par nausicaa | Mar 30, 2024 | Articles, Discrimination, Legal Text For All, Uncategorized
Ensemble, nous avons notamment passé en revue ce qu’était la discrimination dans le domaine de l’emploi. A présent, nous avons décidé de mettre l’accent sur la discrimination dans un autre domaine en particulier : l’enseignement.
En 2004, un rapport pour la Commission européenne montrait que les discriminations sont bien moins nombreuses dans le monde éducatif que dans les champs de l’emploi et du logement. Néanmoins, dans le domaine de l’enseignement, on se trouve davantage face à des formes de discriminations indirectes et d’oppressions systémiques participant à la reproduction des inégalités.
Pourtant, l’éducation a des répercussions tout au long de la vie des personnes. Ainsi, l’école devient souvent le premier lieu de discrimination : on ne naît pas « Noir » ou « Maghrébin », mais on le devient souvent à travers l’expérience des rapports sociaux à l’école où le regard ethnicisant est mal vécu. Les « majoritaires » attribuent l’identité ethnique aux « minoritaires » et ce, dès le plus jeune âge.
L’école reproduit des inégalités sociales qu’elle n’arrive pas à modifier. De façon consciente ou non, les choix – pédagogiques ou non – de certains enseignants vont défavoriser certaines populations. Ce sont généralement des discriminations difficilement perceptibles car elles ne sont pas intentionnelles et que leurs effets se font plutôt sentir à long terme et non pas de façon imminente.
Comment les discriminations à l’école se matérialisent-elles ?
Souvent, il s’avère que les enfants migrants et ou provenant de minorités ethniques sont dans des classes de niveau inférieur à leur âge, notamment à cause des difficultés linguistiques. Ces mêmes enfants sont souvent orientés vers l’enseignement professionnel et technique ou encore regroupés dans ce qu’on appelle des « écoles-ghettos ».
Une enquête menée par la VUB et l’Université de Gand révèle que les enfants de maternelle sont souvent discriminés par les écoles flamandes sur base de leur nom ou de leur origine. Les parents d’origine étrangère ont ainsi jusqu’à 30% de chance en moins d’être invités à inscrire leur enfants. Les parents plus précarisés sont également moins souvent appelés par les écoles.
Finalement, on voit que le soi-disant “libre-choix” des écoles par les parents est foncièrement inégalitaire. De telles situations mènent inévitablement à la formation de ce qu’on appelle les « écoles-ghettos ». Par ailleurs, une réussite scolaire moindre des enfants de familles immigrées est avérée (OCDE, 2012). Leurs taux d’exclusion ou d’abandons scolaires sont également plus élevés.
Pourtant, “ L’éducation est non seulement un droit, mais c’est aussi un droit qui rend possible d’autres droits et favorise une insertion sociale et économique réussie” (cf. le rapport How fair is Britain? de Equality and Human Rights Commission, 2010). On voit donc à quel point une situation de discrimination à l’école peut favoriser l’émergence de futures discriminations chez l’individu initialement discriminé. C’est un cycle vicieux.
L’oppression systémique
L’oppression systémique est favorisée par le système institutionnel, par des habitudes et des usages ancrés, sans qu’il y ait nécessairement une intention de discriminer.
Le caractère systémique signifie qu’il ne s’agit pas d’actes isolés et individuels mais de comportements répétés et structurels. En fait, c’est l’organisation tout entière de la société qui reproduit les inégalités. Cette oppression se reflète plutôt à travers des problèmes récurrents et répandus, des politiques et pratiques institutionnelles qui excluent des personnes et des injustices dans plusieurs facettes de la société et à travers plusieurs générations.
L’oppression systémique et l’arsenal juridique belge
Tout d’abord, le concept d’oppression systémique n’apparaît pas, en tant que tel, dans le domaine juridique belge. De ce fait, la problématique est traitée en passant par le concept de discrimination.
Cependant, la discrimination vise un phénomène individuel, ce qui nous fait passer à côté du caractère institutionnel et structurel de l’oppression systémique.
Ceci pose inévitablement problème car une discrimination, évaluée de façon individuelle, ne permet pas de mettre en lumière un problème systémique.
Notons que le concept de discriminations systémiques est reconnu au Canada et aux Etats-Unis, mais toujours pas en France et en Belgique. Il est certain que la reconnaissance, au sein du droit positif belge, de la discrimination systémique couplée à des actions visant à rendre l’école davantage inclusive et à sensibiliser les établissements et les enseignants, permettrait de réduire les discriminations vécues par de nombreux élèves.
L’ISEF, ça te dit quelque chose?
L’ISEF est l’acronyme de l’Indice Socio-Économique Faible. Il s’agit d’un mécanisme créé par le gouvernement de la Communauté Française en 2009, en vue de classifier les écoles primaires situées dans une zone socio-économique précarisée.Chaque année, des milliers de parents se vouent à une lutte sans merci pour inscrire leur enfant dans l’école idéale. Certains se satisfont automatiquement de leur deuxième ou troisième choix pensant n’avoir aucune chance par faute de moyens.
L’ISEF agit comme critère de distinction des candidatures lors de la phase d’inscription dans une école secondaire. Dès lors, il permet aux enfants sortant d’une école ISEF, d’être prioritaires. Ainsi, une école secondaire réputée d’Uccle se doit de prévoir 20.4% de sa capacité aux étudiants ISEF. Il ne reste donc qu’aux parents d’oser candidater auprès de l’école de leur choix. Mais le constat est clair : peu connaissent l’existence de l’ISEF. Et comme l’explique Michel Parys, co-président de la régionale bruxelloise de l’UFAPEC, c’est l’inverse qui se produit. En effet, les parents souhaitant naturellement la meilleure formation pour leur enfant, choisissent bien souvent de l’inscrire au sein d’une école primaire loin de leur quartier précarisé, dans des écoles non ISEF.
Cet indice soulève de nombreuses questions : qu’en est-il des enfants défavorisés ne poursuivant pas leur scolarité dans une école comprise dans une zone classée ISEF ? Sommes-nous au constat que les enfants de familles défavorisées doivent rester entre eux pour être pris en compte ? Enfin, L’ISEF fonctionne sur une base géographique. Pourquoi ne s’exerce-t-il pas selon une analyse particulière des moyens du ménage et de sa composition, comme tel est le cas pour le droit au Revenu d’Intégration Sociale ? Reste à voir ce que la réforme du décret Inscription entrant en vigueur en février 2022 réserve à l’ISEF.
Dico juridique
- Discrimination directe et indirecte: Situation dans laquelle une norme, une système ou une pratique paraissant neutre désavantagerait particulièrement des personnes par rapport à d’autres, pour des motifs prohibés, comme l’ethnie, sauf si cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime.
- Ecole-ghettos: École au sein desquelles, les élèves, provenant de même groupes ethniques sont, sous l’influence et la pression sociale à l’égard de leur communauté, isolés du reste de la société.
- OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques
- Droit positif belge: L’ensemble des règles juridiques belges applicables
Sources
1.Thibert, “discriminations et inégalité à l’école”, disponible sur https://edupass.hypotheses.org/120#A3 publié le 2 février 2014
2. Matthis pour Femmes de droit, “Oppression systémique”, disponible sur https://femmesdedroit.be/informations-juridiques/abecedaire/oppression-systemique/ publié le 19 janvier 2021
3. RTBF, “Le gouvernement francophone adopte les balises du nouveau décret inscriptions”, disponible sur https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-gouvernement-francophone-adopte-les-balises-du-nouveau-decret-inscriptions?id=10598241 publié le 1 octobre 2020
4. https://inforjeunes.eu/cachez-cet-isef-que-je-ne-saurais-nommer/
5. https://www.lalibre.be/belgique/2013/03/23/des-ecoles-ghettos-FI5ABHDL3VCZZHL2HBTZLJZG6Q/
6. de Villers et C. Desagher, “L’indice socio-économique des écoles Comment ça marche ? A quoi ça sert ?”, disponible sur https://www.fapeo.be/wp-content/analyses/analyses_2011/ISEF.pdf publié pour l’année 2011
par Cyril Martin | Jan 16, 2024 | Articles, Belgique, Legal Text For All
Les discriminations subies par les personnes en séjour irrégulier
Nous allons aborder le thématique de la discrimination sous un angle quelque peu différent, en partant d’un public-cible, bien spécifique : les personnes qui sont sans papiers, c’est-à-dire les personnes en séjour irrégulier.
A noter que l’on préfèrera l’expression de personnes en séjour « irrégulier » qu’en séjour « illégal », au vu de la connotation péjorative qui entoure la notion d’illégalité.
La situation des personnes en séjour irrégulier en Belgique
En Belgique, on estime à 1000.000 le nombre de personnes vivant en situation de séjour irrégulier [1].
Parmi ces personnes, certaines ont énormément de points d’accroche avec la Belgique : certaines y sont nées y ont suivi une partie ou l’entièreté de leur parcours scolaire ou encore ont des arrivants qui vont à l’école. Beaucoup sont intégrées depuis des années, travaillent, ont des amis et de la famille en Belgique et y ont tout simplement construit leur vie. Pourtant, si tous ces éléments nous font penser à n’importe quel citoyen belge lambda, les personnes sans-papiers vivent une réalité totalement différentes des personnes en séjour régulier. Car comme l’énonce le Ciré, une ASBL de lutte pour les droits des personnes exilées : « être sans papiers, c’est mener une existence précaire et subir des discriminations continuelles » [2].
Les discriminations subies par les sans-papiers sont nombreuses. Ne pouvant travailler qu’au noir, les personnes en séjour irrégulier sont très souvent exploitées par un « employeur » se trouvant en situation de dominance. Les sans-papiers sont victimes de marchands de sommeil, qui profitent de la situation précaire des sans-papiers pour leur proposer des habitations vétustes voire délabrées à des prix exorbitants.
Plus encore, les sans-papiers ayant toujours la crainte d’être arrêtés ou expulsés et n’ayant pas toujours la possibilité de s’informer correctement, ne font pas appel à des services essentiels tels que ceux de la santé ou de la justice. Ainsi, ils portent rarement plainte, ne vont pas chez le médecin ou même à l’école [1] [3].
Finalement, l’on voit que les droits les plus fondamentaux des sans-papiers ne jouissent pas des mêmes garanties que ceux des citoyens belges. Même dans le cadre d’une régularisation, certaines discriminations sont subies.
La politique de régularisation belge : la régularisation sur base des articles 9bis et 9ter
Pour pouvoir être régularisés en Belgique, cela peut se faire de deux façons différentes : soit via une régularisation individuelle, soit via une régularisation dite « collective », ce qu’on appelle également « une vague de régularisation ». Abordons, premièrement, la régularisation individuelle : elle se fait sur base de la loi du 15 décembre 1980. Pour pouvoir être régularisé, il faut répondre soit au prescrit de l’article 9 bis, soit de l’article 9ter. L’article 9ter permet à un étranger de demander l’autorisation de séjour s’il « dispose d’un document d’identité et souffre d’une maladie dans un état tel qu’elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu’ik n’existe aucun traitement adéquat dans son pays d’origine ou dans le pays où il séjourne ». Cet article permet donc d’introduire une demande de régularisation pour motif médical auprès de l’Office des étrangers [4].
Néanmoins, au vu des strictes balises contenues dans l’article 9ter et de l’appréciation souvent trop stricte de la gravité de la maladie par l’administration, peu de demandes sont acceptées pour ce motif [5]. L’article 9bis permet, quant à lui, à un étranger de demander une autorisation de séjour « Lors de circonstances exceptionnelles et à la condition que l’étranger dispose d’un document d’identité ».
Cet article pose un problème fondamental : il ne contient aucun critère clair et objectif sur lesquels fonder une décision de régularisation. Ainsi, l’administration a un très large pouvoir discrétionnaire d’interpréter comme bon lui semble la notion « circonstances exceptionnelles ».
La politique de régularisation belge : la régularisation collective
A côté de la régularisation individuelle sur base des articles 9bis et 9ter de la loi du 15 décembre 1980, il y a ce qu’on appelle la régularisation collective, qui est une décision du gouvernement d’accorder un droit de séjour à des étrangers à un moment T. Des critères de régularisation sont alors fixés de façon temporaire. En Belgique, il y a eu deux grandes vagues de régularisation qui sont intervenues en 1999 et en 2009. Si l’on peut se réjouir du fait que les étrangers présents sur le territoire en 1999 et en 2009 aient pu obtenir un titre de séjour, ces régularisations se sont également faites au détriment des personnes en situation de séjour irrégulier n’étant pas encore présentes sur le territoire. Cette situation crée une sorte de discrimination temporelle car la régularisation des sans-papiers repose exclusivement sur le hasard ! [6]
Ainsi, ceux qui ont « la chance » de se trouver sur le territoire au moment où le gouvernement décide d’entamer une vague de régularisation se voient conférer un titre de séjour. De façon injuste, ceux qui ne se trouvent pas encore sur le territoire ou ceux qui viennent de partir volontairement chez eux, renonçant à leur rêve de rester vivre en Belgique, n’ont pas ce privilège.
Comment combler les lacunes de la politique migratoire belge ?
L’ISEF est l’acronyme de l’Indice Socio-Economique Faibles. Il s’agit d’un mécanisme créé par le gouvernement de la Communauté Française en 2009, en vue de classifier les écoles primaires situées dans une zone socio-économique précarisée.
Chaque année, des milliers de parents se vouent à une lutte sans merci pour inscrire leur enfant dans l’école idéale. Certains se satisfont automatiquement de leur deuxième ou troisième choix pensant n’avoir aucune chance par faute de moyens.
L’ISEF agit comme critère de distinction des candidatures lors de la phase d’inscription dans une école secondaire. Dès lors, il permet aux enfants sortant d’une école ISEF, d’être prioritaires. Ainsi, une école secondaire réputée d’Uccle se doit de prévoir 20,4% de sa capacité aux étudiants ISEF. Il ne reste donc qu’aux parents d’oser candidater auprès de ‘l’école de leur choix. Mais le constat est clair : peu connaissent l’existence de l’ISEF. Et comme l’explique Michel Parys, co-président de la régionale bruxelloise de l’UFAPEC, c’est l’inverse qui se produit. En effet, les parents souhaitant naturellement la meilleure formation pour leur enfant, choisissent bien souvent de l’inscrire au sein d’une école primaire loin de leur quartier précarisé, dans des écoles non ISEF.
Sources
[1] ASBL Ciré, « 110 000 une estimation du nombre d’étrangers en situation irrégulière en Belgique », disponible sur https://www.cire.be/le-chiffre-110-000-une-estimation-du-nombre-d-etrangers-en-situation-irreguliere-en-belgique/
[2] ASBL Ciré , « Sans-papiers, avec critères ! », disponible sur https://www.cire.be/chronique-sans-papiers-avec-criteres/
[3] « Proposition de loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en vue d’y insérer des critères clairs, justes et précis de régularisation pour les personnes en situation de séjour irrégulier sur le territoire du Royaume et instituant une Commission indépendante de régularisation », disponible sur https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/1415/55K1415001.pdf
[4] Medimmigrant, « Autorisation de séjour pour raisons médicales (art. 9ter) », disponible sur https://medimmigrant.be/fr/infos/sejour-ou-retour-en-cas-de-maladie/autorisation-de-sejour-pour-raisons-medicales-art-9ter
[5] ADDE, Livre blanc sur l’autorisation de séjour pour raisons médicales (9ter)
[6] Wavreille Aime, « Régularisation des sans-papiers : des critères trop flous et trop arbitraire ? », la RTBF, disponible sur https://www.rtbf.be/article/regularisation-des-sans-papiers-des-criteres-trop-flous-et-trop-darbitraire-10780959
par Cyril Martin | Jan 16, 2024 | Articles, Droits, Legal Text For All
Traitement différencié de personnes déplacées arrivant sur le territoire européen : les Ukrainiens et les autres

Comment l’UE soutient l’Ukraine en 2023 | Actualité | Parlement européen (europa.eu)
Introduction
En droit international, il existe de manière générale une protection de tou.te.s les réfugié.e.s offerte par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (dite convention de Genève). Cette Convention oblige les États signataires à accueillir toute personne fuyant la guerre.
Dans le cadre du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie ,1 instrument spécifique a cependant été utilisé en Europe la Directive 2001/55/CE, connue sous le nom de directive de protection temporaire.
Qu’est-ce que c’est ?
La directive de protection temporaire a été créée en 2001 après les conflits dans les Balkans et a été transposée en droit belge par la loi du 18 février 2003 [1].
Elle a la particularité de ne pouvoir être appliquée que par une décision de Conseil de l’Union Européenne à la majorité qualifiée de ses membres et sur proposition de la Commission.
Cette directive européenne n’avait jamais été mise en œuvre avant 2022 et l’arrivée des réfugié.e.s ukrainien.ne.s fuyant le conflit entre l’Ukraine et la Russie sur le sol européen.
Qu’est-ce que cette directive prévoit ?
Cette directive apporte une protection immédiate et temporaire aux personnes déplacées en cas d’afflux massif sur le territoire européen, leur offrant plus d’avantages qu’aux personnes arrivant sur le sol européen en d’autres circonstances. Ces différents avantages s’appliquent aux ressortissant.e.s ukrainien.ne.s ainsi qu’aux membres de leur famille, aux apatrides et aux ressortissant.e.s de pays tiers auxquels l’Ukraine a octroyé la protection internationale ou nationale. Les personne considérées comme « étant en séjour légal » en Ukraine sont donc visées par cette directive, à l’inverse de celles qui ne le sont pas.
Concrètement la protection temporaire prévue par la directive se traduit par un titre de séjour dans l’Etat membre qui est valable pendant toute la durée de la protection. Les personnes pourront ainsi travailler, accéder à l’enseignement, recevoir un logement approprié ainsi qu’une aide sociale et financière, ou encore des soins médicaux.
Grâce à cette protection immédiate, ces personnes évitent de lourdes procédures administratives. Il ne faut en effet plus que les réfugiés ukrainien.ne.s introduisent individuellement une demande de protection internationale ou subsidiaire : la protection temporaire et tous les avantages qu’elle inclut lors sont octroyés par le simple fait qu’ils fuient le conflit armé.
Cependant, cette protection est temporaire : elle s’applique pour un an seulement et ne peut être prolongée que pour 2 ans au maximum. Le Conseil de l’Union Européenne peut également mettre fin à la protection s’il estime que les personnes sont en mesure de retourner dans leur pays d’origine de manière sûre.
Quel(s) problème(s) cela pose-t-il ?
Bien que cette directive existe depuis 2001, le Conseil de l’Union Européenne l’a adopté pour la première fois le 3 mars 2022. La protection prévue par la directive a donc été activée pour la première fois dans le cadre du conflit entre la Russie et l’Ukraine et pour répondre à l’avis de personnes ukrainiennes sur le territoire européen.
Or, la mise en œuvre de cette directive aurait pu être précieuse lors de bien d’autres afflux de personnes déplacées ayant précédemment eu lieu sur le sol européen. Son activation avait d’ailleurs déjà été sollicitée.
En 2011, deux États membres, l’Italie et Malte, ont demandé à la Commission européenne l’activation de la directive. Aucune suite n’a pourtant été donnée à cette demande.
Lors des importants flux migratoires de 2015 et 2016, le Parlement européen a adopté deux résolutions appelant la Commission et le Conseil de l’Union européenne à mettre en œuvre la même directive.
En guise de réponse, la Commission publie un rapport d’analyse mettant en avant une définition très large des termes « arrivée massive ». Aucune suite n’avait été donnée à cela et la Commission avait ainsi décidé de ne pas enclencher le processus de mise en œuvre.
De façon paradoxale, cette directive a été conçue dans un objectif de rapidité et de réactivité, pour éviter le surchargement administratif que subissent les structures d’accueil lors d’arrivées massives de personnes déplacées. Cet objectif ne peut cependant être atteint que moyennant un accord entre les différents Etats et après une procédure d’activation complexe au niveau des institutions européennes.
De plus, la Commission européenne et les États membres de l’Union n’ont jamais vu d’utilité à exploiter cet instrument. Cette directive n’a en effet pas été placée comme un instrument à utiliser en priorité mais la Commission européenne et les États membres ont préféré mettre en œuvre des mécanismes alternatifs, tels que le régime d’asile européen commun ou de soutien financier aux diverses agences européennes, privilégiant un système de relocalisation tel que prévu dans le règlement Dublin III.

Ces solutions alternatives et la difficulté d’activation de la directive ont abouti à la non mise en œuvre de cette directive ce qui témoigne d’un manque de volonté politique à l’utiliser pour les afflux migratoires sur le territoire de l’Union.
De ses choix politiques, il résulte un traitement différencié des personnes migrantes arrivant sur le territoire européen des dernières décennies. Les Ukrainien.ne.s ont en effet bénéficié d’un accueil plus favorable que les personnes en provenance des pays non-européens.
Pourquoi l’activation de la Directive Protection temporaire a-t-elle tout à coup été possible ? Pourquoi aussi rapidement ? Pourquoi cet afflux d’Ukrainien.ne.s a-t-il été considéré par la Commission européenne comme une « arrivée massive » tandis que cela n’a pas été le cas lors des afflux en 2015 provenant du Moyen-Orient ?
À titre indicatif, nous savons que des cas de discriminations ont été recensé aux frontières polonaises, où des personnes en provenance d’Afrique ont été refoulées pour donner priorité à des personnes ukrainiennes. Cette discrimination commence même parfois dès la frontière ukrainienne, frontière à laquelle certains gardes-frontière ukrainiens ont empêché les personnes noires de traverser la frontière pour donner priorité aux personnes ukrainiennes blanches.
Dès lors, pouvons-nous penser que les justifications politiques ont auparavant empêché les États membres et l’Union européenne de prendre la décision activée la directive protection temporaire témoigne d’un certain racisme de l’Europe envers les réfugiés non-européens ?
Même si nous nous réjouissons de l’activation de cette directive, il faut reconnaître qu’elle aurait pu être particulièrement utile lors de bien d’autres afflux migratoires ayant eu lieu en Europe depuis 2001. Nous encourageons bien évidemment la rapidité et l’efficacité de l’accueil qui a été fait aux réfugiés ukrainiens, mais il faut également encourager à continuer de lutter pour que cet accueil puisse être possible pour tous les réfugié.e.s.
Sources
[1] loi du 18 février 2003 disponible sur https://etaamb.openjustice.be/fr/loi-du-18-fevrier-2003_n2003000236.html
[2] https://www.cire.be/outil-pedagogique/le-reglement-dublin-quest-ce-que-cest-et-comment-ca-marche/#:~:text=Le%20but%20du%20R%C3%A8glement%20Dublin,plusieurs%20%C3%89tats%2C%20dont%20la%20Belgique.
UN General Assembly, Convention Relating to the Status of Refugees, 28 July 1951, United Nation, Treaty Series, vol. 189, p. 137, disponible sur https://www.refworld.org/docid:3be01b964.html
Global Citizen, “En Ukraine, des personnes noires dénoncent le racisme dont elles ont fait l’objet alors qu’elles tentent de fuir », publié le 28 février 2022, disponible sur https://www.globalcitizen.org/fr/content/racism-leave-ukraine-asylum-black-people-of-color/
CCFD Terre-Solidaire, « Ukraine : 5 questions autour de la directive de protection temporaire », publié le 25 mars 2022, disponible sur https://ccfd-terresolidaire.org/ukraine-5-questions-autour-de-la-directive-de-protection-temporaire/
Marine Buisson et Pierre-Yves Thienpont, « La double peine des étrangers qui fuient la guerre en Ukraine », Le Soir, publié le 28 février 2022, disponible sur https://www.lesoir.be/427141/article/2022-02-28/la-double-peine-des-etrangers-qui-fuient-la-guerre-en-ukraine
Forum Réfugiés, « Que prévoit la directive européenne de protection temporaire », publié le 8 avril 2020, disponible sur https://www.forumrefugies.org/s-informer/publications/articles-d-actualites/en-europe/681-que-prevoit-la-directive-europeenne-de-protection-temporaire
par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Belgique, Droits, Legal Text For All
As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés?
Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.
Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

Sur base de ce schéma, l’Article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination.
En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.
En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…
La Constitution belge
Contenu et contexte historique :
L’Article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.
Qui peut invoquer l’Article 11 de la Constitution ?
- L’Article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.
P.S. : Dans le dernier slide, tu retrouveras un petit dico des mots pointés en gras
La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act)
Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme.
Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité.
La loi antiracisme va protéger les personnes victimes de :
- discrimination directe
- discrimination indirecte
- injonction de discriminer
- harcèlement
Le savais-tu ?
Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensible que ce que l’Union Européenne demandait.
- On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
- La Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”.
En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.
Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres
Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.
La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe).
Les deux lois interdisent :
- la discrimination directe
- la discrimination indirecte
- l’injonction de discriminer
- le harcèlement
- le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
- un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Le savais-tu ?
Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres vu qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.
Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est mysogine, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les trois lois que nous venons d’expliciter.
– Dico juridique –
- Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi.
Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.
- Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences.
Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.
- Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
- Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
- Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).
Sources
par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Débat, Droits, Général, Legal Text For All
par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Discrimination, Legal Text For All