par racism-search | Mar 28, 2025 | politique
Communautarisme : un outil politique pour légitimer les discriminations ?
Définition et contexte belge
De nos jours, le terme communautarisme est souvent utilisé de manière floue et négative. À l’origine, il désigne une forme d’organisation sociale dans laquelle les membres d’une communauté se rassemblent autour de valeurs, d’une culture ou d’une religion commune [1]. Historiquement, le terme a pu renvoyer à des formes de communion et de solidarité entre individus partageant un destin ou des liens sociaux forts, voire à un idéal [2]. Il s’oppose alors à l’individualisme et parfois au collectivisme. Toutefois, son usage a également pris une dimension plus anthropologique, mettant l’accent sur la tradition et des formes d’organisation collective qui s’éloignent des modèles modernes de société et de nation [2].
Par conséquent, pendant une longue période, le mot communautarisme est perçu comme un terme positif. Cependant, à partir des années 1990 et de l’avancement de la lutte antiraciste en France, on constate une utilisation plus fréquente du mot “communautarisme”, qui contrairement au mot communauté, revêt un aspect péjoratif [3]. Comme le souligne la sociologue Nasira Guénif “On parle de communautarisme pour éviter de mettre en évidence le fait qu’il y a toujours eu des communautés – et ainsi disqualifier certaines”[3].
Désormais, dans le débat politique français, le terme communautarisme désigne, dans ce cadre, un repli d’un groupe sur lui-même, en opposition à l’idéal républicain d’une société unifiée [2].
Contrairement à la France, où la République se veut « une et indivisible », la Belgique s’est construite sur une reconnaissance explicite des communautés qui se retrouve dans son slogan “ l’union fait la force”. Ce principe remonte en réalité à l’unionisme entre Catholiques et Libéraux qui a permis à la Belgique de prendre son indépendance en 1830 [4]. Ce compromis reconnaissait la pluralité des convictions existantes et admettait que la charge de les porter, de les animer et de les faire respecter par l’État revenait à la société civile [4]. Loin d’être inconnu, le principe de séparation de l’Église et de l’État a été intentionnellement délaissé par le législateur de 1830, du moins dans son interprétation stricte, ce qui produira dès lors un socle légal fortement influencé par le parti catholique et, subséquemment, par la religion catholique [5].
Ce cadre historique a posé les bases d’une démocratie consociative, où la Constitution belge de 1831 a été atteinte à l’issue de négociations entre ces différents acteurs. Métaphoriquement, on pourrait illustrer ce modèle de gouvernance par un arbre : l’État belge en constituerait le tronc, tandis que ses racines seraient les communautés idéologiques, religieuses, linguistiques et ethniques qui le composent et soutiennent sa structure. Ces communautés participent activement au processus décisionnel, proportionnellement à leur force électorale et guidée par leurs élites [6].
Pourtant, bien que cette reconnaissance soit ancrée dans la tradition politique belge, le terme communautarisme est également utilisé de manière péjorative pour désigner les revendications de groupes minoritaires, et plus particulièrement les personnes de confession musulmane qui cherchent à faire valoir leurs droits [7]. Ce mot prend alors une extension exagérée, comme le souligne Justine Lacroix (professeure d’histoire de la pensée et de théorie politique à l’ULB), pour désigner toute demande de reconnaissance [7]. Loin d’être une simple observation sociologique, il devient une arme rhétorique utilisée pour alimenter des paniques morales et renforcer des politiques discriminatoires.
Une rhétorique politique raciste
Plusieurs figures politiques belges ont utilisé cette notion pour marginaliser certaines catégories de la population. L’ancien président de DéFI, Pascal De Smet, avait accusé Ecolo de promouvoir un « projet communautariste » pour avoir soutenu l’idée que des employées communales puissent porter le foulard [8]. De même, Charles Picqué, ancien ministre-président PS, avait dénoncé une « préférence communautariste » au sein de son parti sans jamais définir clairement à quoi cela renvoyait, tout en précisant qu’il ne parlait évidemment pas du communautarisme flamand ou francophone [9]. Dans sa défense d’une laïcité ouverte, l’ancien ministre-président précise qu’il voit le communautarisme comme “un enfermement” contre lequel “il faut former des passerelles, faut trouver des ponts pour ne pas s’enfermer dans ghetto culturel et communautaire” [9]. Cependant, il semble ignorer que ces « ghettos » dont il parle ne sont pas le résultat de choix individuels des personnes concernées, mais bien le produit de dynamiques structurelles et sociales imposées.
À Bruxelles, la structuration urbaine a historiquement conduit à la marginalisation de certaines communautés. La “Bataille des Marolles” en 1969 illustre comment les politiques d’urbanisme ont parfois servi à déplacer des populations défavorisées, renforçant ainsi les inégalités sociales [10]. Aujourd’hui encore, ces logiques se poursuivent : les populations précarisées, notamment issues de l’immigration, se retrouvent concentrées dans certains quartiers où les investissements publics sont insuffisants [11]. Ce phénomène, loin d’être un choix de ces habitants, résulte donc de politiques urbaines historiques. Paradoxalement, cette ghettoïsation, créée par la ville elle-même, est ensuite instrumentalisée pour stigmatiser ces populations et les rendre responsables des conditions dans lesquelles elles vivent.
(source : Le soir https://www.lesoir.be/643531/article/2024-12-19/bruxelles-un-couvre-feu-impose-aux-mineurs-cureghem-pour-le-nouve)
Dans ce contexte, le terme communautarisme est instrumentalisé pour justifier des politiques sécuritaires ciblées envers les quartiers dits populaires. En effet, certains partis politiques belges l’emploient pour renforcer la surveillance des quartiers populaires et légitimer l’usage de la force sur des populations issues de l’immigration [12]. Un exemple récent est l’imposition d’un couvre-feu dans le quartier de Cureghem, où réside une majorité de personnes racisées, et qui s’inscrit dans cette logique de criminalisation [13]. Loin de répondre aux problématiques sociales de ces quartiers, ces politiques renforcent leur stigmatisation et participent à leur marginalisation.
En imposant une présence policière accrue, l’État met en place un contrôle permanent de ces espaces, ce qui alimente les tensions et accroît le risque de violences policières [14]. La répression et la surveillance ciblées de ces quartiers contribuent à imposer l’idée que certaines populations ne seraient pas intégrées et représenteraient une menace, tout en occultant les responsabilités structurelles de l’État dans leur exclusion [14]. Cette approche détourne l’attention des inégalités systémiques en construisant l’image de communautés supposément repliées sur elles-mêmes, alors même que ces quartiers sont avant tout le produit de politiques urbaines et économiques discriminantes. – Nous tenons à préciser que la gentrification, telle qu’elle est actuellement mise en œuvre, ne constitue pas nécessairement une réponse adéquate à cette situation. Il est essentiel de souligner que la mixité sociale doit être pensée de manière réfléchie et accompagnée d’une amélioration des conditions de vie des populations précarisées. Sans cela, on observe surtout une augmentation des loyers et une inaccessibilité croissante de certains lieux pour une partie de la population, ce qui accentue encore la précarisation des habitants de ces quartiers.
De plus, ces discours politiques renforcent une lecture raciste de la société : ils présupposent que les personnes racisées ne seraient pas capables de faire communauté dans leur(s) groupe(s), et avec la communauté nationale, c’est-à-dire l’ensemble des individus partageant un cadre de vie commun, des droits et des devoirs au sein d’un même pays. Cette considération des anti-communautaristes signifie que faire partie de la communauté nationale et d’une communauté subsidiaire est incompatible, uniquement quand cette communauté est racisée [15]. Ce rapport aux communautés racisées et communauté nationale se retrouvait déjà au XIXe siècle dans le principe antisémite de la “double allégeance” ou de la “double loyauté” selon laquelle les Juif·ve·s seraient d’abord loyaux·ales envers d’autres Juif·ve·s avant d’être loyaux·ales envers leurs nations respectives [15] . Le terme communautarisme devient alors un outil pour invisibiliser les dynamiques de discrimination structurelle, tout en rejetant la responsabilité de ces dynamiques sur les communautés elles-mêmes.

( source : article The conversation, https://theconversation.com/belgique-vers-une-politique-religio-communautaire-241628)
Enfin, un autre exemple de la manipulation du terme communautarisme réside dans le fait qu’il est souvent instrumentalisé pour limiter la participation politique de certaines communautés. Par exemple, des personnalités comme Fouad Ahidar, président de l’Association des Marocains en Belgique (AMB), ont été associées à cette notion pour les dépeindre comme des défenseurs d’intérêts divisifs et incompatibles avec les valeurs belges [16]. Cette utilisation du mot communautarisme crée un double standard, où les revendications des minorités pour la reconnaissance de leur identité et de leurs droits sont vues comme une menace pour la cohésion sociale, tandis que les structures de pouvoir dominantes échappent à toute forme de critique. Cette critique de communautarisme à l’égard de certain·e·s candidat·e·s est également critiquable à cause du système communautaire sur lequel repose le système politique belge. En effet, La belgique a un système politique fondé sur des communautés linguistiques et culturelles (les Flamands, les Wallons et les Bruxellois), qui reflète un modèle de « communautarisme institutionnalisé » où chaque communauté bénéficie de représentant·e·s élu·e·s spécifiquement en fonction de leur appartenance linguistique et culturelle [17].
L’oubli des « communautarismes Blancs »
Commme le démontre la sociologue Sylvie Tissot, le terme communautarisme est majoritairement employé pour désigner les minorités ethniques ou religieuses, tandis que les communautés dominantes, telles que l’entre-soi bourgeois, blanc et masculin, échappent souvent à cette étiquette [18]. Pourtant, ces derniers correspondent parfaitement à la définition donnée par les politiques : un repli identitaire fondé sur des valeurs et une culture commune.
Prenons l’exemple des cercles privés tels que les rallyes, les clubs de golf, les associations philanthropiques ou même certaines fraternités universitaires élitistes (comme Reuzegom, qui a causé la mort de Sanda Dia à Leuven). Ces espaces sont souvent homogènes sur le plan socio-culturel et fonctionnent sur une logique d’entre-soi. Pourtant, ils ne sont jamais qualifiés de communautaristes dans le débat public. Cette invisibilisation témoigne d’une différenciation raciste dans la manière dont les dynamiques communautaires sont perçues.
Cet oubli n’est pas anodin : il s’inscrit dans une logique où l’entre-soi des classes dominantes blanches est euphémisé, voire nié, alors que les formes d’organisation collective des groupes minorisés sont systématiquement perçues comme une menace à l’ordre social [19]. Comme le souligne Sylvie Tissot, l’entre-soi des élites est souvent protégé par le secret et justifié par des notions de tradition et de réseau, tandis que la participation des minorités à des groupes intermédiaires (associations, églises, syndicats) est facilement qualifiée de « repli communautaire » [19].
Prenons l’exemple des rallyes, ces événements mondains que les sociologues Pinçon et Pinçon-Charlot définissent comme des cercles sociaux élitistes, où des jeunes, sélectionné·e·s par leurs mères, évoluent au sein d’un groupe homogène afin de renforcer leur appartenance à une même classe sociale [20]. À travers des sorties culturelles et des soirées dansantes, iels intègrent les codes et valeurs de leur milieu, facilitant ainsi la reproduction sociale et matrimoniale. Ces événements, souvent encadrés par des figures influentes de leur entourage, leur inculquent une vision où culture et sociabilité sont indissociables, consolidant leur sentiment de légitimité et de continuité avec les élites. Derrière une façade anodine de bals et de rencontres, iels jouent un rôle fondamental dans la reproduction des élites en favorisant les mariages et les alliances professionnelles au sein des mêmes cercles privilégiés.

(source : Ecoreseau Business: https://www.ecoreseau.fr/entreprendre/reseaux-influence/rallyes-toujours-in-2017-11-03-8480)
Chloé, 17 ans, explique par exemple que ses grands-parents et ses parents se sont rencontrés dans un rallye, et qu’elle aussi a rencontré son petit copain de la même manière :
« Ma mère y était inscrite, même chose pour mes grands-parents. J’ai du coup demandé moi aussi de faire partie d’un groupe d’activités. Il s’agit d’une tradition familiale que j’ai envie de perpétuer. » [21].
Dans ces cercles, l’accès repose sur des critères implicites mais stricts, comme en témoigne Charlotte, issue de la noblesse et participante depuis ses 14 ans :
« Dans mon groupe d’activités, nous ne nous connaissons pas forcément à la base, mais nous avons tous reçu la même éducation et avons les mêmes centres d’intérêt. » [21].
Une mécanique d’exclusion sociale et raciale
Les rallyes ne sont pas de simples fêtes privées, ils participent activement à la perpétuation des hiérarchies sociales et raciales. Loin d’être de simples espaces festifs, ils sont des lieux de reproduction des élites où se tissent des alliances matrimoniales, économiques et politiques. En maintenant un entre-soi rigoureusement sélectionné, ils excluent de facto toute personne n’appartenant pas aux mêmes cercles de pouvoir.
L’entre-soi des classes dominantes se construit souvent à partir du discours officiel de la mixité et de la diversité, tout en étant protégé par des mécanismes flous, qui permettent son maintien, sans confrontation directe aux lois sur la discrimination [19]. De la même manière, les rallyes et autres cercles élitistes n’affichent pas explicitement des critères d’exclusion, mais fonctionnent par cooptation, préservant ainsi leur homogénéité tout en échappant à la critique.
L’argument souvent avancé pour défendre ces pratiques est celui de la libre association : chacun·e serait libre de choisir son cercle social [19]. Mais dans un contexte où ces cercles contrôlent les leviers économiques et politiques du pays, leur fermeture volontaire renforce un système inégalitaire et contribue à l’exclusion structurelle d’autres groupes. À ce titre, ces rallyes fonctionnent comme des espaces de socialisation où se transmettent les codes et privilèges d’une classe dominante, tout en se protégeant de l’extérieur [19].
Un communautarisme qui ne dit pas son nom
Si l’on applique aux rallyes la définition du communautarisme régulièrement invoquée dans le débat politique – un groupe qui fonctionne sur un principe d’entre-soi et qui se replie sur ses propres valeurs et traditions [2] –, alors il devient évident que ces cercles en sont une parfaite incarnation. Pourtant, contrairement aux communautés racisées, ils ne sont jamais dénoncés comme tels. Mieux encore, ils sont souvent perçus comme une forme de distinction sociale légitime et souhaitable [19].
Ainsi, on arrive au constat suivant : l’accusation de repli communautaire est à géométrie variable. Elle est utilisée pour stigmatiser les groupes minorisés, tandis que les structures d’entre-soi des élites sont soit invisibilisées, soit justifiées par des impératifs de sélection ou de tradition. Cette asymétrie dans la perception du communautarisme révèle une mécanique idéologique à l’œuvre : ce qui est perçu comme une menace lorsqu’il s’agit de groupes racisés est accepté, voire valorisé, lorsqu’il concerne des classes dominantes Blanches. L’accusation de communautarisme est donc bien plus qu’une simple critique d’un repli identitaire : c’est un outil de stigmatisation à sens unique, utilisé pour délégitimer certains groupes sociaux, tout en en protégeant d’autres, sur fond de racisme.
Une notion à déconstruire
Le terme communautarisme, tel qu’il est utilisé aujourd’hui dans le débat public belge et français, est bien loin de sa définition originelle. Si à l’origine il pouvait désigner une forme de solidarité sociale, il est désormais instrumentalisé pour discréditer les revendications des groupes minoritaires et masquer les inégalités structurelles. Son usage est profondément asymétrique : alors que l’entre-soi des élites économiques et politiques échappe à toute critique, les dynamiques collectives des minorités racisées sont systématiquement perçues comme un « repli » menaçant l’unité nationale.
Dans ce contexte, le communautarisme devient un outil rhétorique permettant de justifier des politiques discriminatoires, qu’il s’agisse d’une surveillance accrue de certains quartiers, de la répression des mobilisations antiracistes, ou encore de la marginalisation de personnalités politiques issues de l’immigration. Loin d’être un concept neutre, il fonctionne comme un écran de fumée qui détourne l’attention des véritables mécanismes de domination à l’œuvre dans nos sociétés.
Finalement, ce n’est pas l’existence de communautés en soi qui pose problème, mais la manière dont certaines sont stigmatisées et criminalisées, tandis que d’autres sont protégées et invisibilisées. Si la Belgique a historiquement intégré une reconnaissance des communautés dans son système politique, elle ne l’a fait qu’au bénéfice de certaines catégories, en excluant les populations racisées de cette légitimité. Dès lors, interroger l’usage politique du mot communautarisme, c’est mettre en lumière l’hypocrisie d’un discours qui prétend défendre l’universalisme, tout en perpétuant des logiques d’exclusion profondément racialisées.
Sources
[1] Larousse, « Communautarisme », disponible sur www.larousse.fr/dictionnaires/francais/communautarisme/17550 , consulté le 10/03/2025.
[2] Stéphane Dufoix, « Nommer l’autre », disponible sur
[3] Belorgey, Jean-Michel., et al. « De l’usage politique du “communautarisme” ». Mouvements, 2005/2 no 38, pp.69-72.
www.journals.openedition.org/socio/2524, publié le 14/12/2016, consulté le 18/02/2025.
[4] Vincent de Coorebyter, ‘Neutralité et laïcité : une opposition en trompe-l’œil’, Politique, revue de débats, 65, p. 62, disponible sur : https://www.crisp.be/2010/06/%c2%ab-neutralite-et-laicite-une-opposition-en-trompe-l%e2%80%99oeil-%c2%bb/. publié en juin 2010.
[5] Marc Uyttendaele, ‘Le modèle belge de neutralité de l’État’, dans Quel état de droit dans une Europe en crise ?, 11 et 12 octobre 2018, Lyon, France. Lyon : Université Jean Moulin, Lyon 3, disponible sur : https://revuedlf.com/droit-constitutionnel/le-modele-belge-de-neutralite-de-letat/, publié en 2019.
[6] Henri Dumont et Xavier Delgrange, ‘Le principe de pluralisme face à la question du voile islamique en Belgique’, Droit et société, n°68(1), p. 83, disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2008-1-page-75?lang=fr, publié en 2008.
[7] RTFB, “ Questions de principes : le communautarisme, c’est quoi ?”, disponnible sur https://www.rtbf.be/article/questions-de-principes-le-communautarisme-c-est-quoi-11244225, publié le 23 août 2023.
[8] BX1, “ François De Smet (Défi) cible Ecolo : “Ce parti fait désormais le relais de l’islam politique”, disponible sur https://bx1.be/categories/news/francois-de-smet-defi-ecolo-choisit-un-projet-communautariste-qui-se-fait-le-relais-de-lislam-politique/?utm_source=chatgpt.com&theme=classic, publié le 4 décembre 2023.
[9] RTFB, “ »Nous sommes marqués par un processus communautariste » : selon Charles Picqué, le PS bruxellois s’est « résigné trop vite »”, disponible sur https://www.rtbf.be/article/nous-sommes-marques-par-un-processus-communautariste-selon-charles-picque-le-ps-bruxellois-s-est-resigne-trop-vite-11393987?utm_source=chatgpt.com, publié le 24 juin 2024.
[10] X, “La Bataille des Marolles”, disponible sur https://www.pave-marolles.be/la-bataille-des-marolles/, publié le 19 novembre 2024.
[11] Isabelle Pauthier, “ Dehors les bourges ou dedans le peuple ? La gentrification à Bruxelles”, disponible sur https://www.revuepolitique.be/dehors-les-bourges-ou-dedans-le-peuple-la-gentrification-a-bruxelles/?utm_source=chatgpt.com, publié le 03 mai 2012.
[12] Ligue des droits humains, “Uneus : cow-boys de proximité”, disponible sur https://www.liguedh.be/uneus-cow-boys-de-proximite/, consulté le 10 mars 2025.
[13] Front des mères, “ Un couvre-feu imposé aux mineurs à Cureghem pour le nouvel an”, disponible sur https://www.front2meres.org/un-couvre-feu-impose-aux-mineurs-a-cureghem-pour-le-nouvel-an/, publié le 7 janvier 2025.
[14] Manon Legrand, “ Violences policières : pire qu’hier, mieux que demain ?”, disponible sur https://www.alterechos.be/violences-policieres-pire-quhier-mieux-que-demain/, publié le 10 septembre 2020.
Camille Wernaes , “Violences policières : paroles de jeunes et des mères”, disponible sur https://www.revuepolitique.be/violences-policieres-paroles-des-jeunes-et-des-meres/, publié le 23 décembre 2021.
Andrea Rea, Carla Nagels et Jenneke Christiaens, « Les jeunesses bruxelloises : inégalité sociale et diversité culturelle », disponible sur https://journals.openedition.org/brussels/951, publié le 02 février 2009.
Centre D’action Laique, Emission En quête de sens, “ La jeunesse et la police: une relation problématique?”, disponible sur https://www.laicite.be/emission/les-jeunes-et-la-police-une-relation-problematique/, publié le 31 mars 2024.
[15] Raison du Cleuziou, Yann. « Le communautarisme. » Esprit, vol. 425, no. 6, juin 2016, pp. 28-30.
[16] RTBF, “Fouad Ahidar : Ce que révèle son succès électoral sur la population bruxelloise. »,disponnible sur https://www.rtbf.be/article/fouad-ahidar-ce-que-revele-son-succes-electoral-sur-la-population-bruxelloise-11450367, publié 16 octobre 2024.
[17] RTBF, “ Le communautarisme au pays du communautarisme” disponible sur https://www.rtbf.be/article/le-communautarisme-au-pays-du-communautarisme-11311632, publié le 12 janvier 2024.
[18] Sylvie Tissot, “Qui a peur du communautarisme ? Réflexions critiques sur une rhétorique réactionnaire”, disponible sur https://lmsi.net/Qui-a-peur-du-communautarisme?utm_source=chatgpt.com, publié le 28 octobre 2019.
[19] Sylvie Tissot, « Entre soi et les autres », Actes de la recherche en sciences sociales, n°204(4), p. 4-9, disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2014-4-page-4?lang=fr, publié en 2014.
[20] Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, ‘Sociologie de la bourgeoise’, (4e éd.). La Découverte, p. 84, disponible sur : https://shs.cairn.info/sociologie-de-la-bourgeoisie–9782707175403?lang=fr , publié en 2016.
[21] Céline Pécheux, « Bridgerton en Belgique : à quoi ressemblent les soirées de l’élite belge ? », ELLE Belgique, disponible sur : www.elle.be/fr/443643-bridgerton-en-belgique-a-quoi-ressemblent-les-soirees-de-lelite-belge.html, publié le 6 février 2025.
par racism-search | Déc 23, 2024 | Mini-Séries, politique
Remarques anti-Roms en cascade
Conner Rousseau, Vooruit et le racisme dit ‘ordinaire’
Il y a près d’un an, en septembre 2023, Conner Rousseau après une soirée avait interpellé des policiers pour les appeler à s’attaquer violemment à des personnes roms [27].
“Ces Roms ou autres gitans sont là chaque put**n de jour avec leur friteuse, leurs matelas à proximité de la bulle à verre. Vraiment, ces Roms, il faut s’en débarrasser. On ne peut pas déconner avec ces gars-là.”
“D’après moi, vous devriez vous attaquer à eux plus durement. Vous devriez utiliser votre matraque beaucoup plus souvent.
En dehors de leur vulgarité, ces propos dénotent un vocabulaire propre au racisme anti-roms. Ils sont d’autant plus graves qu’ils émanent d’une figure d’autorité, en l’occurrence un député au Parlement flamand et président en exercice du parti socialiste flamand Vooruit.

© Belga Photo- Nicolas Maeterlinck
Ce dernier s’était excusé en octobre 2023, en justifiant qu’il était saoul et qu’il voulait exprimer
“de manière erronée la frustration de nombreux habitants du quartier.” [28]
Autrement dit, il s’est posé en porte-voix du racisme anti-Roms qui aurait cours dans la population de Saint-Nicolas (Province d’Anvers) [28]. Il invoque une fois de plus des arguments racistes pour justifier cette prétendue opinion de la population. Mr Rousseau parle de “nuisances« , de “harcèlement” que feraient subir les personnes roms “dans son quartier” [27]. Comme si les personnes roms n’ appartenaient pas au quartier, poursuivant ainsi sa rhétorique raciste qui les dépeint comme étant des personnes dérangeantes.
Suite à ces propos, le parquet de Flandres orientale at lancé une procédure de médiation à l’issue de laquelle il a été invité à visiter la Caserne Dossin (lieu de mémoire du génocide des Roms) et à suivrer une formation sur l’importance des mots et du langage [27].
Conner Rousseau a également dû céder la tête de son parti, tout en conservant une place de choix dans le paysage politique. Il est d’abord inscrit sur la liste de Vooruit pour le Parlement flamand dans la circonscription de Flandre orientale [29]. De plus, dès avril 2024, il reprend le devant de la scène à travers de multiples interventions et en participant à la téléréalité politique à succès “Het Conclaaf”. Il occupe alors l’espace médiatique réservé à la/au président·e du Parti socialiste flamand.
Au lendemain des élections, à l’issue de l’intérim de la présidente Mélissa Depraeter, seul Conner Rousseau s’est présenté à la tête du parti. Il a alors été réélu pour un nouveau mandat avec 94% du vote des adhérent·e·x·s. [30]
George-Louis Bouchez, victimisation et inspiration rousseauiste
Après la révélation des dires racistes de Conner Rousseau, George-Louis Bouchez a publié un tweet dans lequel il affirme que le racisme ne peut être “ni toléré, ni excusé”, et ajoute que “c’est un délit, pas une opinion” et conclut sur le fait que “l’antiracisme et l’exemplarité soient à géométrie variable pour certains selon l’auteur” [31]. Par la suite, M. Bouchez est intervenu sur la chaîne LN24 a déclaré avec fermeté
« Si je tenais de tels propos, je démissionnerais dans l’heure » [32]

Facebook de George-Louis Bouchez, 6 octobre 2023
Et pourtant…
En 2021, déjà, George-Louis Bouchez avait appelé à “rendre impossible ces installations” en référence aux résidences des personnes roms. Il recommandait même de recourir à “un harcèlement policier” [33]. Propositions particulièremenrt dangereuses mais qui n’avaient pas fait réagir d’autre média que la DH a l’époque [33, 34, 35].
Lors d’une conférence de presse dans le cadre de sa campagne aux communales d’octobre 2024, intitulée “Mons en mieux”, le Président du MR est interrogé sur les problèmes de domiciliation de Julie Taton, influenceuse et animatrice radio originaire de Lasne, parachutée par le parti pour l’emporter à Mons. Plutôt que de répondre à cette question, le président du MR choisit de parler d’un tout autre sujet : “Je préfère accueillir Julie Taton à Mons que certains profils, et je ne citerai pas de nom sur ce sujet” . Son intervention, déjà critique, prend un tournant problématique lorsqu’il ajoute “quand vous voyez des occupations, sauvages parfois, de gens du voyage, et je n’ai rien contre les gens du voyage” [36]. Pourtant, ces propos suggèrent le contraire. Il enchaîne en évoquant l’illégalité et le caractère ‘sauvage’ supposés des campements [36], avant d’opérer une comparaison implicite avec stéréotypes de la bourgeoisie blanche.
“Quand je vois qu’à Mons des gens du voyage occupent illégalement certains terrains et la Ville vous dit “on ne sait rien faire” […] et à côté de ça, vous avez quelqu’un [Julie Taton] qui vient à Mons, qui a du pouvoir d’achat, qui paie des impôts, qui inscrit ses enfants à l’école et qui veut acheter un logement et là, on lui fait un procès comme si c’était une criminel, je trouve que c’est inacceptable.” [36].
Tous les clichés ressurgissent : la supposée non-contribution à la société des Roms qui les a faits être perçu·e·x·s comme des parasites quand bien même iels étaient artisan·e·x·s, artistes, commerçant·e·x·s; le rapport à l’école avec l’idée de faible niveau d’éducation et enfin, le reproche classique de leur nomadisme pourtant historiquement essentiel dans la culture rom bien que de nombreuses communautés roms sont aujourd’hui sédentaires. À cela s’ajoute une autre forme de stigmatisation : l’association fréquente entre criminalité et populations racisées. Contrairement aux personnes blanches, souvent perçues comme « respectables » ou « civilisées », les Roms, comme d’autres minorités, sont trop souvent injustement assimilés à des comportements illégaux, ce qui reflète un traitement discriminatoire profondément ancré dans la société.
“Nos enfants vont aussi à l’école. Nous sommes des gens qui travaillent. Nous payons nos contributions et nos taxes de roulage. Sur la question de l’accueil, c’est plutôt à nous de dire que les autorités nous prennent vraiment pour des criminels. Nous vivons constamment cette humiliation. Il serait temps que Georges-Louis Bouchez puisse avoir des mots plus amicaux envers notre communauté.” [36] – Etienne Charpentier, président du Comité National des Gens du Voyage pour La DH.

Le Soir – Roger Milutin
Étonnamment, malgré ces propos discriminatoires tenus à l’égard des personnes roms nous n’avons entendu parler ni de démission de sa part, ni de battage médiatique en dehors de l’unique article de la DH qui reprend 2 réactions d’écologistes francophones et celle de Patrick Charlier, directeur de l’Unia [36].
Alors quand il termine son point sur le racisme et les propos de Conner Rousseau dans son interview pour LN24, en disant qu’ “(…) objectivement c’est un peu particulier de voir tant de complaisance à l’égard du racisme venant de la part de gens qui font la leçon du matin au soir« . [32] On ne peut qu’être d’accord avec lui.
Conclusion
Ecrire cette mini-série n’a rien eu d’aisé. Elle agrège des dizaines d’heures d’épuisement à devoir traiter le mal que nos représentant·e·s politiques nous inflige en tant que personnes racisées*. Elle fait le constat, sinon d’une recrudescence, d’une place conséquente prise par les discours et des politiques racistes durant la dernière campagne électorale 2023-2024. Et ce, tant au niveau des élections communales (“George-Louis Bouchez, victimisation et inspiration rousseauiste”), au niveau régionale et communautaire (“Pierre-Yves Jeholet, agression raciste en direct”) qu’au niveau des élections fédérales (“Refus de la publication du Rapport : l’amnésie coloniale” ) et européennes (“Pour Frontex, un consensus meurtrier”).
Plus inquiétant, ces choix politiques racistes n’ont pas ou peu été sanctionné dans les urnes par les électeur·ice·x·s belge·x·s.
- P-Y. Jeholet a obtenu 16.627 /172.256 votes déposés au Parlement wallon en 2019; contre 64.306 voix / 675.156 à la Chambre (fédérale) en 2024 [37,38]. Soit un résultat stable, passant de 9.65% (2019) à 9.53% (2024).
- G-L. Bouchez a obtenu 16.522 /810.896 votes déposés en 2019 aux communales de Mons; contre 7.148 voix /54.499 en 2024 [39,40]. Soit un résultat en nette augmentation, passant de 2.04% (2019) à 13.11% (2024).
- C. Rousseau a obtenu 17.438 / 1.036.419 votes déposés au Parlement flamand en 2019; contre 75.801 voix / 1.068.365 en 2024 [41,42]. Soit un résultat en augmentation, passant de 1.68% (2019) à 7.09% (2024).
La lutte antiraciste dans la sphère nous paraît cruciale à l’aune de cette campagne électorale aux multiples occurrences racistes. C’est pourquoi nous lançons dès le mois de février une chronique sur la vie politique belge pour analyser les politiques, les faits et dits – de manière non exhaustive – qui participent au renforcement du racisme dans notre société.
*Racism Search est une associaitons en mixité mais cet article a été rédigé et relu uniquement par des personne racisées de l’association.
Sources
[27] Stéphanie Lepage, “Les propos racistes de Conner Rousseau font largement réagir”, disponible sur https://www.rtbf.be/, publié le 08 ocobre. 2024, https://www.rtbf.be/article/les-propos-racistes-de-conner-rousseau-font-largement-reagir-11288119
[28] L’Echo, “Propos racistes : Conner Rousseau s’excuse mais ne convainc guère”, disponible sur https://www.lecho.be/, publié le 5 octobre 2023 , https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/flandre/propos-racistes-conner-rousseau-vooruit-s-excuse-mais-ne-convainc-guere/10497263.html
[29] L’Echo,”Conner Rousseau redeviendra Président de Vooruit comme si de rien n’était”, disponible sur https://www.lecho.be/, publié le 2 juillet 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/general/conner-rousseau-redeviendra-president-de-vooruit-comme-si-de-rien-n-etait/10553916.html
[30 ] L’Echo, “Conner Rousseau, seul candidat, réelu avec 94% des voix”, disponible sur https://www.lecho.be/, publié le 18 juillet 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/flandre/conner-rousseau-seul-candidat-reelu-president-de-vooruit-avec-94-des-voix/10556119.html
[31] Dépêche Belga, Les réactions de la classe politique francophone aux propos racistes de Conner Rousseau, disponible sur https://www.7sur7.be/, publié le 6 octobre 2023, https://www.7sur7.be/belgique/les-reactions-de-la-classe-politique-francophone-aux-propos-racistes-de-conner-rousseau~a8234f81/
[32] La Rédaction de La Libre, Georges-Louis Bouchez sur la démission de Conner Rousseau: « Les émissions en Flandre étaient hallucinantes », disponible sur https://www.lalibre.be/, publié le 20 novembre 2023, https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2023/11/20/georges-louis-bouchez-sur-le-dossier-des-pfas-et-celine-tellier-comment-voulez-vous-que-nous-nous-ayons-confiance-en-elle-LQSCUEIZEJDQFFEFIUSKS7FPUA/
[33] Gauvain Dos Santos, “Interrogé sur Julie Taton, Georges-Louis Bouchez bifurque sur les gens du voyage : ‘Humiliation permanent’, réagit la communauté”, disponible sur https://www.dhnet.be/, publié le 29 aout 2024, https://www.dhnet.be/actu/elections-belges/elections-communales/2024/08/29/interroge-sur-julie-taton-georges-louis-bouchez-bifurque-sur-les-gens-du-voyage-humiliation-permanente-reagit-la-communaute-QR65GZ5THRB43K7GR7X2RHS3DQ/
[34] Danièle Madrid, Roms, Voyageurs, violences policèrrs et devoir de mémoire, disponible sur https://www.centreavec.be/, publié le 22 janvier 2015, https://www.centreavec.be/publication/roms-voyageurs-violences-policieres-et-devoir-de-memoire/
[35] Baudouin Janssens, Les Roms : Une actualité de cinq siècles, disponible sur https://www.amnesty.be, publié le 15 octobre 2013, https://www.amnesty.be/infos/notre-magazine-le-fil/septembre-octobre-2013/article/roms-actualite-cinq-siecles
[36] G.La, Gens du voyage à Mons: Georges-Louis Bouchez prône un « harcèlement policier », disponible sur https://www.dhnet.be/, publié le 8 novembre 2021, https://www.dhnet.be/regions/mons/2021/11/08/gens-du-voyage-a-mons-georges-louis-bouchez-prone-un-harcelement-policier-EZATZ4B5HJGSTM574EVIKEWHRQ/
par racism-search | Déc 8, 2024 | Mini-Séries, politique
Paul Magnette et la criminalisation des personnes en situation irrégulière
Introduction aux chroniques politiques
Sur un plateau de RTL-TVI, puis rediffusé sur son compte Instagram durant toute la campagne, Paul Magnette, président du PS, affirme
« Il faut renforcer la présence de policiers sur le terrain, il faut arrêter les dealers et quand ils sont en situation illégale sur le territoire, il faut les renvoyer vers leur pays d’origine. Je veux clairement qu’on exécute les ordres de quitter le territoire de manière beaucoup plus efficace pour les personnes qui ont commis des actes illégaux » [11].

Bien qu’elle puisse paraître anodine, cette intervention survient dans un contexte où de nombreuses personnes demandeuses d’asile, population racialisée négativement, contrairement aux personnes ukrainiennes ayant eu l’asile automatiquement, sont victimes de politiques xénophobes et racistes menées par le gouvernement De Croo, dont le PS est partie prenante [13] [14] [15] [16] Politique qui sous-entend un lien entre criminalité et personnes demandeuses d’asile alors même qu’aucune étude ne l’atteste [12].

Centre fermé de Vottem – (c) CRER
En tenant ce discours M. Magnette invisibilise le travail acharné, sous-payé et précaire des personnes en situation d’irrégularité, qui tentent de survivre en Belgique alors que leurs droits fondamentaux leur sont déniés par le gouvernement [20]. Ces personnes risquent, à tout moment, sans raison particulière, d’être privées de liberté par la police et d’être envoyées dans un des six centres fermés que compte la Belgique. Les mêmes centres qui multiplient les condamnations par les tribunaux et les associations pour leurs violations des droits humains et les décès à répétition dans leurs murs [17]. Alors que M. Magnette,durant le Conseil communal du 19 février 2024, a défendu la construction d’un nouveau centre fermé à Jumet, en région de Charleroi.[18]
Le président de parti a également joué un rôle actif dans cette politique migratoire, notamment en validant, à travers son parti, le budget vraisemblablement insuffisant alloués à Fedasil, l’agence fédérale chargée d’accompagner les demandeur·euse·s d’asile [19]. Cette insuffisance de financement a participé aux 8 800 condamnations de l’agence par la justice belge depuis l’automne 2021 [20]. Des décisions que le gouvernement n’a pourtant toujours pas appliquées [20].
Deuxièmement, la Secrétaire à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor, CD&V, a fait passer un arrêté royal retirant le droit d’accueil à tous les demandeurs d’asile seuls. Arrêté qui a été déclaré inconstitutionnel et suspendu par le Conseil d’Etat mais qui est toujours en application. Arrêté royal que le PS a laissé passer, sans mettre la ministre face à sa responsabilité ministérielle devant la Chambre [20][21].
Cette mesure illégale donc [22], a poussé de nombreux hommes, demandant refuge en Belgique, à dormir dans les rues et à tenter de survivre sans un accompagnement adéquat de l’Office des étrangers. Cette criminalité, dont M. Magnette parle, il en est aussi partiellement responsable, en tant que chef d’un parti membre du gouvernement.* « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des effets dont ils chérissent les causes » disait, en substance, Bossuet [23].
*Il aurait en effet pu inciter ses députés à demander une “motion de méfiance individuelle” contre Nicole de Moor au nom de la responsabilité ministérielle. Comme il ne l’a pas fait, les ministres PS, et, à fortiori, les partis membres de la coalition en sont comptables au nom de la solidarité gouvernementale (Principe selon lequel les ministres acceptent les décisions de leur gouvernement et en sont tenus conjointement responsables) .
Pour Frontex, un consensus meurtrier

Alors que la Belgique assure la présidence de l’Union européenne, le Parlement européen a adopté, le 10 avril dernier, le Pacte sur la Migration et l’Asile (le Pacte). Un texte voté par une partie des socialistes, les libéraux et les conservateurs, sans applaudissements. Le Pacte prévoit un contrôle d’identité renforcé aux frontières, un enfermement systématique des personnes réfugiées en attente de séjour et un renvoi si le pays est jugé ‘sûr,’ sans que les critères de cette évaluation soient clairement définis, ce qui peut conduire à des renvois potentiellement dangereux. [24]

Le mois suivant, Annelies Verlinden (CD&V), Ministre de l’Intérieur propose à la Chambre une loi “Frontex” qui autorise l’agence de garde-frontière, plusieurs fois épinglée pour atteinte aux droits humains, à intervenir aux points frontaliers belges (gares internationales, ports, aéroports). Les agent·e·x·s Frontex pourront ainsi effectuer des contrôles d’identité, et contraindre des personnes à l’expulsion ,sans risque de sanctions, en raison de l’ambiguïté qui persiste autour de leur encadrement et de leur responsabilité juridique. Les agent·e·x·s Frontex déployé·e·x·s seront armé·e·x·s et autorisé·e·x·s à faire usage de la force. Le Conseil d’Etat avait émis des réserves à ce titre [25].
Ces contrôles d’agent·e·x·s européen·ne·x·s risquent encore d’augmenter les contrôles au faciès visant les personnes racisées et faciliter les violences policières vu le passe-droit que semble avoir concédé cette loi à l’agence européenne. Cette loi décriée par de très nombreuses associations a été soutenue par tous les partis de la coalition Vivaldi : écologistes, socialistes, libéraux et chrétiens-démocrates flamands compris. [26]
Sources
[11] Rediffusion RTL TVI des ‘Punchers’ avec Christophe Deborsu, ‘Le président du PS Paul Magnette face aux Puncheurs: l’intégralité de l’interview’ disponible sur https://www.rtl.be/ De 15 :02 minutes à 15 :27 publié le 31/01/2023 https://www.rtl.be/page-videos/belgique/le-president-du-ps-paul-magnette-face-aux-puncheurs-lintegralite-de-linterview/2024-01-31/video/632939
[11bis] Extrait de l’émission Les Punchers sur RTL TVI sur l’Instagram de Paul Magnette @paul_magnette, effacé depuis la fin de la campagne électorale. https://www.instagram.com/p/C5TsOShtK6K/
[12] Francis D. Boateng, Daniel K. Pryce & Joselyne L. Chenane ‘I May Be an Immigrant, but I Am Not a Criminal: Examining the Association Between the Presence of Immigrants and Crime Rates in Europe’ disponible dans Journal of International Migration and Integration, publié le 4 novembre 2020 https://link.springer.com/article/10.1007/s12134-020-00790-1
[13] Jean François Noulet, ‘À Jeudi en Prime, le secrétaire d’Etat à l’Asile et la migration, défend le dispositif d’accueil des réfugiés ukrainiens’ disponible sur https://www.rtbf.be/article/ , publié le 3 mars 2022 https://www.rtbf.be/article/a-jeudi-en-prime-le-secretaire-d-etat-a-l-asile-et-la-migration-defend-le-dispositif-d-accueil-des-refugies-ukrainiens-10947629
[14] Belga, “Crise de l’accueil : la Belgique sévèrement épinglée par Amnesty International”, disponible sur https://www.lecho.be/, publié 28 mars 2023. https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/general/crise-de-l-accueil-la-belgique-severement-epinglee-par-amnesty-international/10456836.html
[15] Cécile Vanderstappe, “ Ni juste ni plus humaine : la politique migratoire de la Vivaldi n’est pas à la hauteur de ses engagements”, disponible sur https://www.cncd.be/ publié le 29 mai 2024.https://www.cncd.be/Ni-juste-ni-plus-humaine-la
[16] Kevin Dupont, “Pourquoi les Ukrainiens sont-ils mieux accueillis que les autres réfugiés ?”, disponible sur https://www.moustique.be/, publié le 7 mars 2022 https://www.moustique.be/actu/monde/2022/03/07/pourquoi-les-ukrainiens-sont-ils-mieux-accueillis-que-les-autres-refugies-230139
[17] Dépêche Belga (édité par Maxime Willocx, ‘Manifestation ce vendredi à Bruxelles dénonçant « les morts en centres fermés”’, disponible sur https://www.rtbf.be/, publié le 19 janvier 2024 https://www.rtbf.be/article/manifestation-ce-vendredi-a-bruxelles-denoncant-les-morts-en-centres-fermes-11315821
[18] Administrateur de Getting The Voice Out ‘Centre fermé de Jumet : la rhétorique raciste de Magnette pour justifier ses arrangements avec De Moor’, disponible sur https://www.gettingthevoiceout.org/ publié à al suite du Conseil communal de Charleroi du 19 février 2024(https://www.charleroi.be/vie-communale/conseil-communal#376608-videos-des-conseils-communaux) https://www.gettingthevoiceout.org/centre-ferme-de-jumet-la-rhetorique-raciste-de-magnette-pour-justifier-ses-arrangements-avec-de-moor/
[19] Clément Bacq, Les vrais chiffres de la crise de l’asile en Belgique, disponible sur https://www.lecho.be/ publié le 30 septembre 2023 https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/federal/les-vrais-chiffres-de-la-crise-de-l-asile-en-belgique/10496075.html
[20] Ugo Santkin, ‘« Pourquoi la Belgique refuse de respecter les décisions de justice concernant la situation des migrants ? »’, disponible sur https://www.lesoir.be/ publié le 19 janvier 2024 https://www.lesoir.be/572480/article/2024-03-05/pourquoi-la-belgique-refuse-de-respecter-les-decisions-de-justice-concernant-la
[21] Ugo Santkin, ‘Suspension de l’accueil des hommes seuls demandeurs d’asile : « C’est une violation de l’Etat de droit »’, disponible sur https://www.lesoir.be/, publié le 29 août 2023 https://www.lesoir.be/533969/article/2023-08-29/suspension-de-laccueil-des-hommes-seuls-demandeurs-dasile-cest-une-violation-de
[22] Dépêche Belga, ‘Malgré l’arrêt du Conseil d’Etat, Nicole de Moor maintient sa position de ne pas accueillir les hommes seuls : « Ma politique ne changera pas »’ disponible sur https://www.lesoir.be/, publié le 13 septembre 2023 https://www.lesoir.be/536994/article/2023-09-13/malgre-larret-du-conseil-detat-nicole-de-moor-maintient-sa-position-de-ne-pas
[23] Marion Lefèvre, « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. », disponible sur https://factoscope.fr/, publié le 17 octobre 2019 https://factoscope.fr/factoscope1722/dieu-se-rit-des-hommes-qui-deplorent-les-effets-dont-ils-cherissent-les-causes/
[24] Par Jean-François Herbecq avec Corentin Laurent, Le Parlement européen a voté le Pacte migratoire : quelles sont les mesures de cette réforme ?, disponible sur, publié le 10 avril 2024 https://www.rtbf.be/article/le-parlement-europeen-a-vote-le-pacte-migratoire-quelles-sont-les-mesures-de-cette-reforme-11356806
[25] Projet de loi Frontex : Analyse coalition Move, disponible sur https://movecoalition.be/, publié en avril 2024 https://movecoalition.be/wp-content/uploads/2024/04/Projet-de-loi-Frontex-Analyse-Coalition-Move.pdf
[26] David Coppi, Retours forcés d’étrangers : la Chambre adopte la loi « Frontex », disponible sur https://www.lesoir.be/ publié le 3 mai 2024 https://www.lesoir.be/585317/article/2024-05-03/retours-forces-detrangers-la-chambre-adopte-la-loi-frontex
par racism-search | Nov 13, 2024 | politique
Pierre-Yves Jeholet, agression raciste en direct
Invités d’une émission de débat sur RTL TVI, Pierre Yves Jeholet (MR), Ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et Nabil Boukili (PTB), député bruxellois, se voient poser une question sur le port du voile. Pierre-Yves Jeholet répond d’emblée en invoquant la neutralité de l’Etat pour interdire le port du foulard dans la fonction publique.
Tout en se disant “fort inquiet de l’évolution” qu’incarne la non-interdiction de l’abattage rituel à Bruxelles ou les demandes de pauses pour pouvoir prier durant les heures de travail, par exemple. Il finit en disant “je suis pour le droit à la différence mais contre la différence des droits” [1].
Nous pouvons déjà nous arrêter ici pour nous questionner sur les liens entre la pratique de sa religion en ayant le droit de manger halal sans devoir l’importer ou en priant en entreprise, qui relève de la liberté religieuse et la neutralité de l’Etat.
En Belgique, la neutralité oblige l’Etat à rester impartial vis-à-vis des convictions philosophiques et religieuses de ses citoyen·ne·x·s. Cependant, depuis plusieurs années nous constatons que cette neutralité de l’Etat est souvent instrumentalisée pour justifier des restrictions sur le port du foulard même lorsque ces restrictions vont à l’encontre de la liberté d’expression et de religion comme l’a souligné à multiples reprises Amnesty international.
Dans un système inégalitaire et raciste, le droit à la différence implique que les différences stigmatisées soient protégées par des politiques publiques pour garantir l’égalité des droits des citoyen·ne·x·s.
Nabil Boukili prend ensuite la parole en affirmant qu’il ne faut pas discriminer les femmes sur leur habillement. Il affirme que de telles politiques sont appliquées en Iran et ce n’est pas ce à quoi les Belges aspirent. M. Jeholet le coupe alors net et dit, énervé, d’un ton autoritaire :
“Vous n’allez pas nous donner des leçons en Belgique hein ! Il y a des règles, on les respecte; si ça ne vous plaît pas, vous n’êtes pas obligé de rester en Belgique.”
– Pierre-Yves Jeholet
Or, Nabil Boukili est belge. Député d’une région belge, il est un représentant, élu par des milliers de citoyen·ne·x·s belges, au même titre que Pierre-Yves Jeholet. Il a le pouvoir, à ce titre, de faire des amendements; et, s’ils sont votés, de changer les “règles”. En outre, M. Boukili n’a pas moins le droit de donner “des leçons en Belgique” sur les personnes portant le voile que M. Jeholet. Patrick Charlier, le directeur du Centre interfédéral pour l’égalité des chances et la lutte contre la discrimination (Unia) a dénoncé ce discours raciste et xénophobe mais qui ne serait pas punissable car seules les incitations à la haine, à la violence et à la discrimination le sont en Belgique. Selon M.Charlier, il s’agit ici plutôt d’une insulte basée sur son origine qu’on peut assimiler au racisme ordinaire. [2]
Alors pourquoi est-ce que M. Jeholet renie le droit de M. Boukili sur la question, et émet cette invitation à quitter la Belgique ? Dans une perspective raciste de la nation européenne aux traditions chrétiennes, les personnes non-blanches sont considérées comme n’étant “pas vraiment belges”, toujours étrangères au corps national qui serait blanc et chrétien. Elles seraient issues d’une culture trop différente, autre. Cette conception altérisante se retrouve dans le racisme anti-musulman [3]. Le racisme anti-musulman conçoit la culture musulmane comme contraire à la culture occidentale en se basant sur les guerres passées, les croisades notamment, et l’imaginaire de deux cultures irréconcialbles qui en découleraient, en ignorant des siècles de coopération et de commerce. [4]
Refus de la publication du Rapport : l’amnésie coloniale
Souvenez-vous, en 2020, dans la foulée des manifestations Black Lives Matter (BLM) à Bruxelles, une Commission parlementaire chargée de traiter le passé colonial belge a été créée.
En 2022, les partis MR, Open VLD et CD&V avaient choisis de quitter la salle où se tenait la commission lors du vote des recommandations au gouvernement car l’une d’elle appelait le gouvernement à demander pardon pour la colonisation. Or ces partis ne voulaient pas aller plus loin que la position du Roi et ses “profonds regrets”. [5]
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Plus d’un an après la clôture des travaux de la Commission spéciale “Passé colonial” en janvier 2024, une nouvelle séquence s’est ouverte. En effet, le rapporteur du MR, Benoît Piedboeuf avec un autre co-rapporteur, pour le Vlaams Belang, refusaient la publication du Rapport, pourtant produit par de l’argent public.
En tant qu’association anti-raciste, nous rappelons souvent que la connaissance de l’histoire et du passé colonial belge constitue un outil essentiel pour réduire les discriminations raciales subies par les personnes d’ascendance africaine. Cette démarche permet également un véritable travail de mémoire et de reconnaissance des souffrances infligées aux anciens peuples colonisés. Dans cette perspective, vouloir cacher des informations sur l’histoire coloniale et la décolonisation du pays s’inscrit dans une logique coloniale, et donc raciste. Cela empêche du savoir sur la question d’être produite, et à la mémoire d’être transmise, ce qui permet à des massacres analogues d’être répétés encore aujourd’hui.[6]
→ Pour plus d’informations voir :
- Cinq têtes coupées, Massacres coloniaux : enquête sur la fabrication de l’oubli de Daniel Schneidermann
- La gangrène et l’oubli : mémoire de la Guerre d’Algérie de Benjamin Stora.

Enfin, par ce refus de publications, le gouvernement renie également le processus démocartique, visant la réconciliation, entamé par les manifestations BLM et le droit aux personnes de connaître leur histoire. Il s’assoit ainsi sur une mobilisation sociale importante et participe activement à entraver un processus de décolonisation.
Sources
[1] ‘ »Vous n’êtes pas obligés de rester en Belgique »: le dérapage de Pierre-Yves Jeholet face à Nabil Boukili’ disponible sur https://www.rtl.be publié le 2 juin 2024 à 13h42, https://www.rtl.be/page-videos/belgique/vous-netes-pas-obliges-de-rester-en-belgique-le-derapage-de-pierre-yves-jeholet/2024-06-02/video/675244
[2] Pascal Martin, ‘Jeholet attaque Boukili dans un débat sur le voile: « Des propos racistes et xénophobes mais pas punissables », selon Unia, disponible sur https://www.lesoir.be/ publié le 2 juin 2024, https://www.lesoir.be/592130/article/2024-06-02/jeholet-attaque-boukili-dans-un-debat-sur-le-voile-des-propos-racistes-et
[3] Laurye Joncret, ‘Laïcité ou islamophobie ? De la Belgique à la France, le brouillage des catégories racistes’, disponible sur https://theconversation.com/ publié le 2 octobre 2023 , https://theconversation.com/la-cite-ou-islamophobie-de-la-belgique-a-la-france-le-brouillage-des-categories-racistes-214280
[4] Gérard Noiriel, ‘Le racisme anti-arabes et ses anchrages historiques’, disponible sur https://www.reseau-canope.fr/, https://www.reseau-canope.fr/eduquer-contre-le-racisme-et-lantisemitisme/racisme-anti-arabes.html
[5] Communiqué ‘ Passé colonial: Open-VLD et MR n’adoptent pas les conclusions de Wouter De Vriendt’ disponible sur https://www.mr.be/ publié le 19 décembre 2022, https://www.mr.be/passe-colonial-open-vld-et-mr-nadoptent-pas-les-conclusions-de-wouter-de-vriendt/
[6] Colette Braeckman et Fanny Declercq, ‘Les coulisses du désaccord sur le rapport décolonisation’ disponible sur https://www.lesoir.be/ publié le 27 janvier 2024, https://www.lesoir.be/564220/article/2024-01-27/les-coulisses-du-desaccord-sur-le-rapport-decolonisation