme asiatique amènent les employeurs à les associer à des “qualités de docilité, de discrétion et de raffinement” [11].

 

 

Sources :

  • [1] S. Morin, “C’est quoi l’hypersexualisation”, publié le 25 juillet 2009, disponible sur  www.sophiesexologue.com.
  • [2] ECPAT, “Médias et hypersexualisation: liaisons dangereuses”,  étude réalisée en 2005, disponible sur www.ecpat.be.
  • [2.2] définition provenant de l’APA dans ECPAT, “Médias et hypersexualisation: liaisons dangereuses”,  étude réalisée en 2005, disponible sur www.ecpat.be.
  • [3]APA, “Report on the APA task force on the sexualization of Girls”, publié en 2007, disponible sur www.apa.org, page 6
  • [4] OMS.  “ qu’entendon-nous par “ sexe ” et par “genre”? ”, consutlé le 30 avril 2021, disponible sur www.who.int.
  • [5] C. Isme, “Webinaire sur l’Hypersexualisation, racisme et prostitution”, publié le 2 mai 2017, disponible sur www.espacesvie.com   
  • [6] S. Aït Mansour, “La sexualité «exotique» déconstruite par Garçesé”, publié le 27 février 2017, disponible sur www.lapeniche.net
  • [7] X.Ducandas, Filles exotiques », l’hypersexualisation des femmes racisées : un enjeu postcolonial”, publié le 30 octobre 2017, disponible sur www.letslookaftersite.wordpress.com.
  • [8] N. Hathroubi-Safsaf “ Pascal Blanchard : “Le fantasme écrase le réel”, publié le  5 octobre 2018, disponnible sur www.lecourrierdelatlas.com 
  • [9] F. Valdayron, »J’ai envie de tester une Arabe”: en 2019, les femmes racisées sont toujours hypersexualisées”, publié le 23 janvier 2019, disponible sur www.lesinrocks.com.
  • [10]C. Wernaers, “Colonisation: aux origines de l’hypersexualisation des femmes noires”, publié le 4 juillet 2020, disponible sur www.rtbf.be 
  • [11] A. Delpierre, “Les Noires sont sales, par contre, elles font de bonnes nounous” : dans l’emploi domestique, des stéréotypes tenaces”, publiée le 18 décembre 2020, disponible sur www.theconversation.com 
Grace Ly

Grace Ly

Chin Chang Chong, Cela Ne veut pas seulement dire que tu es différent, mais aussi que tu es moins bien.

Grace Ly

Daisy Singh-Greaves, 2020, NüProfile: Grace Ly speaks about Chinese identities in France, anti-Asian racism, and exploring culture through food, NüVoices, accessed 01.01.2024, https://nuvoices.com/2020/08/25/nuprofile-grace-ly-speaks-about-chinese-identities-in-france-anti-asian-racism-and-exploring-culture-through-food/

Née à Grenoble, en Isère, Grace Ly est connue en France et en Belgique notamment pour son ouvrage “Jeune fille modèle”. En effet, Grace Ly est autrice mais aussi réalisatrice, podcasteuse et engagée dans la lutte contre le racisme que subit la communauté asiatique [1].

Ses parents ont dû fuir le Cambodge dans les années 70 à cause du génocide causé par de la dictature des Khmer rouge alors qu’ils étaient encore étudiants en médecine. Ils déménagent donc en France et s’installent à Paris lorsque Grace Ly a 6 ans [2]. Elle subit des discriminations pendant tout son cursus scolaire à cause de sa soit disant “différence”. Victime d’un racisme ordinaire qui est souvent banalisé, petite, elle voulait changer qui elle était pour rentrer dans la norme, être une jeune fille blanche [3].

Elle obtient son bac en 1996 et entame des études de droit. Elle se spécialise en droit de la propriété intellectuelle et une fois son master en poche, déménage en Angleterre pendant 4 ans à partir de 2004 et obtient son barreau et devient officiellement avocate en 2010 [3].

Elle s’est vite rendu compte que le métier n’était pas pour elle et qu’elle avait surtout choisi cette filière pour faire plaisir à ses parents. Après huit ans dans une entreprise de divertissement, elle décide de changer de voie et se lance dans ce qui lui correspond vraiment, l’écriture. Selon elle, c’est grâce à sa première maternité qu’elle a décidé d’être plus heureuse [4]. Elle commence la rédaction dans un blog de cuisine en 2011, “Petite banane”. Ce nom est une référence à l’histoire de tout asiatique tenu de s’intégrer dans une culture autre que la sienne. Tel que l’explique Ly, la banane représente le tiraillement entre la culture asiatique et la culture occidentale. Il s’agit d’un terme utilisé pour exprimer “jaune à l’exterieur et blanche à l’intérieur”. [2, 5]. Par la suite, elle crée avec Rokhaya Diallo – journaliste – le podcast “kiffe ta race” qui discute des thématiques du féminisme intersectionnel et du racisme. Les deux créatrices font toutes deux part de leurs expériences vécues sur le terrain. [6]. En 2018, son ouvrage “Jeune fille modèle” est publié chez les éditions Fayard. Cet ouvrage représente ce que Grace Ly a vécu en France en tant que jeune fille racisée.

A de nombreuses reprises, Ly a dénoncé le fétichisme et l’hypersexualisation des femmes asiatiques. Elle s’exprime sur les profondes conséquences d’une telle homogénéisation en pointant le bagage émotionnel (les femmes ne se sentent aimées qu’en raison de leur origine) et le sentiment de discrimination et de différenciation (par rapport aux femmes blanches qui sont tenues à un standard différent) [7].

Aujourd’hui, elle dénonce le racisme anti-asiatique qui a resurgi avec la crise sanitaire que nous vivons [8].

Sources

[1] Montanay, J-P., “ Grace ly contre les clichés sur les Asiatiques ”, disponible sur www.lexpress, publié le 18/07/2018.
[2] Belgacem, I., & Gautheron, P., “La communauté Asiatique a fini de fermer sa gueule ”, disponible sur www.streepress.com, publié 09/10/2017.
[3] Jacquel, A., “Grace Ly en lutte contre l’invisibilité des Asiatiques de France”, disponible sur https://www.bondyblog.fr/, publié le 06/06/2018
[4] Callier, C. “Grace Ly, pour que les Asiatiques de France aient enfin voix au chapitre” disponible sur https://madame.lefigaro.fr/, publié le 14/02/2019
[5] Charlotte, D., “Grace Ly, “Je ne suis pas une simple préférence sexuelle”, disponible sur www.leprescripteur.prescriptionlab.com, publié le 07/03/2019.
[6] Eveno, F., “Kiffe ta race” : le podcast fier de ses origines”, disponible sur https://www.rtbf.be, publié le 13/08/2018
[7] Pouré, C., “La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste”, disponible sur www.vice.com, publié le 05/08/2018
[8] Durand, C., “Grace Ly : “Je ne laisse plus rien passer” “, disponible sur https://www.marieclaire.fr/, publié le 04/03/2021
Les stéréotypes liés aux femmes

Les stéréotypes liés aux femmes

Les stéréotypes liés aux femmes 

 

Introduction 

Lors de notre premier post sur les préjugés, nous avons abordé les préjugés comportementaux ainsi que physiques. Ce deuxième article sera dédiée aux stéréotypes liés aux femmes racisées. 

Les femmes issues des minorités subissent une double disrimination à cause de leur genre et de leur soi-disante race. Il est donc important, dans un premier temps, de se focaliser sur les différentes discriminations qu’elles subissent; et puis dans un second temps, d’introduire celle-ci dans le concept plus global d’intersectionnalité, que nous aborderons au courant du mois de mars.  Nous avons relevé et analysé un préjugé sur les femmes de la communauté asiatique, maghrébine ainsi que de la communauté noire.

La femme asiatique fétichisée

Les préjugés de soumission et de docilité qui entourent les femmes asiatiques nous viennent de la colonisation. A cette époque, les femmes sont mises en parallèle avec les colonies vulnérables qu’il faut conquérir et soumettre tandis que  l’homme blanc est perçu comme l’Occident conquérant. En effet, l’Orient était représenté comme un territoire sexuel, mystique et exotique [1]

Poster de Madame Butterfly par Daniel Fromman

 A l’heure actuelle, la femme asiatique est encore vue comme une “ femme-enfant”, androgyne, impassible et  insondable [2].

«C’est la façon dont le corps est formé, la couleur de la peau… C’est tellement différent ” ~extrait de la série de court métrage “ They’re all so beautiful”.

Dans l’imaginaire générale, on pense que derrière leur côté intelligent et discret ( préjugés analysés  lors de notre premier article), les femmes asiatiques sont en réalité des prédatrices sexuelles qui cachent bien leur jeu. Tous ces clichés sont tels qu’aux Etats-Unis on appelle ça la “yellow fever”. Concrètement, ce concept désigne un “fétichisme raciste” qui instaure une impression d’homogénéité entre les femmes asiatiques, mais aussi une différenciation par rapport à la femme blanche occidentale [3]. 

“C’est marrant, tu cries comme une Asiatique au lit.”  ~Témoignage de Lucy Lam

S’ajoutent à cela les images péjoratives découlant des vidéos pornographiques mais aussi de la représentation de ces dernières à la télévision ou dans le monde du cinéma où elles sont souvent associées à des rôles de masseuses ou de prostituées. De plus, plusieurs films sur les geïshas du Japon ou sur la guerre du Vietnam, ou encore des mangas reléguent la femme asiatique au rang d’objet sexuel [3] [4].

C’est pour lutter contre ces préjugés et d’autres encore que des magazines tel que KOÏ ou encore des comptes instagram tel que Sororasie ont vu le jour et se battent pour mettre en avant les cultures asiatiques (qui sont, rappelons-le, différentes les unes des autres)  ainsi que la vision de la femme asiatique comme personne individuelle et loin des clichés dégradants que nous transportons depuis des siècles.

 

La femme voilée soumise

Les femmes voilées sont souvent le sujet de nombreuses critiques, qui émergent à la suite d’un manque d’intérêt, une peur de l’inconnu et une influence des  schémas de pensée et jugements que les pays occidentaux projettent sur la religion islamique.

 La critique majeure à l’encontre du voile est la suivante : une femme voilée n’est pas libre de son choix. Elle est forcée de porter le foulard et soumise à son mari ou à sa famille [5]. Le port du voile est perçu comme un refus d’intégration [6]. Ce préjugé permet aux personnes racistes et xénophobes de critiquer ouvertement les personnes étrangères en instiguant, au sein de la société, une crainte à l’égard de l’Islam. Pour ces derniers, le port du voile est le premier pas vers une islamisation globale. 

Or,  «pour qu’une pratique persiste voire se répande, il faut de façon générale qu’elle trouve appui d’équipe la socialisation de la population concernée. […] Il n’est dès lors pas étonnant que les cas de port véritablement contraint du voile soient relativement rares, et souvent dénoncés par celles qui, voilées et pratiquantes, entendent faire du port du hijab un acte volontaire, conscient, réfléchi, pieux», Julien Beaugé [7]

Avec l’évolution des sociétés, il y a également eu un développement de la conception du port du voile.  Aujourd’hui, le port du voile est souvent un choix délibéré de la femme et non un ordre qu’elle doit exécuter. Les cas de coercition au port du voile sont une réalité que nous ne pouvons pas nier mais, contrairement à l’image perpétuée dans les réseaux médiatiques, ces cas restent particulièrement minimes [7]. 

Michael Starkie, 2021, An Egyptian girl poses in a veil for a photo, Unsplash, accessed on 02.02.2024, https://unsplash.com/photos/a-black-and-white-photo-of-a-woman-with-long-hair-_DKBBl7oYy0

 “de nombreuses études qualitatives de chercheurs, portant sur des dizaines ou des centaines de femmes, dessinent  une réponse bien plus nuancée que ce que laissent sous-entendre les discours politiques: […] s’il y a bien des cas de femmes sur lesquelles on a exercé des pressions verbales ou physiques très fortes, ils sont tout à fait minoritaires.” [7] 

 «Toutes les femmes que j’ai rencontrées n’avaient pas été forcées, je n’ai jamais rencontré de ma vie une femme forcée à porter le voile.» ~ témoignage d’Agnès De Feo, chercheuse en sciences sociales qui a interviewé 300 femmes (portant le voile, le niqab ou le djilbeb) [7]

 

La femme noire agressive

Sujette au racisme et au sexisme, la femme noire (étant femme ET noire) est assignée à plusieurs stéréotypes dont celui d’être agressive, dominante et forte. Le “angry black woman” associe la femme noire à une personne mal élevée, en colère, hostile. D’où vient cette image véhiculée? 

1) Le terme de “femmes agressives” renvoie directement à l’image des pays colonisateurs sur l’Afrique. Cette “race” (terme utilisé à l’époque) découverte était considérée comme plus proche du singe, de l’animal que de l’humain . Cette conception, bien que disparue officiellement, persiste et continue à  catégoriser les “Noirs” comme dangereux et violents

2) Cette représentation collective populaire a émergé depuis plus de 50 ans et est alimentée par différents médias. Dès les années 30’, une émission radio populaire américaine nommée Amos ’n’ Andy semble avoir été un départ au stéréotype “angry black woman”. Sapphire est LE personnage féminin important de cette comédie. C’est une femme noire têtue, hystérique et dominant son mari[8] [9]. Suite à cette série qui a duré un peu plus de 30 ans, la “femme noire” a endossé ce rôle de femme colérique et effrontée. La diffusion de ce récit raciste a incité les auditeurs à dégrader l’image qu’ils se faisaient de la femme noire sous couvert d’un comique de situation. Aujourd’hui encore, cette représentation se perpétue et reste dans l’ imaginaire collectif.

My personality, emotions and experiences will always be my own and I refuse to live shackled by a persona created by people who never took the time to ask themselves why.” ~ Delta B.Mackenzie [10]

Un stéréotype, qui peut paraître “anodin” et lointain, est pourtant perceptible au quotidien et, en plus d’être blessant, cause des effets collatéraux. En effet, pour échapper à cette représentation faussée, les femmes noires et racisées ont tendance à réprimer leurs expressions et émotions. Le silence s’installant, cette attitude nocive peut avoir des conséquences lourdes sur la santé psychique. N’est-ce pas “dépouiller ces femmes de sentiments et d’humanité” ? (Asare, 2019) [11].

 

Sources

[1] C.Joubert,  “Les femmes chinoises aux Etats-unis au XXème siècle: entre racisme et sexisme, la création d’un stéréotype orientaliste érotisé”, diponible sur www.lesoursesàplumes.info, consulté le 5 février 2021
[2] L.Rezzoug, “ la femme asiatique, fantasme et cliché sexiste”,  disponnible sur www.lexpress.fr, publié le 09/02/2019. 
[3] C.Pouré, “La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste”, disponnible sur www.vice.com, publié le 05/07/2018.
[4] P. Verduzier, “Le problème avec les hommes qui n’aiment que les femmes asiatiques”, disponible sur www.slate.fr, publié le 17 janvier 2019. 
[5] E. Jovelin, « Sociologie de la femme voilée. Du voile hérité au voile révélé », Pensée plurielle, 2009/2 (n°21), p. 114.
[6] F. Gaspard, F. Khosrakhavar, Le foulard et la République, La Découverte, Paris, 1995, p. 34
[7] A. Lorriaux, "Les femmes voilées sont-elles forcées à porter le voile, comme on l’entend dire ?”, disponible sur www.slate.fr, 30 septembre 2016.
[8] “3 stéréotypes raciaux sur les femmes noires qui doivent cesser”, disponible sur  https://topafro.com/, publié en mars 2020.
[9] C. Robert-Motta, “Entre clichés et invisibilité les femmes noires toujours mal représentées dans les médias”, disponible sur 
https://www.lesinrocks.com, publié le 19/4/2019
[10] D. Mackenzie, “The Angry Blakc Woman and the trauma the stereotype has caused”, disponible sur https://medium.com/, publié le 7/2/2020
[11]  J.G. Assre, “ Overcoming the Angry Black Woman stereotype”, disponible sur https://www.forbes.com, publié le 31/5/2019