Angela Davis

Angela Davis

“In a racist society it is not enough to be non-racist, we must be anti-racist.”

traduction : Dans une société raciste ce n’est pas assez d’être non raciste, il faut être anti-racist.

Hier, l’incontournable Angela Davis fêtait ses 77 ans. Militante afro-américaine communiste, membre du Black Panther Party, elle est connue pour son combat contre le racisme. Auteure de “ Femme, race et classes”, c’est aussi une fervante défenseuse des droits des femmes, et plus particulièrement de la femme noire, à travers le biais de “l’interssectionalité”.[a]

Née le 26 janvier 1944, Angela Davis est issue d’une famille afro-américaine du quartier surnommé “Dynamite Hill”, dans l’Alabama. Ce quartier doit son surnom au fait qu’à partir de 1944, de nombreux attentats ont eu lieu à l’encontre des maisons qui avaient été construites par des Noirs. En effet, Angela Davis est née pendant une période où la ségrégation raciale était toujours d’actualité dans le Sud des Etats-Unis.

Dès son plus jeune âge elle sera victime de racisme et acquiert la force militante de ses parents qui tous les deux étaient membres de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). Elle fréquente l’école primaire réservée aux Noirs et poursuit ses études secondaires à New York, où elle fait la découverte du mouvement socialiste et communiste. En 1962, elle obtient une bourse et continue des études supérieures en philosophie à l’université de Brandeis dans le Massachusetts ainsi qu’à la Sorbonne en France. C’est en France qu’elle rencontre le racisme, conséquence de la colonisation. Elle milite auprès des Algériens en France et part, dans le même temps, poursuivre son doctorat en Allemagne où elle rencontre la jeunesse socialiste de Francfort.

Elle revient aux Etats-Unis pour participer aux mouvements luttant pour la libération des Noirs. Elle considère que cette lutte doit s’intégrer au mouvement révolutionnaire socialiste. En 1968, elle devient professeur à l’université de Californie à Los Angeles et adhère au Che-Lumumba Club ( section réservée aux Noirs du Parti communiste des Etats-Unis) ainsi qu’au Black Panther Party. A l’époque, la lutte pour les droits civiques était réfutée par la majorité. C’est pourquoi ses étudiants n’hésitaient pas à la dénoncer en tant que communiste (ce qui lui a valu son licenciement) et Ronald Regan, gouverneur durant cette période, ordonne sa surveillance constante par le FBI.
Angela fait partie du comité de soutien de Georges Jackson, un jeune condamné à la prison à vie pour le vol d’une somme de 70 dollars. En 1970, une prise d’otage visant à libérer Georges mène le FBI à devenir suspicieux d’Angela Davis. Elle intègre la liste des criminels les plus recherchés par le FBI, étant accusée d’avoir fourni les armes nécessaires pour la prise d’otage. Durant deux mois, Angela davis se cache de la police et est finalement incarcerée et condamné à la peine de mort en octobre 1970. En 1972, elle est finalement acquittée après qu’il eût été prouvé que les accusations du FBI n’étaient pas fondées.

Elle est aujourd’hui libre et milite pour une réforme du système carcéral. Elle est également professeure de philosophie à l’université de Santa Cruz en Californie.

sources:

* http://www.toupie.org/Biographies/Davis.htm
* https://www.lefigaro.fr/histoire/2017/06/02/26001-20170602ARTFIG00270-cinq-choses-a-savoir-sur-la-pasionaria-angela-davis.php
* https://www.babelio.com/auteur/Angela-Davis/48266
* https://rebellyon.info/Angela-Davis-la-rebelle-est-acquittee-de-2570
* [a]On fera un article dessus ce quadri d’ailleurs !! c’est revenu dans les propositions des followers aussi quand on leur avait demandé les sujets qu’ils désiraient qu’on aborde 😀

James Baldwin

James Baldwin

« Not everything that is faced can be changed, but nothing can be changed until it is face »

Traduction : Tout ce qui est affronté ne peut pas être changé, mais rien ne peut être changé tant qu’on ne l’a pas affronté

James Baldwin

Anthony Varboza, 1971, Portrait de James Baldwin (1924 – 1987), New York disponnible sur https://www.gettyimages.fr/photos/anthony-barboza

 

Né en 1924 à Harlem (New-York), James Baldwin est un écrivain américain reconnu mondialement pour ses romans, ses poésies et ses recueils de nouvelles. Il est également devenu une figure emblématique du mouvement luttant pour les droits civiques des Noirs américains.

Très intéressé par les livres, Baldwin est un enfant brillant et très intelligent. Adolescent, il décide de poursuivre le métier d’écrivain. Néanmoins, il vit à une époque marquée par la ségrégation entre les Noirs et les Blancs. Dès son plus jeune âge, il assiste aux violences et aux émeutes dans son quartier délaissé et mal entretenu[a]. Il se rend compte, à 19 ans, que le rêve américain n’est pas accessible aux Noirs. A 24 ans, après un incident dans un restaurant interdit aux Noirs, il décide de fuir et de continuer sa passion pour la littérature à Paris.

James Baldwin est particulièrement reconnu pour avoir non seulement aborder la question du racisme mais également celle de l’homosexualité et de la bisexualité dans ses nombreux recueils. Ses écrits ne sont pas une lutte contre les Blancs mais un questionnement constant sur les raisons des inégalités.

Durant les années cinquantes, il partage son temps entre la France et les Etats-Unis et participe, aux côtés de Martin Luther King Jr, Malcom X et Medgar Evers, aux mouvements contre la ségrégation raciale. Leur lutte aboutit à l’interdiction légale de la discrimination raciale.

Il écrit plusieurs livres et essaies dont “ the fire next time” qui est considéré comme l’un des plus brillants essais sur l’histoire de la manifestation et des contestations des Noirs. En plus de ses talents d’écrivain, James Baldwin écrit deux pièces théâtre ( « the amen corner » et « blues for mister Charlie »).

En 1983, il devient professeur d’étude Afro-américaine à l’université du Massachusetts.

En 1986, il est nommé commandeur de la légion d’honneur en France et meurt à la suite d’un cancer de l’œsophage dans sa maison à Saint-Paul-de-Vence ( France) en 1987.

Si vous voulez en apprendre plus sur la vie de cet artiste et militant, nous vous invitons à regarder le documentaire : “I’m not your negro”.

Grace Ly

Grace Ly

Chin Chang Chong, Cela Ne veut pas seulement dire que tu es différent, mais aussi que tu es moins bien.

Grace Ly

Daisy Singh-Greaves, 2020, NüProfile: Grace Ly speaks about Chinese identities in France, anti-Asian racism, and exploring culture through food, NüVoices, accessed 01.01.2024, https://nuvoices.com/2020/08/25/nuprofile-grace-ly-speaks-about-chinese-identities-in-france-anti-asian-racism-and-exploring-culture-through-food/

Née à Grenoble, en Isère, Grace Ly est connue en France et en Belgique notamment pour son ouvrage “Jeune fille modèle”. En effet, Grace Ly est autrice mais aussi réalisatrice, podcasteuse et engagée dans la lutte contre le racisme que subit la communauté asiatique [1].

Ses parents ont dû fuir le Cambodge dans les années 70 à cause du génocide causé par de la dictature des Khmer rouge alors qu’ils étaient encore étudiants en médecine. Ils déménagent donc en France et s’installent à Paris lorsque Grace Ly a 6 ans [2]. Elle subit des discriminations pendant tout son cursus scolaire à cause de sa soit disant “différence”. Victime d’un racisme ordinaire qui est souvent banalisé, petite, elle voulait changer qui elle était pour rentrer dans la norme, être une jeune fille blanche [3].

Elle obtient son bac en 1996 et entame des études de droit. Elle se spécialise en droit de la propriété intellectuelle et une fois son master en poche, déménage en Angleterre pendant 4 ans à partir de 2004 et obtient son barreau et devient officiellement avocate en 2010 [3].

Elle s’est vite rendu compte que le métier n’était pas pour elle et qu’elle avait surtout choisi cette filière pour faire plaisir à ses parents. Après huit ans dans une entreprise de divertissement, elle décide de changer de voie et se lance dans ce qui lui correspond vraiment, l’écriture. Selon elle, c’est grâce à sa première maternité qu’elle a décidé d’être plus heureuse [4]. Elle commence la rédaction dans un blog de cuisine en 2011, “Petite banane”. Ce nom est une référence à l’histoire de tout asiatique tenu de s’intégrer dans une culture autre que la sienne. Tel que l’explique Ly, la banane représente le tiraillement entre la culture asiatique et la culture occidentale. Il s’agit d’un terme utilisé pour exprimer “jaune à l’exterieur et blanche à l’intérieur”. [2, 5]. Par la suite, elle crée avec Rokhaya Diallo – journaliste – le podcast “kiffe ta race” qui discute des thématiques du féminisme intersectionnel et du racisme. Les deux créatrices font toutes deux part de leurs expériences vécues sur le terrain. [6]. En 2018, son ouvrage “Jeune fille modèle” est publié chez les éditions Fayard. Cet ouvrage représente ce que Grace Ly a vécu en France en tant que jeune fille racisée.

A de nombreuses reprises, Ly a dénoncé le fétichisme et l’hypersexualisation des femmes asiatiques. Elle s’exprime sur les profondes conséquences d’une telle homogénéisation en pointant le bagage émotionnel (les femmes ne se sentent aimées qu’en raison de leur origine) et le sentiment de discrimination et de différenciation (par rapport aux femmes blanches qui sont tenues à un standard différent) [7].

Aujourd’hui, elle dénonce le racisme anti-asiatique qui a resurgi avec la crise sanitaire que nous vivons [8].

Sources

[1] Montanay, J-P., “ Grace ly contre les clichés sur les Asiatiques ”, disponible sur www.lexpress, publié le 18/07/2018.
[2] Belgacem, I., & Gautheron, P., “La communauté Asiatique a fini de fermer sa gueule ”, disponible sur www.streepress.com, publié 09/10/2017.
[3] Jacquel, A., “Grace Ly en lutte contre l’invisibilité des Asiatiques de France”, disponible sur https://www.bondyblog.fr/, publié le 06/06/2018
[4] Callier, C. “Grace Ly, pour que les Asiatiques de France aient enfin voix au chapitre” disponible sur https://madame.lefigaro.fr/, publié le 14/02/2019
[5] Charlotte, D., “Grace Ly, “Je ne suis pas une simple préférence sexuelle”, disponible sur www.leprescripteur.prescriptionlab.com, publié le 07/03/2019.
[6] Eveno, F., “Kiffe ta race” : le podcast fier de ses origines”, disponible sur https://www.rtbf.be, publié le 13/08/2018
[7] Pouré, C., “La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste”, disponible sur www.vice.com, publié le 05/08/2018
[8] Durand, C., “Grace Ly : “Je ne laisse plus rien passer” “, disponible sur https://www.marieclaire.fr/, publié le 04/03/2021
Les stéréotypes liés aux femmes

Les stéréotypes liés aux femmes

Les stéréotypes liés aux femmes 

 

Introduction 

Lors de notre premier post sur les préjugés, nous avons abordé les préjugés comportementaux ainsi que physiques. Ce deuxième article sera dédiée aux stéréotypes liés aux femmes racisées. 

Les femmes issues des minorités subissent une double disrimination à cause de leur genre et de leur soi-disante race. Il est donc important, dans un premier temps, de se focaliser sur les différentes discriminations qu’elles subissent; et puis dans un second temps, d’introduire celle-ci dans le concept plus global d’intersectionnalité, que nous aborderons au courant du mois de mars.  Nous avons relevé et analysé un préjugé sur les femmes de la communauté asiatique, maghrébine ainsi que de la communauté noire.

La femme asiatique fétichisée

Les préjugés de soumission et de docilité qui entourent les femmes asiatiques nous viennent de la colonisation. A cette époque, les femmes sont mises en parallèle avec les colonies vulnérables qu’il faut conquérir et soumettre tandis que  l’homme blanc est perçu comme l’Occident conquérant. En effet, l’Orient était représenté comme un territoire sexuel, mystique et exotique [1]

Poster de Madame Butterfly par Daniel Fromman

 A l’heure actuelle, la femme asiatique est encore vue comme une “ femme-enfant”, androgyne, impassible et  insondable [2].

«C’est la façon dont le corps est formé, la couleur de la peau… C’est tellement différent ” ~extrait de la série de court métrage “ They’re all so beautiful”.

Dans l’imaginaire générale, on pense que derrière leur côté intelligent et discret ( préjugés analysés  lors de notre premier article), les femmes asiatiques sont en réalité des prédatrices sexuelles qui cachent bien leur jeu. Tous ces clichés sont tels qu’aux Etats-Unis on appelle ça la “yellow fever”. Concrètement, ce concept désigne un “fétichisme raciste” qui instaure une impression d’homogénéité entre les femmes asiatiques, mais aussi une différenciation par rapport à la femme blanche occidentale [3]. 

“C’est marrant, tu cries comme une Asiatique au lit.”  ~Témoignage de Lucy Lam

S’ajoutent à cela les images péjoratives découlant des vidéos pornographiques mais aussi de la représentation de ces dernières à la télévision ou dans le monde du cinéma où elles sont souvent associées à des rôles de masseuses ou de prostituées. De plus, plusieurs films sur les geïshas du Japon ou sur la guerre du Vietnam, ou encore des mangas reléguent la femme asiatique au rang d’objet sexuel [3] [4].

C’est pour lutter contre ces préjugés et d’autres encore que des magazines tel que KOÏ ou encore des comptes instagram tel que Sororasie ont vu le jour et se battent pour mettre en avant les cultures asiatiques (qui sont, rappelons-le, différentes les unes des autres)  ainsi que la vision de la femme asiatique comme personne individuelle et loin des clichés dégradants que nous transportons depuis des siècles.

 

La femme voilée soumise

Les femmes voilées sont souvent le sujet de nombreuses critiques, qui émergent à la suite d’un manque d’intérêt, une peur de l’inconnu et une influence des  schémas de pensée et jugements que les pays occidentaux projettent sur la religion islamique.

 La critique majeure à l’encontre du voile est la suivante : une femme voilée n’est pas libre de son choix. Elle est forcée de porter le foulard et soumise à son mari ou à sa famille [5]. Le port du voile est perçu comme un refus d’intégration [6]. Ce préjugé permet aux personnes racistes et xénophobes de critiquer ouvertement les personnes étrangères en instiguant, au sein de la société, une crainte à l’égard de l’Islam. Pour ces derniers, le port du voile est le premier pas vers une islamisation globale. 

Or,  «pour qu’une pratique persiste voire se répande, il faut de façon générale qu’elle trouve appui d’équipe la socialisation de la population concernée. […] Il n’est dès lors pas étonnant que les cas de port véritablement contraint du voile soient relativement rares, et souvent dénoncés par celles qui, voilées et pratiquantes, entendent faire du port du hijab un acte volontaire, conscient, réfléchi, pieux», Julien Beaugé [7]

Avec l’évolution des sociétés, il y a également eu un développement de la conception du port du voile.  Aujourd’hui, le port du voile est souvent un choix délibéré de la femme et non un ordre qu’elle doit exécuter. Les cas de coercition au port du voile sont une réalité que nous ne pouvons pas nier mais, contrairement à l’image perpétuée dans les réseaux médiatiques, ces cas restent particulièrement minimes [7]. 

Michael Starkie, 2021, An Egyptian girl poses in a veil for a photo, Unsplash, accessed on 02.02.2024, https://unsplash.com/photos/a-black-and-white-photo-of-a-woman-with-long-hair-_DKBBl7oYy0

 “de nombreuses études qualitatives de chercheurs, portant sur des dizaines ou des centaines de femmes, dessinent  une réponse bien plus nuancée que ce que laissent sous-entendre les discours politiques: […] s’il y a bien des cas de femmes sur lesquelles on a exercé des pressions verbales ou physiques très fortes, ils sont tout à fait minoritaires.” [7] 

 «Toutes les femmes que j’ai rencontrées n’avaient pas été forcées, je n’ai jamais rencontré de ma vie une femme forcée à porter le voile.» ~ témoignage d’Agnès De Feo, chercheuse en sciences sociales qui a interviewé 300 femmes (portant le voile, le niqab ou le djilbeb) [7]

 

La femme noire agressive

Sujette au racisme et au sexisme, la femme noire (étant femme ET noire) est assignée à plusieurs stéréotypes dont celui d’être agressive, dominante et forte. Le “angry black woman” associe la femme noire à une personne mal élevée, en colère, hostile. D’où vient cette image véhiculée? 

1) Le terme de “femmes agressives” renvoie directement à l’image des pays colonisateurs sur l’Afrique. Cette “race” (terme utilisé à l’époque) découverte était considérée comme plus proche du singe, de l’animal que de l’humain . Cette conception, bien que disparue officiellement, persiste et continue à  catégoriser les “Noirs” comme dangereux et violents

2) Cette représentation collective populaire a émergé depuis plus de 50 ans et est alimentée par différents médias. Dès les années 30’, une émission radio populaire américaine nommée Amos ’n’ Andy semble avoir été un départ au stéréotype “angry black woman”. Sapphire est LE personnage féminin important de cette comédie. C’est une femme noire têtue, hystérique et dominant son mari[8] [9]. Suite à cette série qui a duré un peu plus de 30 ans, la “femme noire” a endossé ce rôle de femme colérique et effrontée. La diffusion de ce récit raciste a incité les auditeurs à dégrader l’image qu’ils se faisaient de la femme noire sous couvert d’un comique de situation. Aujourd’hui encore, cette représentation se perpétue et reste dans l’ imaginaire collectif.

My personality, emotions and experiences will always be my own and I refuse to live shackled by a persona created by people who never took the time to ask themselves why.” ~ Delta B.Mackenzie [10]

Un stéréotype, qui peut paraître “anodin” et lointain, est pourtant perceptible au quotidien et, en plus d’être blessant, cause des effets collatéraux. En effet, pour échapper à cette représentation faussée, les femmes noires et racisées ont tendance à réprimer leurs expressions et émotions. Le silence s’installant, cette attitude nocive peut avoir des conséquences lourdes sur la santé psychique. N’est-ce pas “dépouiller ces femmes de sentiments et d’humanité” ? (Asare, 2019) [11].

 

Sources

[1] C.Joubert,  “Les femmes chinoises aux Etats-unis au XXème siècle: entre racisme et sexisme, la création d’un stéréotype orientaliste érotisé”, diponible sur www.lesoursesàplumes.info, consulté le 5 février 2021
[2] L.Rezzoug, “ la femme asiatique, fantasme et cliché sexiste”,  disponnible sur www.lexpress.fr, publié le 09/02/2019. 
[3] C.Pouré, “La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste”, disponnible sur www.vice.com, publié le 05/07/2018.
[4] P. Verduzier, “Le problème avec les hommes qui n’aiment que les femmes asiatiques”, disponible sur www.slate.fr, publié le 17 janvier 2019. 
[5] E. Jovelin, « Sociologie de la femme voilée. Du voile hérité au voile révélé », Pensée plurielle, 2009/2 (n°21), p. 114.
[6] F. Gaspard, F. Khosrakhavar, Le foulard et la République, La Découverte, Paris, 1995, p. 34
[7] A. Lorriaux, "Les femmes voilées sont-elles forcées à porter le voile, comme on l’entend dire ?”, disponible sur www.slate.fr, 30 septembre 2016.
[8] “3 stéréotypes raciaux sur les femmes noires qui doivent cesser”, disponible sur  https://topafro.com/, publié en mars 2020.
[9] C. Robert-Motta, “Entre clichés et invisibilité les femmes noires toujours mal représentées dans les médias”, disponible sur 
https://www.lesinrocks.com, publié le 19/4/2019
[10] D. Mackenzie, “The Angry Blakc Woman and the trauma the stereotype has caused”, disponible sur https://medium.com/, publié le 7/2/2020
[11]  J.G. Assre, “ Overcoming the Angry Black Woman stereotype”, disponible sur https://www.forbes.com, publié le 31/5/2019


Kimberlé Crenshaw

Kimberlé Crenshaw

“ When feminism does not explicitly oppose racism, and when antiracism does not incorporate opposition to patriarchy, race and gender politics often end up being antagonistic to each other and both interests lose ”

Traduction : Lorsque le féminisme ne s’oppose pas explicitement au racisme, et lorsque l’antiracisme n’intègre pas l’opposition au patriarcat, les politiques de race et de genre finissent souvent par être antagonistes l’une de l’autre et les deux intérêts perdent

Kimberlé Crenshaw

The Ethics Centre, « Big Thinker: Kimberlé Crenshaw », The Ethics Centre, disponible 19 octobre 2022, https://ethics.org.au/big-thinker-kimberle-crenshaw/

Femme féministe, avocate, professeure d’université et militante pour les droits humains.

Elle commence ses études universitaires en 1981 avec un bachelier en gouvernement et études africaines à Cornell. Elle poursuit avec l’équivalent d’un master en droit à Harvard en 1984 et à la Wisconsin Law School en 1985. En 1986 elle devient professeure à la faculté de droit de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et à la Columbia Law School. C’est dans cette même université que 9 ans plus tard elle fonde le Centre d’Etude pour l’Intersectionnalité et les Politiques Sociales (Center for Intersectionnality and Social Policy Studies)(1).

  • 1989: Elle crée le concept d’intersectionnalité et la théorie critique de la race (Critical race theory).

Elle définit l’intersectionnalité dans « Demarginalizing the intersection of Race and Sex ». Elle critique les lois anti-discriminations des USA qui ne couvrent que le sexisme ou le racisme. Selon son analyse, les femmes noires subissent dans le monde professionnel une double discrimination — raciale et sexiste — qui est souvent non reconnue par les tribunaux (2).

Selon Kimberle Crenshaw, la théorie critique de la race vise le fait que la loi et les institutions juridiques sont racistes. De même que la race est un concept socialement construit utilisé par les blancs pour promouvoir leurs intérêts économiques et politiques aux dépens des personnes racisées (ceci s’appelle le racisme scientifique).[a][b] En bref, l’inégalité raciale provient des différences sociales, économiques et juridiques que les blancs ont créées pour maintenir leurs intérêts sur le marché du travail et dans la politique, ce qui donne lieu à la pauvreté et à la criminalité (3).

  • 1996 : elle co-fonde le think tank African American Policy Forum qui soutient la recherche sur les violences perpétrées contre les femmes racisées aux USA. Le but est de faire bouger les questions de justice ethnique et genrée (4).
  • 2001 : Conférence des Nations Unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Elle rédige le document de référence sur la discrimination raciale et sexuelle pour la Conférence mondiale (5).
  • 2014 : elle créée la campagne #SayHerName sur Twitter. Ces tweets rassemblent des témoignages de violences policières contre des femmes. Ce mouvement se considère comme faisant partie du mouvement Black Lives Matter (6).
  • 2015: African American Policy Forum poursuit ses actions avec #BlackGirlsMatter : Pushed Out, Overpoliced, Underprotected. La campagne indique une série de recommandations aux politiques sociales des USA pour que les besoins spécifiques des petites filles noires soient pris en considération.
    La même année le magazine féministe américain Ms. Magazine la nomme la « féministe la plus inspirante » (7).

 

Sources

(1) Bertille G., « Kimberlé Crenshaw : la mère de l’intersectionnalité », Feminists in the City, disponible sur https://www.feministsinthecity.com/blog/kimberle-crenshaw-intersectionnalite, 24 septembre 2019.; Laugier S., « Kimberlé Crenshaw, la juriste qui a inventé "l’intersectionnalité" », BiblioOBS, disponible sur https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20190109.OBS8245/kimberle-crenshaw-la-juriste-qui-a-invente-l-intersectionnalite.html, 09 janvier 2019.
(2) Janssen B., “ Intersectionnalité : de la théorie à la pratique”, disponible sur www.cepag.be, novembre 2017, pp. 2-3.
(3) Curry T., "Critical race theory", Encyclopedia Britannica, disponible sur https://www.britannica.com/topic/critical-race-theory, 28 Mai 2020.
(4) Bertille G. & Laugier S.
(5) « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », disponible sur https://www.un.org/french/WCAR/, 2001.
(6) Blanchard D. et Mehta J., “Say Her Name: How The Fight For Racial Justice Can Be More Inclusive Of Black Women”, NPR, disponible sur npr.org/sections/live-updates-protests-for-racial-justice/2020/07/07/888498009/say-her-name-how-the-fight-for-racial-justice-can-be-more-inclusive-of-black-wom?t=1614688821873, Juillet 2020.
(7) Bertille G.

[a]Source après ce statement, plusieurs seraient idéales étant donné que c'est une assomption forte, et beaucoup risquent de se sentir attaqués par cette phrase
[b]ça s'appelle le "scientific racism" et ça remonte au 19e siècle... Que les fragiles se pointent, je les attends !
L’intersectionnalité, c’est quoi?

L’intersectionnalité, c’est quoi?

Cela fait maintenant presque un mois que nous vous parlons de l’intersectionnalité. Tel que vous l’aurez compris, il s’agit d’un concept englobant plusieurs discriminations. Mais d’où vient cette notion ? Pourquoi est-il important de parler d’intersectionnalité dans notre société? Dans cet article nous vous expliquons de manière brève ses différents axes, son origine ainsi que son importance.

Aux origines de l’intersectionnalité

“L’intersectionnalité est une sensibilité analytique, une façon de penser l’identité dans sa relation au pouvoir.” Kimberlé Crenshaw

Le terme « intersectionnalité » apparaît en 1989 et est créé par la juriste et militante américaine Kimberlé Crenshaw. Elle introduit ce concept dans un article juridique, “Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics ”, dans lequel elle analyse la jurisprudence américaine .[1] Dans son article, Crenshaw démontre que les juges américains refusent de reconnaître l’existence d’une double discrimination à l’égard des femmes noires. En effet, les femmes noires sont confrontées, dans le monde du travail, à une discrimination de genre (par rapport à leurs homologues masculins) et à une discrimination raciale (par rapport aux autres femmes) [2].

Or, aux Etats-Unis les femmes devaient choisir le fondement de discrimination sur lequel elles se basaient pour porter plainte. Elles devaient choisir entre la “race” ou le « sexe » sans pouvoir combiner les deux. Mais la combinaison de ces deux discriminations était nécessaire pour les femmes noires qui ne sont pas discriminées uniquement comme femmes, ni comme noires mais comme femme noire [2].

Si le terme « intersectionnalité » a été inventé et théorisé par Crenshaw, la réalité couverte par cette notion a un ancrage historique. En effet, les multiples oppressions subies par les femmes noires remontent au temps de l’esclavage et de la ségrégation.

Ainsi, en 1851, lors d’une convention pour les droits des femmes en Ohio dans laquelle le droit de vote des femmes était débattu, Sojourner Truth (esclave émancipée) avait pris la parole. Certains hommes avançaient l’idée que les femmes étaient bien trop faibles et oisives pour acquérir ce droit. Sojourner Truth avait alors crié « Ne suis-je pas une femme ?». Ancienne esclave, elle considérait qu’elle avait effectué les mêmes tâches que les hommes dans les champs, avait souffert autant qu’eux, et ne comprenait pas comment les hommes blancs pouvaient émettre de tels propos [3]. Pour la première fois, elle remet en cause la “norme féminine “ qui se base sur le modèle de la femme blanche issue de la classe moyenne.

L’intervention de Sojourner Truth est considérée par plusieurs, dont Bell Hooks ( figure américaine du Black Feminism), comme étant la première apparition de la notion d’intersectionnalité [3].
Par le biais du Black feminism (afro-féminisme), mouvement émergeant dans les années 70, les femmes décrivent déjà, à cette époque, les situations injustes qui résultent des nombreuses dominations dont elles sont victimes [1].

Les trois grandes luttes

Une lutte contre le racisme

Le racisme est une conception sociale selon laquelle la civilisation pourrait être catégorisée selon la race, les gènes. Cette conception de la “ prétendue race” est le fruit de l’histoire – les conquêtes coloniales et l’immigration – et a incité les “scientifiques” de l’époque, hélas, à catégoriser les populations entre elles. Bien évidemment, ce terme est un mythe social car aucun classement génétique n’est faisable (et surtout … pertinent). [6] D’ailleurs après la Seconde Guerre Mondiale, l’UNESCO a demandé qu’on évacue le terme “race” pour employer le terme “groupe ethnique”.

Lutter contre le racisme prend différentes formes ; le travail de Racism Search est justement de se battre, entre autres, contre les stéréotypes et de décoloniser les esprits.

Une lutte contre le patriarcat

Comme on le sait, lutter contre le patriarcat a longtemps été présenté comme l’essence du féminisme, sous lequel de nombreux sous-mouvements coexistent. Le féminisme est un mouvement social et une doctrine politique qui se bat contre les injustices systématiques basées sur le genre. En général, c’est contre le patriarcat – la domination du sexe masculin sur le sexe féminin- que ces mouvements luttent. Le concept “patriarcat” représente cette domination masculine, mais également les stéréotypes genrés produits par cette domination qui, à leur tour, créent des discriminations et catégorisent les individus dans des rôles et des fonctions genrées.[4]

Un petit mot sur le féminisme intersectionnel : Le féminisme que l’on nomme intersectionnel permet de ne pas tomber dans le “féminisme blanc” et étudie le croisement des différentes oppressions [5]. En effet, toutes les femmes à travers le monde vivent des situations différentes. Penser que les femmes “blanches” et occidentales connaissent la définition culturelle de ce qu’est le réel féminisme est un leurre.

Une lutte contre le capitalisme

Le capitalisme, ce mot que l’on entend dans tous les médias et dans toutes les bouches, représente un système économique qui se fonde sur la propriété privée des moyens de production. Le terme est apparu au 18ème siècle dans les domaines économique et politique; il s’est vu critiqué, principalement, par le “fameux” Karl Marx [7]. Aujourd’hui encore, le capitalisme vit une crise d’ordre économique mondiale, écologique et de légitimité démocratique [8]. Penser une société qui sort du capitalisme, c’est d’abord repenser la répartition des ressources et la place de l’individu dans la collectivité. D’un point de vue plus social, il s’agit de trouver des solutions pour s’émanciper de la catégorisation de la société en classe sociale [9].

L’émergence de la notion en Europe

L’intersectionnalité s’est développée tardivement en Europe, et présentait un angle différent. En effet, le féminisme créé dans les années 70 bénéficie uniquement à la lutte des femmes de la classe moyennes supérieures [10].

L’idée d’un intersection entre différentes oppressions a été officiellement présentée en 1995 durant la Quatrième conférence sur les femmes organisée par les Nations Unies. Elle s’est concrétisée notamment par le discours prononcé par Crenshaw pendant la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance quelques années plus tard. [11] Néanmoins, force est de constater que l’intersectionnalité, en Europe, est marquée par une exclusion de la question raciale [12]. Ainsi, à titre illustratif, bien que les féministes racialisées combattaient les idéologies intersectionnelles en France depuis la fin du XXe siècle, il est considéré de manière générale que la pensée féministe noire était “inexistante” jusqu’en 2008 et n’a été introduit qu’à la suite de la traduction des écrits féministes afro-américaines.[13]

Il est à noter que l’Europe a introduit d’autres d’oppressions qui n’étaient pas ou peu abordées dans les premiers écrits provenant des Etats-Unies. Le concept d’intersectionnalité s’est notamment étendu afin de couvrir la discrimination fondée sur la classe sociale. Néanmoins, en ajoutant ce critère à la notion d’intersection, les questions raciales ont été placées au second plan dans les mouvements européens. [14]

Ces dernières années, nous avons constaté une émergence de mouvements de lutte contre les discriminations intersectionnelles et la création de diverses structures. Par exemple, l’association belge AWSA ou l’association française Lallab ont une vocation féministe et antiraciste [15].

Sources :

 

[1] De Liamchine, S., “ féminisme intersectionnel, le point de discorde”, disponible sur www.agirpalaculture.be ,publié le 24 mars 2020.
[2]Faure, S., “ Intersectionnalité ( nom) : concept viant à révéler la pluralité des discriminations de claasse, de sexe et de race”, disponible sur www.libération.fr, publié le 2 juillet 2015.
[3]Brouze, E.,” “ Ne suis-je pas une femme ?” (Re)déouverte de Sojourner Truth ”,disponible sur www.nouvelobs.com, publié le 02 novembre 2018.
[4] De Mond N, “Origine et nature du patriarcat- Une vision féministe”, disponible sur https://www.cahiersdusocialisme.org, publié le 9 juillet 2013
[5] Regroupement des groupes de femme de la Capitale-National (Portneu-Québec-Charlevoix), “Courants du féminisme”, disponible sur http://www.rgfcn.org/que-faisons-nous/, consulté le 19 mars 202.
[6] Birenbaum G, “Une seule race, l’humanité”, disponible sur https://www.huffingtonpost.fr/, publié le 6 octobre 2016
[7] JDN, “Capitalisme définition, traduction”, disponible sur https://www.journaldunet.fr, publié le 1 février 2019
[8] Galichon, A., et Tibi, P., « Le capitalisme est mort, vive le capitalisme », Les Temps Modernes, vol. 655, no. 4, 2009, p. 24, 35 et 40 à 42.
[9] Salem S, “Les racines radicales de l'intersectionnalité", disponible sur https://lavamedia.be, publié le 12 juillet 2018
[10] Bouchat, C., “Classe, race et genre : l’intersectionnalité dans le féminisme”, disponible sur www.justicepaix.be, publié le 27 mars 2020
[11] (Bilge, S., « Le blanchiment de l’intersectionnalité », Recherches féministes, vol. 28, n°2, 2015, p. 10 et 11).
[12] op cit, p.20-21
[13] op cit, p.21
[14] (Jaunait, A., Chauvin, S., « Représenter l'intersection. Les théories de l'intersectionnalité à l'épreuve des sciences sociales », Revue française de science politique, vol. vol. 62, no. 1, 2012, p. 12).
[15] Aytaçoglu, Ö., “Intersectionalité des discriminations en Europe”, disponible sur www.pourlasolidarité.eu, publié en juin 2018