par racism-search | Juin 6, 2022 | Citations, Mini-Séries
Citation intéressante : “Je ne connais pas une actrice, quelle que soit sa couleur de peau, qui n’a pas été confrontée à des stéréotypes”
Actrice, humoriste, et productrice de cinéma, elle compte parmi celles qui brisent l’omerta sur les discriminations des femmes noires au sein du cinéma français.
Aïssa Maïga naît en 1975 à Dakar au Sénégal, et est éduquée par son père qui l’élève seul. A ses quatre ans, ils s’installent à Paris. Son père meurt alors qu’elle a 7 ans. Journaliste engagé, il avait participé à la première révolution burkinabée organisée par Thomas Sankara dans les années 1980. Elle est alors élevée à Paris par son oncle et sa tante. (1)
Malgré, ses longues années passées dans la capitale française, elle se sent encore stigmatisée en raison de ses origines. Elle a déclaré à Afrique Magazine “Je vis à Paris depuis plus de trente ans, c’est absurde d’être toujours définie par mes origines ou mon pays de naissance. Si je suis consciente que ce qui est dit est une vérité, je refuse d’être réduite à ça. Aujourd’hui, par chance, je commence à y échapper.” (2)
Elle découvre sa passion pour la comédie au collège en jouant dans une pièce organisée par une de ses professeures. À l’âge de 19 ans, elle intègre un projet artistique au Zimbabwe dans lequel elle y découvre les pièces engagées, des comédiens locaux et le théâtre d’intervention. Sa passion pour la comédie ne cesse de s’amplifier; c’est alors qu’elle décide de faire de la comédie sa vocation. Mais en France, elle est rapidement déçue de découvrir qu’elle n’a pas l’accès au répertoire de rôles classiques. En effet, lui sont constamment proposés des rôles qui renvoient aux stéréotypes coloniaux de “la femme noire” : sans papiers, infirmières, baby sitters, prostituées, femmes hypersexualisées… Jamais avocate, ni médecin.
« J’ai commencé à aller dans des castings. C’était soit mon agent qui s’en prenait plein la gueule, soit moi-même. Les gens lui disaient : “t’es conne ou quoi, on t’a demandé une comédienne de 20 ans, on t’a pas demandé une noire”. J’ai une palette de jeu aussi riche qu’une actrice blanche. Partant de là, je peux tout jouer : je ne suis pas juste une sans-papier » (3)
[a][b]
Finalement, en 2007, elle est nommée dans la catégorie des César du meilleur jeune espoir féminin, grâce à son rôle principal dans Bamako. Elle explique que 2007 est l’année où on réalise que la France a un visage multiculturel qui nécessite d’être représenté au cinéma. Mais malheureusement depuis, les choses n’ont pas tant changé. Si en effet cette nomination lui permet de se créer un réseau, et d’accéder à de nouveaux rôles, en réalité, elle est une des rares actrices noires française à avoir réussi à maintenir cette célébrité. (1)
En 2018, elle fait paraître un ouvrage intitulé Noire n’est pas mon métier, qui regroupe un collectif de seize femmes noires ou métisses témoignant de leur expérience dans le monde du 7ème art, et dénonçant les rôles restreints qui leur sont attribués. Ce manifeste est un appel à une représentation plus juste de la société française au cinéma, au théâtre, à la télévision, et dans la culture en règle générale. (4)
Lors de la cérémonie des Césars 2020, Maïga livre un discours dénonçant le manque de diversité du cinéma français. Elle déclare : “On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes ménages à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées… Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille.” (5)
Pour répondre aux réactions que suscitent son discours, qualifié “gênant” et “mal placé”, elle explique dans une interview au Huffington Post : “Le malaise se sont les chiffres qui disent que les noirs, les arabes, les asiatiques à l’écran sont surreprésentés dans les rôles à caractère négatif. Le malaise n’est pas une actrice qui vient dénoncer ça sur la scène des César” (6)
Pour changer le cinéma à la française, elle propose l’instauration de quotas, d’incitations financières, un cahier des charges très précis auprès des chaînes de télé publique. Elle incite au dialogue pour trouver des solutions en France. (7)
Elle s’engage notamment à libérer la parole sur les violences faites aux femmes et aux enfants. Elle déclare avoir vécu l’inceste à l’âge de 15 ans par son oncle. Pour elle, cette prise de parole était nécessaire pour poursuivre ses luttes : “Je sais que je n’aurais pas pu prendre la parole de façon aussi frontale sur les questions du racisme et de discrimination si je n’avais pas d’abord effectué cette traversée-là.” (8)
Aujourd’hui, Aïssa Maïga vient de terminer son documentaire Regard Noir, diffusé le 16 mars 2021 sur Canal +. Inspiré de Noire n’est pas mon métier, elle élargit son sujet sur la question des rôles attribués aux acteurs.trices noir.e.s en posant son regard sur le continent américain. (8)
1. Rokhaya Diallo, “Bet talk – Aïssa Maïga” : interview avec Aïssa Maïga,
Bet talk, 09/10/18 https://www.youtube.com/watch?v=snHR8X7KCO4
2. Yasmin Brahim, “Aïssa Maïga”, Afrique magazine, 07/16 https://www.afriquemagazine.com/aissa-maiga
3. Aïssa Maïga – Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Aïssa_Maïga
(4) di Alexandra du Boucheron & Sandrine Etoa-Andegue, “ “Noire n’est pas mon métier” : 16 actrices signent un livre-manifeste pour une représentation plus juste au cinéma”, France Info, 03/05/2018, https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/noire-n-est-pas-mon-metier-16actrices-signent-un-livre-manifeste-pour-une-representation-plus-juste-au-cinema_2735277.html
(5)Aïssa Maïga, Discours aux César, Canal +, 28/02/2020 https://www.facebook.com/canalplus/videos/1108613199477617/
(6) “Aïssa Maïga revient sur le « malaise » de son discours aux César 2020”, Huffington Post 11/03/20 , https://www.youtube.com/watch?v=DaaM6TKW5k4
(7) interview à France Culture https://www.franceculture.fr/cinema/aissa-maiga-noire-nest-pas-son-metier
(8) Françoise-Marie Santucci, “Aïssa Maïga, “Toutes les luttes se rejoignent” ”, Marie Claire, 22/03/21, https://www.marieclaire.fr/aissa-maiga-interview-racisme-cinema-francais-inceste,1371407.asp
[a]( océ) vu que c’est une citation qui fait plus 1page 1/2 s’il faut supprimer un passage pt celui là mais sinon je trouve ça trop bien ! bravo pour votre travail 😀
[b]Voilà j’ai un petit peu raccourci. Jsp si c’est assez.
par racism-search | Juin 6, 2022 | Citations, Hypersexualisation, Intersectionalité
Chin Chang Chong, Cela Ne veut pas seulement dire que tu es différent, mais aussi que tu es moins bien.
Grace Ly

Daisy Singh-Greaves, 2020, NüProfile: Grace Ly speaks about Chinese identities in France, anti-Asian racism, and exploring culture through food, NüVoices, accessed 01.01.2024, https://nuvoices.com/2020/08/25/nuprofile-grace-ly-speaks-about-chinese-identities-in-france-anti-asian-racism-and-exploring-culture-through-food/
Née à Grenoble, en Isère, Grace Ly est connue en France et en Belgique notamment pour son ouvrage “Jeune fille modèle”. En effet, Grace Ly est autrice mais aussi réalisatrice, podcasteuse et engagée dans la lutte contre le racisme que subit la communauté asiatique [1].
Ses parents ont dû fuir le Cambodge dans les années 70 à cause du génocide causé par de la dictature des Khmer rouge alors qu’ils étaient encore étudiants en médecine. Ils déménagent donc en France et s’installent à Paris lorsque Grace Ly a 6 ans [2]. Elle subit des discriminations pendant tout son cursus scolaire à cause de sa soit disant “différence”. Victime d’un racisme ordinaire qui est souvent banalisé, petite, elle voulait changer qui elle était pour rentrer dans la norme, être une jeune fille blanche [3].
Elle obtient son bac en 1996 et entame des études de droit. Elle se spécialise en droit de la propriété intellectuelle et une fois son master en poche, déménage en Angleterre pendant 4 ans à partir de 2004 et obtient son barreau et devient officiellement avocate en 2010 [3].
Elle s’est vite rendu compte que le métier n’était pas pour elle et qu’elle avait surtout choisi cette filière pour faire plaisir à ses parents. Après huit ans dans une entreprise de divertissement, elle décide de changer de voie et se lance dans ce qui lui correspond vraiment, l’écriture. Selon elle, c’est grâce à sa première maternité qu’elle a décidé d’être plus heureuse [4]. Elle commence la rédaction dans un blog de cuisine en 2011, “Petite banane”. Ce nom est une référence à l’histoire de tout asiatique tenu de s’intégrer dans une culture autre que la sienne. Tel que l’explique Ly, la banane représente le tiraillement entre la culture asiatique et la culture occidentale. Il s’agit d’un terme utilisé pour exprimer “jaune à l’exterieur et blanche à l’intérieur”. [2, 5]. Par la suite, elle crée avec Rokhaya Diallo – journaliste – le podcast “kiffe ta race” qui discute des thématiques du féminisme intersectionnel et du racisme. Les deux créatrices font toutes deux part de leurs expériences vécues sur le terrain. [6]. En 2018, son ouvrage “Jeune fille modèle” est publié chez les éditions Fayard. Cet ouvrage représente ce que Grace Ly a vécu en France en tant que jeune fille racisée.
A de nombreuses reprises, Ly a dénoncé le fétichisme et l’hypersexualisation des femmes asiatiques. Elle s’exprime sur les profondes conséquences d’une telle homogénéisation en pointant le bagage émotionnel (les femmes ne se sentent aimées qu’en raison de leur origine) et le sentiment de discrimination et de différenciation (par rapport aux femmes blanches qui sont tenues à un standard différent) [7].
Aujourd’hui, elle dénonce le racisme anti-asiatique qui a resurgi avec la crise sanitaire que nous vivons [8].
Sources
[1] Montanay, J-P., “ Grace ly contre les clichés sur les Asiatiques ”, disponible sur www.lexpress, publié le 18/07/2018.
[2] Belgacem, I., & Gautheron, P., “La communauté Asiatique a fini de fermer sa gueule ”, disponible sur www.streepress.com, publié 09/10/2017.
[3] Jacquel, A., “Grace Ly en lutte contre l’invisibilité des Asiatiques de France”, disponible sur https://www.bondyblog.fr/, publié le 06/06/2018
[4] Callier, C. “Grace Ly, pour que les Asiatiques de France aient enfin voix au chapitre” disponible sur https://madame.lefigaro.fr/, publié le 14/02/2019
[5] Charlotte, D., “Grace Ly, “Je ne suis pas une simple préférence sexuelle”, disponible sur www.leprescripteur.prescriptionlab.com, publié le 07/03/2019.
[6] Eveno, F., “Kiffe ta race” : le podcast fier de ses origines”, disponible sur https://www.rtbf.be, publié le 13/08/2018
[7] Pouré, C., “La Yellow Fever n’est rien d’autre qu’un fétichisme raciste”, disponible sur www.vice.com, publié le 05/08/2018
[8] Durand, C., “Grace Ly : “Je ne laisse plus rien passer” “, disponible sur https://www.marieclaire.fr/, publié le 04/03/2021
par racism-search | Juin 6, 2022 | Uncategorized
Christiane Taubira
“Je vis ! Et que les racistes le sachent, je vis et je vivrai. Et je tiendrai. Il me suffit qu’ils le sachent. Qu’ils multiplient leur violence par un million, je tiendrai encore. Par dix millions, je tiendrai encore. Le monde n’est pas à eux. Les enfants qui me ressemblent ont toute légitimité au monde. Il faudra qu’ils s’y habituent. La lucidité les conduira à voir que les gens qui me ressemblent sont plus nombreux. Et qu’il vaut mieux ne pas trop défier ce monde-là.”
Principalement connue pour son mandat de femme politique française, Christiane Taubira représente une figure du militantisme.
Elle naît à Cayenne en 1952 et est élevée par sa mère, aide-soignante, dans une large et modeste fratrie. Elle poursuit ses études en économie mais également en sociologie et ethnologie afro-américaine en France métropolitaine, à Paris. Durant son parcours académique, elle s’investit dans la lutte pour les droits humains, la libération de Nelson Mandela et soutient le combat d’Angela Davis pour l’égalité et l’attribution de droits civiques aux Noirs américains [5]. Après ses études, elle rentre en Guyane. C’est en tant qu’enseignante en sciences économiques que Christiane commence sa carrière en 1978 et s’y adonne quatre ans [1] [2].
De retour de Guyane, elle s’engage comme militante indépendantiste au sein du Mouvement guyanais de décolonisation, fondé par son mari Roland Delannon . En 1993, elle fonde Walwari – parti politique socialiste guyanais et elle est élue la première femme députée de la première circonscription de Guyane à l’Assemblée nationale [1] [2] [4] [5] .Durant sa carrière, elle s’engage dans divers partis politiques ce pour quoi elle est considérée comme ‘ »un électron libre de la vie politique française”[3].
Cependant, elle reste tout au long fidèle à Walwari qu’elle préside. Elle devient la première femme députée Guyane élue à l’Assemblée nationale en 1994 pour une durée de 5 ans. Elle est également nommé membre de l’Observatoire de la parité Homme/Femme[a] deux années de suite (en 1999 et en 2002) [4].
La loi “tendant à la reconnaissance, par la France, de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité”[b] a été adoptée en 2001 suite à la proposition par Christiane Taubira en 1998. Pourtant, la loi Taubira fait émerger les critiques de nombreux politiques et historiens. Un an plus tard,
Christiane Taubira représente en tant que vice-présidente [c]le Parti radical de gauche pour l’élection présidentielle de 2002 [2] [4].
En 2007, elle accompagne Ségolène Royal dans sa campagne à la présidence et elle intègre également l’équipe de campagne de François Hollande pour les élections de 2012. [4]
Entre 2012 et 2016, elle est ministre de la Justice du gouvernement Ayrault et devient la première femme noire à diriger le ministère [5]. Elle est principalement populaire pour sa défense de la loi sur le mariage pour tous, adoptée en 2013 en France.
Christiane Taubira est également l’auteure d’ouvrages reconnus, notamment L’eslavage raconté à ma fille (2002)[d] [4]
Taubira candidate en 2022? Aucune annonce officielle n’a encore été faite, mais sollicitée par plusieurs comités ainsi que par son ancien parti, Mme Taubira pourrait bel et bien devenir candidate aux élections. Elle a réussi à obtenir suffisamment d’intentions de votes pour arriver en tête. Selon les membres du collectif Taubira 49, les axes principaux de sa campagne seraient le développement social, la justice sociale et la croissance économique [6] [7].
sources en légende ou commentaire
[1]https://www.grazia.fr/news-et-societe/news/10-choses-a-savoir-sur-christiane-taubira-l-ex-ministre-de-la-justice-537352
[2]https://www.linternaute.fr/actualite/biographie/1776584-christiane-taubira-biographie-de-l-ancienne-garde-des-sceaux/
[3]https://www.lepoint.fr/tags/christiane-taubira#
[4] https://www.franceinter.fr/personnes/christiane-taubira
[5]https://www.elle.fr/Societe/L-actu-en-images/DOUZE-CHOSES-QUE-VOUS-ADOREREZ-SAVOIR-SUR-CHRISTIANE-TAUBIRA
[6]https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/presidentielle-2022-taubira-et-bertrand-deux-figures-de-l-opposition-qui-emergent?fbclid=IwAR1FC4NZKYvkO_CyifmI7noqzkx7n-p2MSxlgcfcFzD5Lr_zLw5zEvtLudY
[7]https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/angers-49000/politique-dans-le-maine-et-loire-le-comite-taubira-2022-reunit-100-militants-62812af2-7213-11eb-96c5-1a0c7b7afa3b?fbclid=IwAR1mdewwlUzg-3u9nSWr8yctBYME69rCSqiC3OevBR6xrh7kgFRl8hLjiIo
[a]sans majuscules?
[b]Peut être ajouter un lien vers la loi en question? 🙂
[c]majuscules ?
[d]Guillemets?
par racism-search | Juin 6, 2022 | Belgique, Colonisation, Mini-Séries, Personnages
L’avidité de Léopold II
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“Lors de la Conférence de Berlin Léopold II a raflé la plus grosse mise sans même être présent”
26 avril 2021![]()

François Maréchal – Le Frondeur (Liège, Belgique), 20 Décembre 1884
Début d’année 1884, le chancelier allemand Otto von Bismarck organise la Conférence de Berlin. D’une part, afin d’apaiser les tensions géopolitiques qui règnent en Europe, et d’autre part, afin de se faire une place dans le jeu de chaises musicales sur le continent africain. Le 15 novembre 1884, les représentants des 14 grandes puissances mondiales se réunissent à Berlin pour discuter du sort de l’Afrique. Les pays présents sont les suivants: l’Angleterre, le Portugal, la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, les USA, l’Espagne, l’Autriche-Hongrie, la Suède-Norvège, le Danemark, l’Italie, l’Empire Ottoman et la Russie. Nulle trace d’un pays africain à cette conférence donc.
Durant 3 mois, les représentants abordent les questions de la liberté de commercer dans le bassin du Congo; la liberté de navigation dans le bassin du Congo et du Niger; les règles à observer lorsque les côtes seront occupées; l’abolition de l’esclavage en Afrique centrale et le rôle des missions religieuses. Tout cela ayant, bien évidemment, une visée humaniste que Bismarck ne manque pas de rappeler au début de la Conférence. Le but de cette réunion de puissances mondiales est d’ouvrir l’Afrique aux bienfaits de l’économie et du commerce, ainsi qu’à la « civilisation »(2).
Qui de mieux concerné par le Congo que ce très cher Léopold II de Belgique ? Pourtant grand absent de la Conférence. Cela ne l’a pas empêché de resserrer son emprise sur le Congo, d’en tirer profit et de créer l’histoire que nous connaissons aujourd’hui. Des sources affirment que les télégrammes se faisaient très fréquents entre Berlin et Bruxelles, et qu’il connaissait la situation comme s’il y était.
Contextualisation![]()
Suite à l’appropriation des territoires dits de Brazza par la France, Léopold II prend peur et propose à la France un pacte risqué : si la France cède le territoire à la Belgique en cas d’échec de gestion du territoire, toutes les terres que la Belgique possède en Afrique iront à la France. En parallèle, des tensions montent entre le Portugal et l’Angleterre qui se disputent les emplacements sur la côte, tandis qu’à l’est les commerçants arabes gagnent du terrain.
Pour remédier à ces tensions, Bismarck organise la conférence de Berlin. Cette réunion marquera un tournant pour le continent africain. Celui-ci sera découpé et partagé entre les puissances européennes comme on le fait avec un gâteau. C’est en profitant du contexte géopolitique que Léopold II parvient à tirer son épingle du jeu.![]()
En effet, les puissances de l’époque craignaient la France et ne la voulaient surtout pas comme voisine en Afrique de peur qu’elle ne s’approprie les territoires des autres pays. C’est le cas du Congo où tout autour se trouvaient des colonies portugaises. Le Portugal préfère un voisin comme la Belgique qui n’est pas apte à se lancer dans une nouvelle conquête (3).
Mais alors pourquoi l’Allemagne et l’Angleterre acceptent que ce soit la Belgique qui occupe le territoire alors qu’ils ne se sentent pas particulièrement menacés par la France ?
Ils acceptent parce que la Belgique ne fait pas peur et promet des accords de libre-échange importants. Ce qui permettra aux européens d’avoir accès aux ressources à bas coût. Contrairement à la Belgique, la France était une grande puissance. Elle pouvait donc imposer sa propre volonté, ne pas céder aux accords de libre-échange et donc imposer de fortes taxes.
Les 14 pays finiront par accepter. Àla fin de la conférence, l’État indépendant du Congo (EIC) est créé. C’est le début de l’officialisation de la colonisation belge.

Pour décider des frontières du nouvel Etat, une carte de l’Afrique dans laquelle Stanley avait rapidement tracé au crayon les frontières du Congo sans suivre de logique particulière. Pourtant cette carte fut acceptée par Bismarck (4).
Trois mois et demi après le début de la conférence, son Acte Général définit des zones de libre-échange dans le bassin du Congo. On y trouve une volonté de liberté de navigation pour les Européens sur les grands fleuves africains, à savoir le Niger et le Congo. Bien que l’on puisse y trouver quelques principes contre l’esclavage et la traite musulmane, ainsi que le commerce de l’alcool et une opposition aux armes à feu, cet acte reconnaît sutout au roi des Belges, Léopold II, la possession à titre privé d’un vaste territoire au coeur de l’Afrique australe, baptisé “État indépendant du Congo” (EIC).
Pour ce faire, avant même le début de la conférence, Léopold II obtient la reconnaissance de l’Allemagne, puis celle de la France qui, pourtant réticente au départ, cède après un accord sur le tracé de la frontière du Congo français, et de la promesse d’une “option” sur l’Association Internationale du Congo (AIC) de Léopold II dans l’éventuel cas d’une dissolution. Léopold II parvient aussi à signer un traité avec le Portugal le 15 février 1885 (5).
Les revendications de Léopold II sont évoquées le 23 février 1885, à la fin de la conférence. Cependant, le tracé des frontières du futur Etat Indépendant du Congo (EIC) ne figure pas dans l’Acte Général. Léopold II réussit donc à se constituer un territoire immense situé au cœur de l’Afrique. L’AIC devient l’État Indépendant du Congo et Léopold II en devient le «roi-souverain». Le nom du pays est équivoque. En effet, l’État n’est pas gouverné par un chef d’État autochtone, mais par un souverain étranger qui le considère comme sa propriété privée. En rupture avec l’ordre habituel des choses, l’EIC se dote d’un gouvernement, seulement après avoir été reconnu comme un État. Léopold II envoie alors ses mercenaires qui installent un régime militaire(6).

Enfin Léopold II en profite pour fonder trois sociétés très puissantes pour exploiter les ressources des sous-sols de son nouveau territoire :
- L’Union Minière du Haut-Katanga qui a pour objectif “d’assurer la mise en valeur des richesses des sous-sols katangais ».
- La compagnie des Chemins de Fer du Bas-Congo au Katanga (BCK)
- La Société Forestière et minière du Congo qui exploite principalement le diamant, les mines d’or et les mines d’argent (7).
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En outre, le grand gagnant de la conférence est l’homme qui pourtant en était absent : le roi Léopold II. Il obtient le port maritime de Matadi, sur la partie inférieure du fleuve, et les terres dont il avait besoin pour construire une voie ferrée à Stanley Pool en contournant les rapides.
Dans son discours de clôture aux délégués, le chancelier Bismarck déclare :
“Le nouvel Etat congolais est destiné à être l’un des exécuteurs les plus importants du travail que nous avons l’intention de faire, et je vous exprime les meilleurs vœux pour son développement rapide et pour la réalisation des nobles aspirations de son illustre créateur” (8).
Sources
- J.M. Daniel, “15 novembre 1884 : la conférence de Berlin partage l’Afrique”, Le Nouvel Economiste, 15/11/2017.
- J.J. Alcandre, « La Conférence de Berlin 15 novembre 1884 – 26 février 1885 », Allemagne d’aujourd’hui, vol. 217, no. 3, 2016, pp. 90-97, p.94.; A. Hochschild, Les fantômes du Roi Léopold II: un holocauste oublié, Paris, Belfond, epub, 2005, p. 124.
- D. Van Reybrouck, Congo: Une histoire, Arles, Actes Sud, 2012 (Lettres néerlandaises), pp. 72-74.
- D. Van Reybrouck, pp. 72-74.
- Hérodote.net, “26 février 1885, La conférence de Berlin livre le Congo au roi des Belges”, 01/01/2019.
- Académie de Paris, “La conférence de Berlin et le partage de l’Afrique”, 29/05/2019.
- T. GASTON-BRETON, “L’union minière du Haut-Katanga, creuset de l’atome”, Les Echos, 30/07/2008.
- A.Hochschild, p.125.
par racism-search | Juin 6, 2022 | Citations, History, Intersectionalité, Mini-Séries
« Not everything that is faced can be changed, but nothing can be changed until it is face »
Traduction : Tout ce qui est affronté ne peut pas être changé, mais rien ne peut être changé tant qu’on ne l’a pas affronté
James Baldwin

Anthony Varboza, 1971, Portrait de James Baldwin (1924 – 1987), New York disponnible sur https://www.gettyimages.fr/photos/anthony-barboza
Né en 1924 à Harlem (New-York), James Baldwin est un écrivain américain reconnu mondialement pour ses romans, ses poésies et ses recueils de nouvelles. Il est également devenu une figure emblématique du mouvement luttant pour les droits civiques des Noirs américains.
Très intéressé par les livres, Baldwin est un enfant brillant et très intelligent. Adolescent, il décide de poursuivre le métier d’écrivain. Néanmoins, il vit à une époque marquée par la ségrégation entre les Noirs et les Blancs. Dès son plus jeune âge, il assiste aux violences et aux émeutes dans son quartier délaissé et mal entretenu[a]. Il se rend compte, à 19 ans, que le rêve américain n’est pas accessible aux Noirs. A 24 ans, après un incident dans un restaurant interdit aux Noirs, il décide de fuir et de continuer sa passion pour la littérature à Paris.
James Baldwin est particulièrement reconnu pour avoir non seulement aborder la question du racisme mais également celle de l’homosexualité et de la bisexualité dans ses nombreux recueils. Ses écrits ne sont pas une lutte contre les Blancs mais un questionnement constant sur les raisons des inégalités.
Durant les années cinquantes, il partage son temps entre la France et les Etats-Unis et participe, aux côtés de Martin Luther King Jr, Malcom X et Medgar Evers, aux mouvements contre la ségrégation raciale. Leur lutte aboutit à l’interdiction légale de la discrimination raciale.
Il écrit plusieurs livres et essaies dont “ the fire next time” qui est considéré comme l’un des plus brillants essais sur l’histoire de la manifestation et des contestations des Noirs. En plus de ses talents d’écrivain, James Baldwin écrit deux pièces théâtre ( « the amen corner » et « blues for mister Charlie »).
En 1983, il devient professeur d’étude Afro-américaine à l’université du Massachusetts.
En 1986, il est nommé commandeur de la légion d’honneur en France et meurt à la suite d’un cancer de l’œsophage dans sa maison à Saint-Paul-de-Vence ( France) en 1987.
Si vous voulez en apprendre plus sur la vie de cet artiste et militant, nous vous invitons à regarder le documentaire : “I’m not your negro”.