White Privilege

White Privilege

Le White Privilege

Je suis née blanche comme d’autres sont nés hommes. […] Le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. »

1. Définition du concept

S’agissant d’un concept faisant beaucoup grincer les dents et étant vivement débattu dans l’espace public, nous jugeons utile d’aborder la problématique du “ white privilege ». 

Tout d’abord, il est important d’avoir en tête la définition du mot privilège. Selon le dictionnaire Le Robert,  le privilège est  un “ droit, avantage particulier accordé à un individu ou à une collectivité, en dehors de la loi commune” [1] .

Ainsi, tout être humain, de manière générale, est soumis à des privilèges qui peuvent être directement liés à son apparence, à son appartenance ethnique ou encore à sa classe sociale.

Quand on parle de privilège blanc, de blanchité, on ne vise donc pas à accuser les personnes blanches d’être blanche, mais plutôt à souligner les privilèges dont elles diposent dans un monde où le racisme systèmique* prévaut [2]. 

En effet, la blanchité permet de tirer avantage involontaire, voire inconsciemment , du fait que d’autres personnes soient racisées donc discriminées” [3].

Enfin, nous pouvons reprendre la définition du “privilège blanc” utilisée par la ligue des droits et liberté qui nous semble assez précise et consise; c’est  un ensemble d’ « avantages invisibles mais systématiques dont bénéficient les personnes dites « Blanches » uniquement parce qu’elles sont « Blanches » [3].

* Voir article “ qu’est-ce que le racisme? ” pour les différents types de racisme.

2. Apparition du terme en Amérique

Le terme “white privilege”, traduit en français comme privilège blanc, est apparu aux États-Unis à partir des années 60, par les activistes et universitaires [4]. C’est pourtant Peggy McIntosh, féministe, activiste blanche et auteure en 1989 de l’article “ White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack” *, qui théorise le concept. Elle énumère des exemples concrets de ce que représente le privilège blanc. [4] 

“Becoming an ally to those who are not very good at making it through the system is a great way of using what privilege you do have to help those who have less,” Peggy McIntosh, associate director of the Wellesley Centers for Women, told her Harvard audience. McIntosh was on campus to present the second in a series of diversity dialogues hosted by the Faculty of Arts and Sciences.

Katie Koch, « Using privilege helpfully' », The Harvard Gazette, photographiée par Stephanie Mitchell, publié le 19 décembre 2012, disponible sur https://news.harvard.edu/gazette/story/2012/12/using-privilege-helpfully/

Mais qui est-elle? Née en 1934, Peggy McIntosh grandit dans une famille aristocratique dans le New Jersey. Elle étudie à Radcliffe et obtient un doctorat d’anglais à Harvard [7]. Son ouvrage reste un appui théorique couramment utilisé en sociologie [8].

Dans son article, on lui reproche pourtant de mélanger dans certains points de sa liste le “privilège blanc” et le privilège de sa classe sociale. [4] Cette critique permet de concevoir la connexion entre ces deux luttes et repenser au concept d’ ”intersectionnalité”, popularisé par la sociologue Patricia Hill Collins, féministe noire [8]. 

3. Une période tumultueuse

L’émergence du concept et sa revendication apparaît dans une période tumultueuse et représente une nécessité. Les “sixties” représentent une période de changements et de luttes pour les Afro-descendants aux Etats-Unis. 

En effet, durant cette décennie, les luttes pour l’égalité entre les “races” ont permis le début d’une “déségrégation” de la vie quotidienne des Noirs américains avec la loi sur les droits civiques de 1964 adoptée par le président Lyndon Johnson qui abolit certaines discriminations liées à la race. [5] Néanmoins, le chemin est long et périlleux; les Noirs continuent à subir des discriminations à l’embauche, à l’accès à l’enseignement, dans les lieux publics *, au droit de vote, etc. [5]

Plusieurs mouvements de luttes pour l’égalité des races émergent. Le mouvement  afro-américain des droits civiques (entre 1954-1968) en est un et manifeste contre l’inégalité de traitement entre les ”races”. Martin Luther King  -pasteur américain- en est l’emblème et est assassiné en 1968. [6] Cet exemple, parmi d’autre, permet de rendre compte d’une prise de conscience et d’une pensée générale qui a amené à conceptualiser “le privilège blanc”. 

Depuis les années 2000, ce terme s’est vulgarisé et s’est installé dans l’espace public [4] Précurseur d’une nouvelle façon d’appréhender le racisme, le concept amène de nombreux débats.

3. Controverse et débat dans l’espace public

La notion de privilège blanc a profondément divisée. Ce terme utilisé pour illustrer l’expérience des personnes racisées et les effets du racisme a été jugé comme une attaque, une arme à l’encontre des personnes blanches. 

Tout d’abord, ce terme apparaît, pour certains, comme un outil “contre-productif” en ce qu’il renforce la distinction entre personnes racisées et non racisées. [9] C’est ainsi que nous avons pu apercevoir des réactions vives de haine ou d’incompréhension, criant au “reverse racism” ou à la victimisation des personnes racisées. 

Or, le sociologue Eric Fassin, co-auteur de “De la question sociale à la question raciale”, rappelle qu’il ne s’agit pas d’une notion qui entérine les inégalités raciales mais au contraire il s’agit d’un concept qui contribue à mettre en lumière le racisme. Ainsi, selon ce dernier, “il est important de rappeler que les racisés ne sont pas définis par leur couleur de peau, mais par leur expérience similaire du racisme. Quand on est un parent racisé, on ne s’inquiète pas de la même manière quand nos ses enfants rentrent un peu tard le soir. Ça ne veut pas toujours dire qu’on a raison de craindre le racisme, mais la charge réside dans le fait d’avoir à se poser la question. En tant que blanc, si on me refuse un appartement, je ne me dirais pas que c’est pour cette raison. C’est un privilège.” [11]

Ensuite, certains refusent d’accepter ce concept en raison des différences historiques entre les Etats-Unis et les pays européens. Force est néanmoins de reconnaître que le privilège blanc est bel et bien une conséquence des inégalités raciales, et ce peu importe le lieu. Tel que la sociologue française Claire Cosquer l’exprime, “l’existence d’inégalités suppose donc, en toute logique, l’existence de privilèges. Dès lors, dire que le « privilège blanc » n’existe pas en France revient de façon rigoureusement identique à affirmer que le racisme n’existe pas en France”. [10] (Ce même constat peut être appliqué en Belgique). 

Sources 

[1] Le Robert, dictionnaire en ligne , consulté le 10 juillet 2021, disponible sur www.lerobert.com,
[2] M.Cervulle “la conscience de domination.Rapports sociaux, race et subjectivation”, Cahier du genre, 2012/2, n°53, pp.38-39.
[3] A. Pierre, “ Ligue des droits et libertés, “Mots choisis pour réfléchir au racisme et à l’antiracisme ”, Revue des droits et libertés, automne 2016, disponible sur www.liguedesdroits.ca 
[4] L. Quiroz, “Le “privilège blanc” : une notion contre-productive pour combattre le racisme ?”, disponible sur https://www.gaucheanticapitaliste.org, publié le 21 novembre 2017. 
[5]V. Laroche-Signorile, “Ségrégation et discrimination aux Etats-Unis dans les années 60”, disponible sur https://www.lefigaro.fr, publié le 20 février 2015. 
[6] U. N'Gbatongo, “Les mouvements afro-américains des droits civiques des années 1960”, disponible sur https://les-yeux-du-monde.fr, publié le 27 mai 2018. 
[7]W. Ray, “ “Privilège blanc” : ce qui se cache derrière le slogan”, disponible sur https://www.lepoint.fr, publié le 30 septembre 2018. 
[8]N. Lisa Cole, “Understanding and defining White privilege”, disponible sur https://www.thoughtco.com, publié le 22 juin 2020.
[9] C. Simon, “Antiracisme : quatre questions à se poser sur le concept de “privilège blanc””, disponible sur https://www.leparisien.fr, publié le 10 juin 2020. 
[10] C. Cosquer, “ L’expression de “privilège blanc” n’est pas dénuée de toute pertinence pour penser le contexte français”, disponible sur www.lemonde.fr, publié le 16 juin 2020. 
[11] O. Diallo, “ Eric Fassin : “Les racisés ne sont pas définis par leur couleur, mais par leur expérience du racisme”, disponible sur https://information.tv5monde.com, publié le 28 avril 2020. 
Racisme Anti-Blanc

Racisme Anti-Blanc

Racisme Anti-Blanc

 

1. Racisme ou Discrimination ?

Nous trouvons nécessaire de commencer par faire un renvoi à notre article « Qu’est-ce que le racisme » [1] où nous vous expliquions les différentes formes qui caractérisent le racisme et la différence qui existe avec la discrimination. Dans cet article, nous insistions déjà sur le fait que le racisme repose sur la croyance qu’il existe différentes « races » classées hiérarchiquement entre elles. Et, comme nous l’expliquons dnas notre dernier article, cette hiréarchie produit des désavantages pour les personnes racisées ainsi que des avantages pour les personnes blanches. Ce phénomène est appelé le « White Privilege ». Comme l’exprimait déjà la chercheuse américaine Peggy MacIntosh dans les années 90, en étant considéré comme faisant partie de la « race » dominante, elle ne pouvait, en tant que blanche subir du racisme et être discriminée pour un logement ou un emploi à cause de sa couleur de peau [2].

Il est important de souligner que nous ne cherchons pas à décrédibiliser l’expérience des victimes de discrimination. Mais « ces actes individuels sont généralement perpétrés par une personne isolée et ne peuvent pas être comparées ou assimilés à du racisme » au vu de l’ancrage historique et systémique que porte le racisme [3]. Dans un interview pour France Culture, le sociologue Eric Fassin appuie sur cette différence. Selon lui, « dire que traiter de ‘sale blanc’ ou traiter de ‘sale noir’ c’est le mëme chose, c’est faire comme si, quand on disait ‘sale blanc’ ça résonnait avec toute une histoire, avec toute une expérience sociale ordinaire et avec tous les discours politiques » [4]. Alors que le discrimination  ne revët qu’une dimension interpersonnelle, le racisme englobe à la fois des dimensions interpersonnelles, interstructurelles, institutionnelles et systémiques [5]. La domination sociale des personnes blanches étant toujours actuelle, être insulté·e·x parce qu’on est blanc sera donc perçu comme une discrimination mais ne pourra ëtre comparable au racisme systématique, perpétuel et généralisé que subissent les personnes racisées [6].

 

2. L’Émergence du Terme « Racisme Anti-Blanc » Dans Divers Milieux

En France, parler du racisme anti-blanc n’est pas sans lien avec la montée du Front National depuis plus de vingt ans. Jean-Marie Le Pen déclare en 1985, avec d’autres mots: « Je condamne tous les racismes, y compris le racisme anti-Français. C’est celui là qui, dans ce pays, sévit le plus gravement » [7]. En effet, face aux nombreux mouvements anti-racistes, le sociologue Erwan Lecoeur explique le contre-coup tenté par le FN pour dénoncer des accidents qu’il dénonce de dommages du « racisme-anti-blanc ». Il s’agit selon lui, d’une technique de persuasion politique [7].

Le monde du football a également amené la question sur la table lorsque le footballeur français Lilian Thuram dans une interview au Corriere dello Sport s’est positionné sur le racisme présent dans le milieu [8]. Il déclare également « Il est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être. C’est quelque chose qui dure malheureusement depuis des siècles [9]. Le commentateur Pierre Ménès répond plusieurs semaines suivant l’incident que le « problème en France, en tout cas dans le foot, c’est le racisme anti-blanc » [9]. L’amalgame s’est rapidement retourné contre Lilian Thuram et il dois de défendre en parlant du « complexe de supériorité » des blancs [8].

 

3. Le lien avec la fragilité blanche

Il pointe là ce qu’on appelle la fragilité blanche. Concept fondé en 2018 par l’auteure Robin Di Angelo, sociologue de l’éducation multiculturelle, la fragilité blanche représente la difficulté des personnes non-racisées à parler et assumer le racisme dans lequel ils sont impliqués. Il représente ce mécanisme de défense qu’ont les Blancs quand on parle de racisme, lorsqu’ils se sentent associés à la suprématie blanche et ses dérives « visibles » [10]. Il est important de noter que ce système est une réaction très souvent inconsciente et qui est fortement liée au malaise des Blancs face au « stress racial » ou plus largement, face aux discussions portant sur le racisme.

Ainsi, « … l’on croit que les actes racistes sont uniquement commis par de mauvaises personnes souhaitant sciemment en heurter d’autres, alors pointer du doigt le comportement raciste de quelqu’un remet en question sa moralité. » [11] . Nous pouvons ainsi créer un lien avec le racisme anti-blanc. Chaque personne a sa perspective et connaît sa propre expérience du racisme. Néanmoins, tel que l’explique la journaliste Paloma Soria Brown, le racisme est tout d’abord une question d’équilibre des pouvoirs et « lorsque l’on est en situation de pouvoir, on peut utiliser ses sentiments pour détourner l’attention du vrai problème et conserver ce pouvoir » [11].  En invoquant le racisme anti-blanc, une comparaison est opérée avec le racisme, décrédibilisant ainsi les expériences des personnes racisées pour qui les conséquences du système racial se fait plus lourdement ressentir.

 

Sources

[1] https://racism-search.be/uncategorized/quest-ce-que-le-racisme/
[2] N. Rousseau, "Le racisme anti-blanc n'existe pas!", disponible sur www.bepax.ors, publié le 28 octobre 2016.
[3] B. Betty, "Pourquoi le racisme anti-blanc n'existe pas!", disponible sur www.metly.fr publié le 18 février 2020.
[4] E. Mourgues "Le racisme anti blanc n'existe pas. Ça n'a pas de sens pour les sciences sociales", disponible sur www.franceculture.fr, publié le 10 octobre 2018
[5] R. Duallo, "Pourquoi le racisme anti-blanc n'existe pas", disponible sur www.regards.fr, publié le 27 septembre 2018
[6] Tapage, "Le VRAI/FAUX du racisme", disponible sur www.tapage-mag.com publié le 10 juin 2020
[7] J. Jarrassé, "Le racisme anti-Blanc un concept hérité du FN", disponible sur https://www.lefigaro.fr, publié le 26 septembre 2012
[8] M. Fourny, "Racism: Lilian Thuram recadré par la Licra pour des propos anti-Blancs", disponible sur www.lepoint.fr publié le 6 septembre 2019
[9] C. Dieng, "Lilian Thuram et le racisme anti-Blanc: ce faux prétexte pour précipiter la Guerre Civile en France", disponible sur www.lecourrier-du-soir.com, publié le 8 septembre 2019
[10] Courrier International, "La fragilité blanche, une notion qui fait réfléchir les Américains", disponible sur https://www.courrierinternational.com, publié le 4 juin 2020
[11] P. Soria Brown, "Robin DiAngelo: Les Blancs se protègent, eux et leur racisme, pour maintenir le statu quo", disponible sur www.liberation.fr, publié le 14 juillet 2020.