par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Droits, Legal Text For All
Introduction
Ces dernières années, le port du voile a fait l’objet de nombreux débats houleux et d’attaques à répétition.Ces dites attaques sont souvent synonymes d’islamophobie, qui plus est, sous une forme genrée.
Entre droit à la liberté de religion, vivre-ensemble et discrimination, nous te proposons d’analyser deux arrêts de Cour de Justice de l’Union européenne.
La vision de la laïcité consacrée en 2017 par la CJUE dans les arrêts Achbita et Bougnaoui est directement inspirée du modèle français, dont la laïcité a souvent pris une tournure ambitieuse et envahissante au cours des trente dernières années.
Faits de l’affaire Achbita
En 2003, Madame Achbita a commencé à travailler comme réceptionniste au sein de la société G4S, société de gardiennage. A cette époque, une règle non-écrite prônait que les travailleurs ne pouvaient pas porter, sur leur lieu de travail, des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses.
En 2006, elle fait savoir à ses employeurs qu’elle compte porter le voile, mais ceux-ci lui informent que c’est contraire au principe de neutralité applicable dans cette entreprise. Quelques mois après, l’entreprise modifie son règlement intérieur et y inscrit la clause selon laquelle : « il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ».
Le 12 juin 2006, Madame Achbita est licenciée en raison du port de son voile, en tant que musulmane, sur son lieu de travail. Elle décida de porter plainte et fut soutenue par Unia dans ses démarches.
Après une longue procédure devant les tribunaux belges, la Cour de Cassation décide de surseoir à statuer* pour poser une question à la Cour de justice de l’Union européenne*. Cette question est la suivante : « l’interdiction de porter un foulard en tant que musulmane sur le lieu de travail ne constitue pas une discrimination directe lorsque la règle en vigueur chez l’employeur interdit à tous les travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes extérieurs de convictions politiques, philosophiques ou religieuses ? »
Conclusion de la Cour
Il est donc demandé à la Cour d’établir si cette interdiction constitue une discrimination directe. Dans un premier temps, elle va devoir donner une définition du terme “religion” étant donné qu’on n’en retrouve pas dans la loi. Pour ce faire, elle se réfère aux considérants et aux traditions des Etats membres. Elle établit que la notion de religion couvre tant le forum internum, à savoir le fait d’avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse.
Ensuite, elle en vient donc à se poser la question posée par la Cour de cassation, à savoir si cette différence de traitement constitue une discrimination directe.
Elle conclut qu’il ne peut s’agir de telle discrimination car en traitant de manière identique tous les travailleurs de l’entreprise et en leur imposant, de manière générale et indifférenciée, notamment une neutralité vestimentaire s’opposant au port de tels signes, cela ne crée par de discrimination directement fondée sur la religion ou sur les convictions.
Elle ajoute, par contre, que la juridiction de renvoi*, bien qu’elle n’ait pas posé la question, puisse s’interroger sur la présence d’une discrimination indirecte. Il faut donc vérifier si l’obligation, en apparence neutre, n’aboutit pas, dans les faits, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données.
Toutefois, si cette mesure est justifiée par un objectif légitime et si les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, on ne pourrait conclure à une telle discrimination indirecte.
Dans un premier temps, la Cour dit que la volonté d’avoir une politique de neutralité dans l’entreprise est légitime car cela correspond à la liberté d’entreprise.
Ensuite, concernant le caractère approprié et nécessaire, la Cour donne quand même certains indices intéressants. Elle dit qu’il faut que la juridiction de renvoi vérifie s’il n’était pas possible de proposer un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec les clients et permettant ainsi d’apporter une autre solution au licenciement.
Faits de l’affaire Bougnaoui
Madame Bougnaoui a été engagée au sein de la société Micropole Univers en tant qu’ingénieure d’étude. Lors de son embauche, elle portait déjà le foulard mais on lui a dit qu’elle devrait peut-être le retirer dans ses contacts avec les clients.
Un client a indiqué qu’il se sentait gêné par ce port du foulard et s’est plaint directement à l’employeur de Madame Bougnaoui. Cet employeur la convoqua et lui demanda d’accepter les contraintes professionnelles et donc de ne pas porter le voile, ce à quoi elle répondit par la négative.
Par conséquent, il décide de la licencier pour faute grave. Suite à cela, Madame Bougnaoui décide de porter plainte pour licenciement à caractère discriminatoire. Elle est soutenue par l’Association de défense des droits de l’homme (ADDH).
Après une longue procédure devant les juridictions françaises, la Cour de Cassation française pose une question à la Cour de justice de l’Union européenne.
La question posée consiste à se demander si la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services de cette entreprise assurés par une travailleuse portant un foulard islamique constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante pour l’entreprise.
Conclusion de la Cour dans l’affaire Bougnaoui
La Cour estime que « la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante » et conclut donc sur une discrimination à l’égard de Me Bougnaoui.
Elle établit néanmoins qu’une entreprise peut très bien adopter une politique générale de neutralité qui prohibe le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, mais sous certaines conditions. Ainsi, une telle politique doit être poursuivie de façon indifférenciée et doit s’appliquer de la même manière à tous les travailleurs. La Cour estime donc que le règlement intérieur d’une entreprise peut prévoir l’interdiction du port visible de signes politiques, philosophiques ou religieux. Rappelons que dans cette affaire, il n’y a pas de règlement intérieur, c’est une demande orale de l’employeur envers Me Bougnaoui qui ne permet pas de savoir s’il s’agit d’une règle de neutralité établie à l’égard de tout le personnel, raison pour laquelle la Cour conclut à une discrimination.
La Cour ajoute que l’obligation de neutralité étant justifiée par un règlement intérieur, si un travailleur ne veut se conformer à la règle alors qu’il côtoie directement la clientèle, l’entreprise est tenue de chercher un autre poste de travail pour l’employé qui lui permettra de “ne plus être vu du client” et ce, afin d’éviter le licenciement.
Enseignements à tirer
On peut se réjouir du fait que la Cour admette une discrimination directe lorsqu’il est question d’une interdiction de port de signes religieux donnée de façon orale, ce qui ne permet pas de savoir s’il s’agit effectivement de la recherche par l’entreprise d’une politique de neutralité appliquée de façon indifférenciée à tous les employés.
Le point plus problématique de ces deux affaires réside dans l’admission par la Cour de la possibilité qu’une entreprise interdise le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux dans son règlement d’ordre intérieur.
Certes, c’est une mesure qui est d’apparence neutre car elle englobe toutes les religions et s’applique à tous les travailleurs. Mais, il est permis de se demander si dans les faits, une telle mesure n’est pas de nature à toucher de façon plus forte une catégorie de personnes, à savoir les femmes musulmanes qui portent le voile et si, en conséquence, il ne s’agirait pas d’une forme de discrimination indirecte.
D’ailleurs, la Cour énonce bien qu’un règlement intérieur qui interdit le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux, bien que d’apparence neutre, pourrait constituer une discrimination indirecte si l’objectif poursuivi n’est pas légitime et que les moyens d’y parvenir ne sont pas justes et proportionnés.
Dans l’appréciation de la proportionnalité, la Cour dit qu’il faudrait vérifier s’il n’était pas possible, pour l’employeur, de proposer une sorte de poste en “back-office” qui permettrait d’éviter qu’un client ne voit la personne voilée, au lieu de licencier le travailleur.
Il est donc également permis de se demander si, finalement, cette suggestion faite par la Cour s’apparente vraiment à un aménagement raisonnable ? Certes, il s’agit d’une mesure qui permettrait de ne pas licencier (et donc d’un aménagement) mais est-ce qu’il est réellement raisonnable ? La réponse est non. Est-ce qu’on imaginerait un travailleur en situation de handicap à qui on dirait que, sa chaise roulante risquant de décourager la clientèle, la solution serait de le mettre à un poste qui s’effectue à la cave, loin des regards ? Non.
«Cette opportunité d’obtenir un poste en «back office» en lieu et place d’un licenciement constitue en réalité une forme de discrimination et encourage les employeurs à cacher la diversité présente au sein de leur force de travail en renvoyant les personnes dont la religion dérange au placard ». (Bribosia et Rorive, RTDH 2017)
Dico juridique
- surseoir à statuer : c’est le fait de différer un jugement dans l’attente d’éclaircissement, par exemple via une question posée à une Cour supérieure
- question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne : question posée par les juridictions nationales membres de l’UE à la Cour de justice de l’UE afin qu’elle les éclaire sur l’interprétation du droit de l’Union européenne
- juridiction de renvoi : juridiction devant laquelle est renvoyée l’affaire après que la question posée par une juridiction nationale à la Cour de justice de l’Union européenne ait été répondue
par racism-search | Jan 3, 2024 | Articles, Droits, Legal Text For All
Les normes nationales qui nous protègent du racisme en Belgique
As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés? Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.
La pyramide des normes
Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

Sur base de ce schéma, l’article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination. En effet, les normes de valeur constitutionnelle sont placées au-dessus des normes de valeur législative (issues d’un vote par le Parlement, qui représente le peuple), elle-mêmes au-dessus des normes de valeur réglementaire (prises par le Gouvernement).
En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.
En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…
La Constitution belge
L’article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.
Qui peut invoquer l’article 11 de la Constitution ?
- Tous les citoyens belges. L’article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.
PS : A la fin de l’article, tu retrouveras un petit dico des mots soulignés.
La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act)
Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme. Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité. La loi antiracisme protège les personnes victimes de :
- discrimination directe
- discrimination indirecte
- injonction de discriminer
- harcèlement
Le savais-tu ?
Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensive que ce que l’Union Européenne demandait. On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
En outre, la Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”. En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.
Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres
Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.
La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe)
Les deux lois interdisent :
- la discrimination directe
- la discrimination indirecte
- l’injonction de discriminer
- le harcèlement
- le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
- un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Le savais-tu ?
Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres car qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.
Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est misogyne, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les 3 lois que nous venons d’expliciter.
Dico juridique
- Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi. Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.
- Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences. Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.
- Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
- Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
- Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).
Sources:
- DELPEREE et A. RASSON-ROLAND, « Le champ d’application des articles 10 et 11 de la Constitution », Le droit public et administratif, Livre 5, Bruxelles, Larcier, 1996, n°64.
- Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, entré en vigueur le 22 juillet 1984
- Texte Constitution, disponible sur https://www.senate.be/doc/const_fr.html
- Loi anti-racisme, disponible sur https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1981001359&la=F
- Texte loi anti-discrimination, disponible sur https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002099&la=F
- Texte loi égalité des genres, disponible sur http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2007051036&table_name=loi
par Maeva Rene | Juin 6, 2022 | Articles, Legal Text For All
Article n°1 LEGAL TEXTS FOR ALL
INFOS POUR LA TEAM MARKET :
* slides de différentes couleurs selon les lois si c’est faisable
* pas d’écriture trop petite si possible
* les notes de bas de page sont à mettre dans la légende du post (et non dans les slides)
* Slide 1 : intro (une couleur)
* Slide 2 : la Constitution (une autre couleur)
* Slide 3 et 4 : loi 1981(une autre couleur)
explications
le savais-tu
* Slide 5 et 6 : loi 2007 (une autre couleur)
explications
le savais-tu
* Slide 7 : dico juridique (même couleur que l’intro)
Slide 1 titre : Introduction
As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés?
Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.
Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :
Sur base de ce schéma, l’article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination.
En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.
En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…
Slide 2 titre : La Constitution belge
Contenu et contexte historique :
L’article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.
Qui peut invoquer l’article 11 de la Constitution ?
* L’article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.
PS : Dans le dernier slide, tu retrouveras un petit dico des mots pointés en gras
Slide 3 : La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act)
Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme.
Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité.
La loi antiracisme va protéger les personnes victimes de :
* discrimination directe
* discrimination indirecte
* injonction de discriminer
* harcèlement
Slide 4 :
Le savais-tu ?
-Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensible que ce que l’Union Européenne demandait.
On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.
-La Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”.
En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.
Slide 5: Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres
Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.
La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe)
Les deux lois interdisent :
* la discrimination directe
* la discrimination indirecte
* l’injonction de discriminer
* le harcèlement
* le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
* un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)
Slide 6 :
Le savais-tu ?
Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres vu qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.
Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est mysogine, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les 3 lois que nous venons d’expliciter.
Slide 7 : Dico juridique
-Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi.
Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.
-Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences.
Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.
-Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.
-Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.
-Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).
Notes de bas de pages (à mettre en légende du post)
F. DELPEREE et A. RASSON-ROLAND, « Le champ d’application des articles 10 et 11 de la Constitution », Le droit public et administratif, Livre 5, Bruxelles, Larcier, 1996, n°64.
Pour plus de détail voire le Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, entrée en vigueur le 22 juillet 1984.
Texte Constitution :
https://www.senate.be/doc/const_fr.html
Texte loi anti-racisme : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1981001359&la=F
Texte loi anti-discrimination :
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002099&la=F
Texte loi égalité des genres :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2007051036&table_name=loi
FIN.
Idées prochains posts :
* Comment porter plainte et devant qui ? (à lier avec l’actualité)
1° plainte civile
2° plainte pénale
3° plainte à UNIA
Parler du champ d’application des lois
Parler des justifications possibles et des actions positives
Parler des principaux cas de discriminations tels que la discrimination à l’embauche, la discrimination par le bailleur, Quid si un réglement de travail est discriminatoire,…
par racism-search | Juin 6, 2022 | Articles, Discrimination, Droits, Legal Text For All
La discrimination à l’emploi
Introduction
Tu te poses des questions sur la discrimination à l’emploi plus précisément ?
Lors de son deuxième article, la team Legal Texts for All t’avait présenté les régimes légaux pour se protéger face au racisme en Belgique. Cette semaine, nous voulons attirer ton attention sur le cas spécifique de la discrimination à l’emploi.
Pour faciliter nos explications, nous allons nous baser sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir : l’affaire Feryn datant du 10 juillet 2008.
Faits de l’affaire
Une grande campagne publicitaire est organisée par une entreprise flamande spécialisée dans la pose de portes de garage. Le gérant de cette entreprise, Monsieur Feryn, déclare, lors d’une interview, ne pas pouvoir embaucher de personnes d’origine étrangère (il a pris l’exemple des marocains) sous prétexte d’exigences des clients qui ne veulent être servis que par des travailleurs d’origine belge. Ainsi, il déclarait notamment que :
« Je ne suis pas raciste mais je dois répondre aux exigences de mes clients. Je n’ai pas créé ce problème en Belgique et je dois faire tourner mon entreprise », « je ne suis pas raciste, c’est une logique économique ».
Sans surprise, il n’y avait pas de plaignants car peu de personnes d’origine marocaine auraient souhaité être traitées de la sorte pour de toute façon se voir essuyer un refus.
Par conséquent, le Centre pour l’égalité des chances (CECLR) a décidé de prendre cette affaire à bras le corps. La Cour du Travail de Bruxelles, saisie du dossier suite à la plainte déposée par le CECLR, va saisir la Cour européenne de Justice pour lui poser un certain nombre de questions préjudicielles.
Ces questions concernaient l’interprétation de la Directive européenne 2000/43 relative à la « mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».
Questions posées par la Cour du travail belge à la Cour européenne des droits de l’Homme
a) Des déclarations publiques peuvent-elles constituer une discrimination directe et démontrer une poursuite d’une politique d’embauche directement discriminatoire même en l’absence de plaignant ?
– Le fait qu’un employeur n’emploie pas de travailleurs d’origine étrangère fait-il naître une présomption de discrimination indirecte, notamment lorsqu’on sait qu’il a dû faire face à de grandes difficultés de recrutement de monteurs ?
– Compte tenu des faits du litige, une présomption de discrimination commise par l’employeur peut-elle être déduite de la seule embauche de travailleurs belges par une société liée à cet employeur ?
b) Quels sont les faits qui permettent de déterminer une situation de discrimination directe ou indirecte ? De quelle sévérité une juridiction nationale doit-elle faire preuve dans l’appréciation des faits ?
Conclusions de l’arrêt
La Cour précise que la société Feryn, en déclarant publiquement son intention de ne pas engager d’ouvriers d’origine étrangère, s’est rendue coupable de discrimination directe. De telles déclarations sont de nature à dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et fait donc obstacle à leur accès au marché du travail.
De plus, la Cour estime que ces déclarations publiques indiquent également qu’une politique discriminatoire de recrutement a été menée. Ce faisant, il incombe donc à Monsieur Feryn de prouver qu’il n’y a pas eu de violation du principe de l’égalité de traitement, en apportant la preuve par exemple que la politique de recrutement dans la pratique ne correspond pas à ces déclarations publiques.
Enfin, la Cour ajoute que si le juge national constate une discrimination, il devra prendre des mesures effectives, proportionnées et dissuasives. Cela peut notamment prendre la forme de la publicité de la condamnation, de l’interdiction de continuer ce genre de pratiques discriminatoires ou encore par des dommages et intérêts.
Suite de l’affaire devant les juridictions belges
L’affaire Feryn a donc été renvoyée devant la Cour du Travail de Bruxelles pour prendre une décision sur le cas concret, prenant évidemment en compte les réponses fournies par la Cour de Justice de l’Union européenne.
La Cour du Travail de Bruxelles a estimé qu’il y avait bien eu discrimination envers une catégorie de travailleurs.
Concernant la sanction, elle ordonne la cessation de la discrimination ainsi que la publication de sa décision dans plusieurs quotidiens.
Enseignements à tirer
Voici les enseignements principaux que nous pouvons tirer de cette affaire :
1. On peut avoir une discrimination directe sans victime
2. Un seul fait suffit pour renverser la charge de la preuve même si très souvent il y en a plusieurs. Ici, en l’occurrence, le “seul fait”, ce sont les déclarations et c’est suffisant ! Même quand il n’y a pas de victime, des déclarations peuvent faire basculer la charge de la preuve et établir une apparence ou une présomption de discrimination. Ensuite, l’employeur va devoir prouver que sa procédure de recrutement n’était pas discriminatoire.
3. L’argument des besoins des clients ainsi que de la pérennité de l’entreprise n’est pas de nature à justifier de telles déclarations
– Dico juridique –
- Question préjudicielle : Procédure permettant aux juges nationaux d’interroger la Cour européenne de justice sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne dans le cadre de l’affaire qu’ils doivent traiter.
- Cour de justice de l’Union européenne : Cette Cour est l’une des sept institutions de l’Union européenne, située à Luxembourg. Elle veille à la bonne application du droit de l’Union européenne et à l’uniformité de son interprétation sur le territoire de l’UE.
- Cour du travail : C’est la Cour qui traite, en appel, des affaires du tribunal du travail. Si un travailleur, un employeur ou un auditeur du travail (ou toute personne ayant été jugée par ce tribunal) fait appel d’une décision du tribunal du travail, elle se rend devant l’une des 5 Cours du travail de Belgique, dont l’une est située à Bruxelles. Au sein de ces Cours, il y a un juge professionnel et deux juges sociaux appartenant aux milieux patronal et syndical.
- Centre pour l’égalité des chances : C’est l’ancienne appellation de UNIA, le centre interfédéral pour l’égalité des chances et pour la lutte contre le racisme et les discriminations.
- Présomption : opinion ou projection fondée sur des apparences, ce qui équivaut à une supposition.
Sources :
* https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62007CJ0054&from=FR (arrêt)
* https://www.unia.be/fr/articles/affaire-feryn-dire-que-lon-va-discriminer-cest-deja-discriminer-10-juillet-2008 (résumé intéressant)
* https://www.unia.be/fr/articles/affaire-feryn-le-role-du-monde-de-lentreprise (suite de l’arrêt devant les juridictions belges)
par racism-search | Juin 6, 2022 | Articles, Discrimination, Legal Text For All
La discrimination positive
21 Juillet 2021
Dans de précédents articles, nous avons évoqué la notion de discrimination, préjudiciable à tout point de vue. Et si la discrimination pouvait néanmoins présenter certains avantages ? Voici l’article qui répond à cette question !
Discrimination positive ou action positive ?
La discrimination positive est souvent présentée comme une façon de réguler les inégalités de chances. Ce mécanisme se présenterait comme l’inverse de la discrimination au sens usuel du terme : l’on privilégierait, par exemple, l’embauche de personnes racisées ou présentant un handicap (en tout cas, à chaque fois des personnes présentant un critère protégé*).
L’objectif parait légitime et noble mais si l’on veut faire un parallèle identique au concept de discrimination, cette embauche faite au nom de la discrimination positive se ferait au préjudice d’une personne non racisée ou ne présentant pas d’handicap qui par exemple, aurait davantage de compétences. Cette situation enclenchera donc à son tour une discrimination.
Répondre à une discrimination par une autre discrimination ? Non. Par contre, l’on peut voir l’objectif de régulation des inégalités et d’accroissement de l’intégration via le concept d’actions positives !
Ainsi, la discrimination positive réside dans le fait de, par exemple, sélectionner un candidat pour un travail alors qu’il n’a pas les mêmes compétences que les autres candidats. Ceci est interdit, quelles que soient les motivations qui fondent cette décision et qu’elles paraissent légitimes ou non ! Patrick Charlier, directeur d’UNIA, précise que
« En tant qu’employeur, vous ne pouvez pas favoriser quelqu’un uniquement parce qu’il a – ou n’a pas – un handicap, un certain âge, une origine étrangère ».
A contrario, les entreprises belges peuvent très bien prendre des actions positives. Ainsi, sous certaines conditions strictes, l’on peut encourager l’emploi de certains groupes de la population (ex: les personnes handicapées, d’origine étrangère, plus âgées etc). Mais « Il ne s’agit pas de discrimination positive », comme l’évoque UNIA.
Une mesure d’action positive, c’est une mesure spécifique destinée à prévenir ou à compenser les désavantages liés à l’un des critères protégés, en vue de garantir une pleine égalité dans la pratique. C’est, au final, permettre l’accès de certains groupes habituellement sous-représentés au marché du travail. Ces mesures sont acceptées si elles constituent un moyen d’éliminer, sur le marché de l’emploi, l’exclusion sociale de certains groupes défavorisés sur la base d’un critère protégé.
En quoi consistent les actions positives ?
En faisant valoir le principe d’actions positives, une entreprise pourra, par exemple :
- Décider d’offrir des formations en informatique à ses employés plus âgés
- Mettre en place des quotas d’embauche pour les personnes en situation de handicap (ou pour un autre critère protégé)
- Lancer des campagnes de recrutement pour certains groupes-cibles
- Faire de la promotion ciblée d’offres d’emploi auprès de certains groupes-cibles spécifiques
- Lancer des programmes de soutien aux candidats lors des procédures de candidature
- Mettre en place de nouvelles communications et procédures au services des ressources humaines
- Etc
Il s’agit, en quelque sorte, d’un tremplin que certaines entreprises décident de donner à certains candidats.
Mais cela ne se fait pas de n’importe quelle façon. La mesure d’action positive doit être contenue dans un plan d’action positive qui doit contenir notamment des informations sur la proportionnalité de la mesure, la description de l’objectif recherché ou encore la durée de la mesure.
Lorsque ce plan est élaboré (soit par convention collective* soit par acte d’adhésion), il doit être soumis au Ministre de l’Emploi afin qu’il l’approuve après vérification des conditions.
A noter : l’application d’actions positives n’est nullement obligatoire pour les employeurs !
Quel cadre juridique pour les actions positives ?
L’article 10 de la loi anti-discrimination du 10 mai 2007 (que nous avons déjà abordée précédemment) précise que :
“Une distinction directe ou indirecte fondée sur l’un des critères protégés ne s’analyse pas en une quelconque forme de discrimination, lorsque cette distinction directe ou indirecte constitue une mesure d’action positive”.
En son deuxième paragraphe, l’article 10 pose les conditions pour mettre en oeuvre une mesure d’action positive :
- Il doit exister une inégalité manifeste
- La disparition de cette inégalité doit être désignée comme un objectif à promouvoir
- La mesure d’action positive doit être de nature temporaire, étant de nature à disparaître dès que l’objectif visé est atteint
- La mesure d’action positive ne doit pas restreindre inutilement les droits d’autrui.
Le troisième paragraphe donne, quant à lui, compétence au Roi pour déterminer (via un arrêté royal*) les hypothèses et les conditions dans lesquelles une mesure d’action positive peut être mise en œuvre.
C’est le cas depuis le 11 février 2019, date à laquelle un arrêté royal fixant les conditions de l’action positive a été adopté ! Cet arrêté offre donc un cadre juridique pour ces mesures en explicitant les étapes à franchir pour mettre en œuvre des mesures d’actions positives (plan d’action via plan d’adhésion ou convention collective, approbation par le Ministre etc => ce qui a été expliqué ci-dessus).
Les entreprises qui voudraient agir via des actions positives doivent donc se conformer au prescrit de cet arrêté royal.
Attention, cet arrêté précise que les entreprises peuvent mettre en place des actions positives sous d’autres formes que celles de la convention collective de travail ou de l’action d’adhésion fixant les conditions relatives aux actions positives ! Dans ce cas, les entreprises peuvent en informer le Ministre de l’Emploi.
– Dico juridique –
- Arrêté royal : En Belgique, un arrêté royal est un acte du pouvoir exécutif fédéral. Il est signé par le roi, contresigné par un ou des ministres ou secrétaires d’État qui en assument la responsabilité.
- Convention collective (de travail) : Une convention collective de travail (CCT) est un accord conclu entre une ou plusieurs organisations syndicales et une ou plusieurs organisations patronales ou un ou plusieurs employeurs, fixant les relations individuelles et collectives de travail entre employeurs et travailleurs d’entreprises ou d’une branche d’activité et réglant les droits et devoirs des parties contractantes.
- Critères protégés : Les critères dits « protégés » par la législation antidiscrimination (lois fédérales, décrets et ordonnances) sont au nombre de 19 : prétendue race, couleur de peau, nationalité, ascendance et origine nationale ou ethnique, le handicap, les convictions philosophiques ou religieuses, l’orientation sexuelle, l’âge, la fortune (autrement dit les ressources financières), l’état civil, les convictions politiques, les convictions syndicales, l’état de santé, les caractéristiques physiques ou génétiques, la naissance, l’origine sociale, le sexe et la langue.
par racism-search | Juin 6, 2022 | Articles, Intersectionalité, Legal Text For All, Sous représentation
Les difficultées d’une PMA pour les personnes racisées en France
La PMA, Procréation Médicalement Assistée, permet aux couples hétéro et maintenant lesbiens ou aux femmes seules de pouvoir avoir un enfant par le biais de diverses techniques :
-
l’insémination artificielle, qui consiste à déposer les spermatozoïdes dans l’utérus pour faciliter la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule.
-
la FIV (Fécondation In Vitro) qui a lieu en laboratoire. Un spermatozoïde est alors directement injecté dans l’ovule pour former un embryon. L’embryon ainsi conçu est ensuite transféré dans l’utérus de la future mère.
-
La dernière technique, celle sur laquelle notre article se concentre, est la PMA. Elle consiste à l’accueil de l’embryon dans l’utérus. Il est proposé à l’accueil par un couple donneur ou une femme seule donneuse anonyme, puis transféré dans l’utérus de la femme receveuse.
On a choisi de se concentrer sur la France car il existe peu de données pour la Belgique sur ce sujet.
Qu’est ce que dit la loi ?
En France, la loi bioéthique d’août 2021 relative à la PMA a élargi l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Cependant, cette loi continue à exclure les personnes trans et non binaires. Elle permet également aux enfants issus d’un don de gamètes la possibilité d’accéder à leur majorité à l’identité de leur donneur.euses ainsi qu’à d‘autres informations s’ils/elles en font la demande. Mais un sujet plus tabou persiste néanmoins : la question de l’appariement pour les personnes racisées.
L’appariement est une norme médicale qui consiste à choisir les donneur·euses de spermatozoïdes ou d’ovocytes en fonction de la personne qui va le recevoir, afin qu’iels aient le même phénotype (couleur de cheveux, taille, carnation de la peau…). Concrètement, une femme noire en recherche d’un don d’ovocyte se verra attribuer l’ovocyte d’une donneuse, noire. Or, si les dons d’ovocytes en général sont rares en France, c’est encore plus vrai pour les ovocytes de phénotype noir.
L’IOP, une pathologie qui touche les femmes racisées
Il existe de plus en plus de femmes racisées confrontées à une pathologie nommée “I.O.P” pour Insuffisance Ovarienne Précoce. Dans de tels cas, les ovaires ne fonctionnent plus correctement et produisent peu de follicules matures. Leurs chances de concevoir un embryon viable à partir de ces ovules sont réduites entre 1% et 5%. Le don d’ovocytes est donc une nécessité pour mener à terme leur grossesse.
En moyenne en France une femme blanche attend généralement 5 ans avant de recevoir un ovocyte, tandis que pour les personnes racisées cela varie entre 8 et 10 ans: nombreuses sont les femmes qui abandonnent au bout de plusieurs années d’attente, dues au manque effarant de donneuses. La France est dans une situation de grande faiblesse sur les dons d’ovocytes de manière générale.
Il aura fallu attendre 10 ans avant que l’agence de la biomédecine commence un travail d’information autour du don de gamètes avec pour objectif de favoriser l’information et la réflexion autour du don de gamètes. Des campagnes nationales ont vu le jour mais le travail reste encore long pour pallier la pénurie du don d’ovocytes en France et ce, particulièrement pour les femmes noires dans l’attente d’ovocytes issus d’autres femmes noires.
Les conséquences de ce manque de don
Par manque de donneuses en France, les femmes racisées sont contraintes de se tourner vers l’étranger, notamment l’Espagne, pour accéder à une FIV avec don d’ovocytes. Tout cela a bien évidemment un coût que peu de personnes peuvent assumer.
Le gouvernement français a donc tenté de trouver une solution en supprimant l’appariement obligatoire afin de laisser désormais le choix aux futures mères. On notera que cela ne résout pas le problème du manque de donneuses et particulièrement de donneuses racisées.
Les différentes raisons (liste non exhaustive)
Ce manque de manière générale peut s’expliquer par plusieurs raisons:
⇒ en France contrairement à l’Espagne la donneuse n’est pas rémunérée alors qu’elle doit tout de même subir un traitement hormonal assez conséquent en amont de sa donation. Mais le gouvernement refuse de rémunérer les donneuses par peur d’une marchandisation de ces dons.
⇒Il y a un autre point qui rend complexe les PMA chez les personnes racisées : le parcours de soin gynécologique : Les personnes racisées sont plus sujettes à certains obstacles dans leurs parcours gynécologiques émanant d’un racisme ordinaire. On y retrouve le syndrome méditerranéen, un stéréotype culturel à dimension raciale du monde médical, consistant pour les professionnels de santé à considérer que les personnes noires, nord-africaines, ou d’autres minorités vivant autour de la Méditerranée exagèrent leurs symptômes ce qui entraîne de facto une défaillance de la prise en charge médicale de ces personnes.
⇒ On retrouve aussi le manque de connaissances de la recherche médicale en matière de fibrome utérin, l’exotification du corps, les pratiques accrues de césariennes, etc.
Quand tous ces obstacles sur le parcours de soins s’accumulent, il n’est pas surprenant que l’accès à la technologie du don de gamètes soit plus long.
Sandrine Ngatchou, de la chaîne Ovocytemoi, s’est exprimée sur son parcours en tant que femme noire infertile ayant voulu faire une PMA. Elle explique le manque de communication sur le don en soi. Il est vrai qu’on retrouve peu de campagnes sur le don d’ovocyte et les problématiques liées à la PMA, il n’est pas rare de voir au détour d’une rue des affiches pour le don du sang ou don d’organes mais celles concernant le don d’ovocyte et de gamètes dépassent rarement le cadre des salles d’attente des hôpitaux.
Au-delà d’un travail important d’information à ce sujet il est nécessaire de rappeler que les difficultés rencontrées par les donneur.euses noires résultent surtout de piliers racistes toujours ancrés dans la culture française. On parle donc ici du syndrome méditéranéen, de l’exotification du corps, des pratiques accrues de césariennes, etc. Il est donc primordial d’entamer un travail profond permettant une réelle amélioration de la prise en charge médicale et avant tout gynécologique de ces personnes.
SOURCES
Inès de Rousiers/France Info : PMA : les femmes noires, oubliées du projet de loi ? https://la1ere.francetvinfo.fr/pma-femmes-noires-oubliees-du-projet-loi-858456.html Publié le 3 août 2020 à 11h27
Fanny Ruz-Guindos-Artigue/Libération : PMA : l’interminable attente des femmes noireshttps://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/pma-linterminable-attente-des-femmes-noires-20210607_DOPWNGKHQZACTC3IF7YI24QNPY/ Publié le 7 juin 2021 à 8h15
Ketsia et Johanna entretien de Sandrine Ngatchou/ Les flux : Entretien avec Sandrine Ngatchou d’Ovocyitetmoi http://lesflux.fr/2020/10/06/entretien-avec-sandrine-ngatchou-dovocytemoi/ Publié le 6 octobre 2020
Rozenn Le Carboulec/Médiapart : PMA : des lesbiennes non blanches déplorent un « racisme médical » https://www.mediapart.fr/journal/france/301221/pma-des-lesbiennes-non-blanches-deplorent-un-racisme-medical Publié le 30 décembre 2021 à 16h05
Patricia N’depo/Afrique Avenir : Communiqué PMA : Pour une lutte collective et politique des femmes noires https://www.afriqueavenir.fr/2019/05/28/communique-pma-pour-une-lutte-collective-et-politique-des-femmes-noires/ Publié le 28 mai 2019
La rédaction et AFP/Komitid : “Huit ans d’attente” : le combat des femmes noires pour accéder à la PMA https://www.komitid.fr/2021/08/24/le-combat-des-femmes-noires-pour-acceder-a-la-pma/ Publié le 24 août 2021 à 10 h 31
Geneviève Sagno/BBC news : « J’ai fait don de mes ovocytes pour aider des femmes noires à avoir un enfant » https://www.bbc.com/afrique/articles/c847ypxedq5o Publié le 9 novembre 2022
La rédaction d’allo docteur : Pourquoi la France manque-t-elle de donneuses d’ovocytes ? https://www.allodocteurs.fr/grossesse-enfant-procreation-assistance-medicale-a-la-procreation-pourquoi-la-france-manque-t-elle-de-donneuses-d-ovocytes-15452.html Publié le 29/01/2015, mis à jour le 03/02/2015