La sous représentation

La sous représentation

La Sous-Représentation: Manque de Diversité

 

Les mouvements anti-racistes de ces dernières années ont ramené au devant de la scène une discussion qui a souvent été balayée sous le tapis : celle du manque de diversité dans les médias. Cette problématique est en réalité double. Il y a non seulement un manque de représentation mais il y a également une mauvaise représentation des communautés racisées. Malgré l’apparition croissante des minorités à l’écran depuis les années 2000, ces dernières restent toujours attachées à des rôles peu importants ou encore à des clichés [1]. Dans ce premier article, nous allons tenter de répondre à certaines questions primordiales : qu’est-ce que la sous-représentation ? Quelle est son importance ? Quelles sont les conséquences de la sous-représentation ? [a]

Qu’est ce que la sous-représentation ?

La sous-représentation est, en réalité, un aspect du racisme. Elle décrit une situation de déséquilibre dans laquelle les minorités sont moins représentées à divers rangs et les Blancs sont disproportionnellement plus présents que les autres groupes ethniques dans les positions les plus convoitées.

En avril 2018, Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) met en avant ce problème dans son 4ème baromètre sur la diversité et l’égalité. En effet, la diversité régresse dans l’ensemble des types de programmes et cela même dans les rôles médiatiques les plus valorisés. Lors de ce même rapport, on apprend que les rôles “ prestigieux” sont les moins diversifiés ( quelques chiffres .. 29% porte-paroles, 6% d’experts issus de la diversité ) [b]et que les minorités sont surtout présentes dans les rôles passifs et principalement dans le domaine du sport [2].

Pourquoi est-ce problématique dans le monde du cinéma ?

Poster pour Crazy Rich Asians

Poster pour Crazy Rich Asians

Poster pour Black Panther

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le monde du cinéma, on est face au même constat. En avril 2016 le mouvement #OscarSowhite est d’ailleurs lancé pour mettre en avant l’existence des acteur.rice.s non-blanc.he.s aux Oscars. Malgré les quelques avancées, notamment en 2018 avec Black Panther ( film mettant en avant la communauté noire) et Crazy Rich Asians[c][d] ( film mettant en avant la communauté asiatique), à Hollywood, le problème persiste encore. Chez nous aussi. En effet, dans les films, les Asiatiques ainsi que les Noir·e·s ou les Arabes incarnent généralement des seconds rôles empreints de stéréotypes grossiers [3] .

 

La vision des personnes racisées

La consommation d’images et de médias affecte notre vision de la réalité. Ainsi, ce que nous voyons à la télévision influence notre manière de voir les autres [4]. La manière dont un groupe ethnique est représenté peut créer des nouveaux préjugés.

De plus, en Europe, il y a peu ou pas de contact entre les différents groupes ethniques. Bien qu’ils coexistent, nous savons que les groupes ethniques ne se côtoient pas énormément. Forbes relaye que “des études démontrent que les audiences substituent la réalité par les stéréotypes qu’ils voient à l’écran quand ils n’ont pas d’interactions directes avec des groupes raciaux particuliers.[f][g] Par exemple, les stéréotypes des Latinos dans les médias peut entraîner les audiences à associer négativement l’immigration avec l’augmentation du chômage ou des crimes” [5]. Cette observation sur les Latinos peut facilement s’appliquer à la représentation des Noirs et des Arabes en Belgique et en France.

Le manque de diversité est également ressenti derrière l’écran. Les histoires et/ou expériences des minorités sont racontées par des ceux qui ne connaissent qu’une partie de leur vécu. Il y a alors un écart entre la réalité et son reflet à la télévision.

[…] pour ce qui est de la représentation des minorités à la télévision, la persistance des discriminations a pu être imputée tantôt aux institutions publiques qui n’exercent pas leur rôle coercitif, tantôt à la frilosité des patrons de chaînes, tantôt aux réticences supposées du public, tantôt aux écoles de journalisme dont le recrutement serait peu « ouvert à la diversité », etc. [6]

“Les médias, aujourd’hui aussi bien qu’il y a 50 ou 100 ans tendent à assimiler les étrangers, les immigrés, les réfugiés ou les minorités à un problème et s’y réfèrent par « eux » plutôt que comme une partie intégrante de « nous » ~T.A. Van Dijk [h][i]

 

L’impact de l’invisibilité médiatique sur les personnes racisées :

Le manque de diversité dans les médias affecte également la vision que les communautés racisées ont d’elles-même. Des études montrent par exemple que les jeunes racisé.e.s peuvent ressentir une baisse d’estime de soi [7]. Comment l’expliquer ? Se voir représenter dans diverses situations a un impact direct sur la manière dont on se positionne par rapport aux personnes de son environnement [8]. Un jeune qui voit une personne de sa complexion avec une histoire similaire à la sienne réussir dans le monde professionnel lui donne la sensation qu’il est capable d’atteindre un poste identique. Par exemple : être journaliste ou présentateur.trice télé.

 

Sources

[1] J. Rodier, “À la télévision, « la représentation des minorités ne se réduit pas à une question arithmétique” ”, disponible sur www.ina.fr, publiée le 29 novembre 2019.
[2]Association des journalistes professionnels, “ Etude de la diversité et de' l'égalité dans la presse quotidienne belge francophon” , disponnible sur www.csa.be
[3] C goffard, “ l’invisibilité des communautés asiatiques dans le cinéma occidental quel pouvoir a le cinéma sur notre imaginaire ? ”, disponible sur www.media-animation.be , publiée le 12 juin 2019.
[4] Nancy Wang Yuen, “Why is equal representation in media important”, disponible sur www.forbes.com, 22 mai 2019.
[5]Ibidem.
[6] M. Nayrac , "La question de la représentation des minorités dans les médias ou le champ médiatique comme révélateur d'enjeux sociopolitiques contemporains", Cahiers de l'Urmis, disponible sur www.journals.openedition.org, 13 octobre 2011.
[7] Nancy Wang Yuen, “Why is equal representation in media important”, disponible sur www.forbes.com, 22 mai 2019.
[8] Christophe André, “L’estime de soi”, Recherche en soins infirmiers, n°82, 2005/3, p. 27.

 

No one is born hating

No one is born hating

« No one is born hating another person because of the colour of his skin, or his background, or his religion. People must learn to hate, and if they can learn to hate, they can be taught to love, for love comes more naturally to the human heart than its opposite. »

Nelson Mandela

Nelson Mandela le 25 février 1990, quelques jours après sa libération.

Sabine Cessou, 2013, « Nelson Mandela: mythe et réalités », RFI, publié le 05.12.2013, disponible sur https://www.rfi.fr/fr/mfi/20131205-nelson-mandela-mythe-realites

Né en 1918 en Union d’Afrique du Sud, Nelson Mandela est un homme politique et ancien président de l’Afrique du Sud. Il est particulièrement connu comme le père de l’Afrique du Sud multiraciale, aussi qualifiée “nation arc-en ciel ”.

Il poursuit des études de droit à l’université du Witwatersrand de Johannesburg et y est diplômé en 1942. Deux ans plus tard, il cofonde le premier cabinet d’avocats noirs en Afrique du Sud. Il entre également dans l’African National Congress (ANC); un parti politique dont l’ambition est de mettre fin à la domination politique de la minorité blanche et la ségrégation raciale ménée par celle-ci.

En 1948, il est à la tête de l’ANC avec “La ligue de la jeunesse de l’ANC” qu’il avait fondé quatre ans auparavant. Cette même année, le premier ministre sud africain officialise l’apartheid, ce qui marque le début de sa lutte contre ce système politique.

Entre 1948 et 1960, Mandela prône une lutte pacifiste. Néanmoins, le massacre de Sharpeville perpétré par la police en 1960 l’oblige à changer sa position. C’est ainsi qu’il crée la branche militaire de l’ANC et organise des actions de sabotages à l’encontre des règles mis en place par le gouvernement. Il finit par être arrêté et condamné à perpétuité.

Il passe 27 ans en prison. Durant cette période, il devient le visage de la lutte contre la l’apartheid et gagne un soutien international.

A sa sortie de prison, en 1990, il rejoint les négociations avec le président de Klerk pour l’instauration d’une démocratie non raciale.

Il reçoit, en 1993, un prix Nobel de la paix pour son combat. Un an plus tard, il est élu le premier président noir d’Afrique du Sud. Durant son unique mandat (1994-1999), il s’efforce de restaurer une entente entre les Blancs et les Noirs et à développer l’économie du pays.

Après sa présidence, il continue à soutenir le progrès politique de son pays. Il est également très investi dans la lutte contre le sida.

Il décède en 2013, à 95 ans, d’une infection pulmonaire récidivante, contractée durant ses 27 ans en prison.

[1]X, "Nelson Mandela : biographie du président Madiba, son prix Nobel", disponible sur https://www.linternaute.fr, publié le 10 novembre 2022
[2]X, "Nelson Mandela - Homme politique sud africain 1918-2013", disponible sur http://www.toupie.org/Biographies/Mandela.htm
[3]X, "Biographie - NELSON MANDELA", disponible sur https://www.fnac.com/Nelson-Mandela/ia107014/bio
Les normes nationales qui nous protègent du racisme en Belgique

Les normes nationales qui nous protègent du racisme en Belgique

Article n°1 LEGAL TEXTS FOR ALL

INFOS POUR LA TEAM MARKET :

* slides de différentes couleurs selon les lois si c’est faisable
* pas d’écriture trop petite si possible
* les notes de bas de page sont à mettre dans la légende du post (et non dans les slides)

* Slide 1 : intro (une couleur)

* Slide 2 : la Constitution (une autre couleur)

* Slide 3 et 4 : loi 1981(une autre couleur)
explications
le savais-tu

* Slide 5 et 6 : loi 2007 (une autre couleur)
explications
le savais-tu

* Slide 7 : dico juridique (même couleur que l’intro)

Slide 1 titre : Introduction

As-tu déjà été témoin ou personnellement confronté à des actes racistes ? T’es-tu déjà demandé sur quelle.s base.s juridiques tu pouvais agir pour assurer tes droits et libertés?
Nous allons aujourd’hui explorer, de manière simple, les règles générales nationales qui permettent de lutter contre le racisme en Belgique.
Mais avant tout, il est indispensable de comprendre qu’il existe des règles de droit plus fortes que d’autres. En effet, celles-ci sont organisées selon une pyramide des normes :

Sur base de ce schéma, l’article 11 de la Constitution est plus « fort » que la loi anti-racisme et la loi anti-discrimination.
En matière de discrimination sur base de la race, cet article 11 à lui seul, ne peut pas faire grand-chose car il est souvent vu comme étant trop général ! Il est donc préférable d’appliquer, lors d’un litige, tant la Constitution que les lois qui concernent plus précisément la matière.
En réalité, il faut voir l’ensemble comme une multitude de moyens de défense. Plus tu en as, mieux c’est ! Mais encore faut-il être dans les conditions pour les appliquer…

Slide 2 titre : La Constitution belge

Contenu et contexte historique :
L’article 11 de la Constitution figure au sein du livre II de la Constitution, intitulé : « Les belges et leurs droits», et prévoit que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Cet article est ajouté lors de la troisième réforme d’Etat (1988) dans le cadre de l’extension des compétences de la Cour d’arbitrage (appelée aujourd’hui Cour constitutionnelle). Au départ, elle avait reçu pour mission de garantir cet article dans le cadre de l’enseignement. Mais au fur et à mesure, elle a imposé le respect de l’article 11 en toutes matières.
Qui peut invoquer l’article 11 de la Constitution ?
* L’article 11 t’indique son champ d’application personnel : « La jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges… ». Il faut donc avoir la nationalité belge qui peut être attribuée dès la naissance ou acquise.
PS : Dans le dernier slide, tu retrouveras un petit dico des mots pointés en gras

Slide 3 : La Loi anti-racisme du 30 juillet 1981 (Racial Equality Federal Act)

Cette loi a pour but d’apporter un cadre légal pour combattre de manière spécifique le racisme.

Elle vise plusieurs critères de discrimination, à savoir : la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique et la nationalité.

La loi antiracisme va protéger les personnes victimes de :
* discrimination directe
* discrimination indirecte
* injonction de discriminer
* harcèlement

Slide 4 :

Le savais-tu ?

-Cette loi belge datant de 1981, a été révisée le 10 mai 2007 dans le but de transposer la directive européenne 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.
Il est intéressant de noter que le législateur belge a rendu la loi belge plus extensible que ce que l’Union Européenne demandait.
On trouve notamment le critère de nationalité dans la loi belge, alors que ce dernier est absent de la directive européenne.

-La Belgique a choisi d’inscrire le terme de “prétendue race” plutôt que de “race”.
En faisant ce choix, le législateur tend à mettre en avant le caractère péjoratif que peut avoir la notion de race, car cette notion peut avoir pour conséquence de découler sur une idéologie raciste.

Slide 5: Deux lois du 10 mai 2007 : la loi anti-discrimination et la loi sur l’égalité des genres

Ces deux lois ne visent pas la discrimination basée sur la race, étant donné qu’elle est déjà reprise dans la loi anti-racisme de 1981 qui vient d’être vue.

La loi anti-discrimination nous protège contre des discriminations fondées sur une multitude d’autres critères tels que l’âge, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l’état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique ou l’origine sociale.
La loi sur l’égalité de genre nous protège, quant à elle, contre les discriminations basées sur le sexe (l’expression de genre, le changement de sexe etc étant compris comme des distinctions sur base du sexe)

Les deux lois interdisent :
* la discrimination directe
* la discrimination indirecte
* l’injonction de discriminer
* le harcèlement
* le harcèlement sexuel (uniquement pour la loi sur l’égalité des genres)
* un refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée (uniquement pour la loi anti-discrimination)

Slide 6 :

Le savais-tu ?

Tu te demandes pourquoi on te parle de la loi anti-discrimination et de la loi sur l’égalité des genres vu qu’elles ne visent pas le racisme ? Et bien elles ont tout de même une importance en cas de discrimination intersectionnelle, c’est à dire lorsqu’une personne est discriminée sur base de plusieurs critères à la fois. Il y a donc une intersection entre différents critères.

Par exemple, lorsqu’une femme noire voilée se voit refuser la location d’un logement parce le propriétaire est mysogine, raciste et qu’il pense que tous les musulmans sont des terroristes, et bien nous avons affaire à une discrimination intersectionnelle qui couvre, ici, 3 critères différents : le genre, la race et la conviction religieuse. Dans ce cas, il est donc intéressant d’utiliser les 3 lois que nous venons d’expliciter.

Slide 7 : Dico juridique

-Discrimination directe : vise le cas d’une personne qui est traitée de manière moins favorable qu’une autre en raison d’un des critères protégés par la loi.
Par exemple : je ne suis pas engagé dans un travail en raison de ma couleur de peau.

-Discrimination indirecte : vise le cas d’une situation qui, à première vue, paraît neutre mais qui est discriminatoire dans ses conséquences.
Par exemple : le fait d’interdire une prime à des salariés à temps partiel pourrait dans les faits priver majoritairement les femmes de cette prime et s’avérer discriminatoire, en sachant que 43,6 % des femmes salariées travaillent à temps partiel contre 11,8 % d’hommes.

-Injonction de discriminer : tout comportement intentionnel consistant à imposer à quelqu’un de pratiquer une discrimination, sur la base d’au moins un des critères protégés, à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de l’un de leurs membres.

-Directive européenne : texte adopté par les institutions de l’Union européenne fixant des règles que les États membres doivent respecter, mais devant être transposées par les Etats membres dans leur droit national.

-Cour constitutionnelle (ancienne Cour d’arbitrage): Cour qui règle les conflits de compétence et veille à l’application de certains droits fondamentaux garantis par la Constitution. Jusqu’en mai 2007, la Cour constitutionnelle s’appelait la Cour d’arbitrage (http://www.vocabulairepolitique.be/).

Notes de bas de pages (à mettre en légende du post)

F. DELPEREE et A. RASSON-ROLAND, « Le champ d’application des articles 10 et 11 de la Constitution », Le droit public et administratif, Livre 5, Bruxelles, Larcier, 1996, n°64.

Pour plus de détail voire le Code de la nationalité belge du 28 juin 1984, entrée en vigueur le 22 juillet 1984.

Texte Constitution :
https://www.senate.be/doc/const_fr.html
Texte loi anti-racisme : https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=1981001359&la=F
Texte loi anti-discrimination :
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg_2.pl?language=fr&nm=2007002099&la=F
Texte loi égalité des genres :
http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2007051036&table_name=loi

FIN.

Idées prochains posts :

* Comment porter plainte et devant qui ? (à lier avec l’actualité)

1° plainte civile
2° plainte pénale
3° plainte à UNIA

Parler du champ d’application des lois

Parler des justifications possibles et des actions positives

Parler des principaux cas de discriminations tels que la discrimination à l’embauche, la discrimination par le bailleur, Quid si un réglement de travail est discriminatoire,…

La condition des femmes dans le congo colonial

La condition des femmes dans le congo colonial

La condition des femmes noires dans le Congo colonial

29 Mars 2021

Les hommes sont les principaux acteurs, observateurs et transmetteurs de la colonisation. Les colons hommes, en effet, souvent jeunes et célibataires, en quête d’aventure sont les acteurs principaux de la période allant de 1909 à 1960, les conditions de maternité au Congo étant perçues comme dangereuses pour la femme belge*. Ainsi, à l’exception des missionnaires, peu de femmes décidèrent de s’installer dans la colonie, on dénombrait 1 femme pour 3 hommes (3) . Les jeunes hommes en quête d’exotisme pouvaient ainsi laisser libre cours à leurs fantasmes sexuels. L’objectification des femmes congolaises se fait alors à travers un prisme raciste et sexiste, auxquel s’ajoute le biais de la domination coloniale.

Durant le Congo léopoldien (1885-1909), les rapports entre homme colonisateur et femme colonisée sont mus par la brutalité des Européens et “le droit de cuissage du vainqueur” (3), comprenez des viols de masse. Cependant, avec le passage au Congo belge, et la pérennisation de la présence du pouvoir d’occupation, une représentation de la femme africaine est construite par les colons pour légitimer la domination, et catégoriser cet Autre racial et sexué, la femme congolaise.

*pour rappel, l’objectif central de la femme européene était de reproduire sa race

(1) En dessous de cette photo est écrit : Ménagère. C’est à dire une maîtresse, qui s’apparente à une esclave sexuelle. Prise en photo au milieu de la Nature, comme pour l’exotiser, elle porte un accordéon . Lorsqu’on était une femme pour les coloniaux on ne pouvait être que ménagère, polygame (ce qui signifie traditionnelle, pas forcément polygame) ou chrétienne, autrement dit européanisée et travaillant dans les métiers considérés comme féminins (puéricultrice, …).

Le corps socialisé

Femme laborieuse → femme exploitée

L’image de la femme congolaise retranscrite dans les textes coloniaux est associée à celle de la “bête de somme” (3). Le corps féminin doit se plier à la culture et ne lui appartient pas.

La femme n’a aucun contrôle sur son être.

Au sein du village, la Congolaise lamba doit assurer les activités considérées comme des “besognes serviles” par les Européens, physiquement éprouvantes pour une femme, telles que l’agriculture, la maternité, l’éducation, ou encore le commerce (3). A l’opposé, en fonction des ethnies, les hommes sont chargés de tâches dites nobles et périodiques comme la chasse, la guerre, la cueillette et la politique. Avant la colonisation , de nombreuses sociétés étaient matriarcales. (2)

Femme dotée → femme objet
Le jugement des colons des traditions matrimoniales congolaises influence négativement leur perception de la femme congolaise. Celle-ci deviendra à la fois monnaie et marchandise.

Dans les traditions congolaises, c’est le mari qui paie une dôt à la famille de sa femme. Le colon, habitué à ce que ce soit la femme qui soit donneuse de dot, voit cette dot masculine comme un achat, et le compare à la vente de bétail. Le statut de la femme africaine est réduit par le colon à celui d’objet marchand (3).
Or, il s’agit en réalité d’une compensation faite à la famille de sa femme qui perd une aide dans les travaux domestiques. De plus, par le mariage, le mari garantit sa lignée. (3)

La femme congolaise devient alors l’actrice centrale de la famille et la garante des moyens de subsistance du foyer (1;3). Cette structuration familiale dans le monde occidental, où l’homme doit apporter de quoi vivre à la femme, n’est pas comprise. Elle est interprétée comme une forme d’exploitation de la femme par les colons.

Bien que le système soit bien pensé, il peut y avoir des dérives. Ainsi, les filles de familles avides peuvent être mariées dès leur enfance à celui offrant la plus grosse somme. Aussi, ce qui était considéré, en Europe, comme détournement de mineur avait cours dans les colonies. Cet écart à la loi métropolitaine convenait très bien au colon. Le corps de la femme congolaise est en effet perçu comme étant mis à la disposition de l’homme, et cela peu imoporte son âge.

Femme nue → femme exhibée

Les différences vestimentaires entre les pays africains et occidentaux entraînent un choc psychologique chez les colons. L’accès au corps féminin en Occident est extrêmement codifié, tandis qu’en Afrique la nudité n’est pas perçue comme dégradante ou pornographique. Les parures “vestimentaires” et les ornements traditionnels des colonisées sont très codifiés. Suivant les ethnies, si un détail n’est pas arboré, cela est jugé comme un attentat à la pudeur. (3)
A cette époque, en Europe, la simple vue du mollet représente de la sexualité. Or l’Européen en colonie se retrouve là face à une nudité, quelque fois intégrale. Cette nudité apparente va devenir un facteur de l’objectification et de la stéréotypisation du corps de la femme noire par l’homme blanc (3). Le colon rencontre une nudité nouvelle sur ce lieu de fantasme, ce lieu tabou.

Le tatouage, contrairement à la coutume occidentale, est placé au centre de l’élégance noire. Plutôt qu’un tatouage tel qu’il est pratiqué en Europe, c’est en fait un art ornemental basé sur la cicatrisation, parfois accompagné d’une mise en relief (boursouflure de la peau). Pour la plupart des femmes congolaises, l’art de la parure (colliers, bracelets de poignet et de cheville en laiton, ceintures cache-sexe) n’est supplanté que par l’influence du vêtement européen.

La majorité des coloniaux belges associent l’absence de vêtements à une absence de pudeur de la femme noire. Cela devient, pour eux, une preuve de proximité avec le monde animal. Et cela vient donc justifier leur idéologie de civilisation des sociétés « retardées  » africaines.
Pour les hommes africains, le nu n’éveillait aucune idée malséante. Au contact des Européens, les femmes congolaises s’habillent pour éviter les regards et les agressions de ces derniers. Cela modifiera, jusqu’à aujourd’hui, la perception de la nudité au Congo. Ainsi, le pagne-robe se popularise dans les zones de forte présence européenne.

Le corps sexualisé

Corps conquis

La réduction des femmes noires est un moyen supplémentaire pour le discours du colonial, d’insinuer la supériorité de l’homme blanc et la sujétion des Africain·e·s (5).

Elle s’est en premier lieu faite par des viols, des kidnappings et des humiliations qui permettent de détruire la structure sociale des familles congolaises basées sur les liens de sang (2). Aussi, le corps, le ventre des femmes noires symbolisent le « butin de guerre » dont s’emparent, comme la terre, les colons. Les colonisateurs belges envoient ainsi un message de domination masculiniste aux hommes congolais (1;2).

Ce rapport colonial à la femme est resté, notamment par la pratique du viol et des mutilations génitales par les milices sévissant dans l’Est de la RDC, comme arme de guerre (2). Le travail mené par le Prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, gynécologue, appelé “réparateur de femmes”, n’est que la part émergée de cet héritage.(5)

Ainsi, les concubinages entre colons et femmes congolaises s’inscrivent davantage dans une idée de prise de possession. Par conséquent, ces corps conquis ont pour première vocation le plaisir sexuel du colonisateur. La femme noire renvoyant à une métaphore de la colonisation du continent africain (3). Dans ce rapport, les femmes symbolisent une forme de soumission, ou à l’inverse, une résistance à la “virilité du conquérant” que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les récits représentant les femmes noires.

En l’absence de femmes blanches, la femme noire devient un choix par défaut. E.Picard, bourgeois belge, illustre cette perception raciste et normée du colonial (1909) : ”Dans les premiers mois, paraît-il, la répugnance est vive. L’odeur, la teinte, la physionomie indéchiffrable sous les ténèbres du derme, l’aspect vulvaire et sanguinolent de la bouche malgré la splendeur de la denture, apaisent les velléités masculines. Mais peu à peu on s’accoutume, comme à un bal masqué, à ne plus demander le décisif attrait au visage, miroir souvent menteur de l’âme, ici dissimulé sous la suie.” (3)

La sexualité “entre races” devient d’ailleurs pour les coloniaux une sorte de rite de passage, séparant le statut de métropolitain influencé par la propagande officielle, de celui du colonial libertin. Ainsi, dans une fiction de Robert Norjen (1922), un nouvel arrivant entend d’un colon plus âgé s’exclamer “Qui n’a pas déjà goûté de la n*******”.(3)

Sexe, race et colonies (4)

 

 

Toutefois, on remarque une oscillation entre dégoût et fascination pour les femmes noires. Leur cheveux en est un exemple. Les cheveux des femmes burundaises, congolaises et rwandaises sont décrits par la propagande à la fois comme sale, et comme des merveilles de la création humaines, en comparaison des coiffures strictes et peu expressive des Européennes. (1)

Le regard déformant du Blanc
Les Belges placent le corps des femmes congolaises au centre de leurs fantasmes et plaisirs sexuels. A leurs yeux, leurs corps, leurs rites féminins destinés à la procréation, constituent une invitation sexuelle.

Les standards de la beauté, calqués sur le modèle des femmes européennes, restent dominants dans l’inconscient des hommes blancs. Par conséquent, les regards des ces derniers sont fortement influencés par l’ethnie. Les femmes des ethnies aux tatouages les plus discrets, comme les Mangbetu par exemple, sont ainsi comparées à des “reines de Saba” et des grandes courtisanes par les colons. Ceux-ci construisent de cette façon une esthétique africaine, fétichisée par le regard européen (1;3).

À l’inverse, la pratique du tatouage intégral apparaît comme monstrueuse, car elles s’éloigne trop de l’image de la beauté qu’ontt les colons. Cette répulsion est retranscrite dans les écrits coloniaux, dans lesquels les termes associés au corps de la femme congolaise ont en majorité une connotation animalière.

Conclusion

Il y a eu une culture de l’impunité face aux violences sexuelles durant la colonisation. Les territoires coloniaux sont des territoires d’opportunisme sexuel pour les colonisateurs” – Pascal Blanchard. (6)

Cette interprétation limitative de la féminité noire, construite par la colonisation, a fortement influencé ses représentations, et la manière dont elle est vécue.

Considérées comme des femmes “ sauvages ”, “dociles” et “ exotiques “, les femmes africaines et afro-descendantes souffrent toujours du fétichisme et de l’hypersexualisation.

Il est donc essentiel, en creusant cet héritage pervers, de comprendre les stéréotypes hérités pour les déconstruire. Il est primordial de permettre aux femmes afro-descendantes d’exprimer leur féminité dans toute leur diversité, leur historicité, dans toutes leurs complexités.

Sources

(1) Truddau, J. (2020) Les Femmes, La Colonisation, et ce qu’il en reste…, RTBF. Available at: https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_les-femmes-la-colonisation-et-ce-qu-il-en-reste-une-chronique-de-julien-truddaiu?id=10527346.
(2) République Democratique Du Congo: les femmes comme arme de guerre, Le Journal International, available at: http://www.lejournalinternational.info/republique-democratique-du-congo-les-femmes-comme-arme-de-guerre
(3) Colonisation au masculin et mise en corps de la féminité noire : le cas de l’ancien Congo Belge, Lissia Jeurissen, 2003
(4) Parent, S. (2019) Images de la domination sexuelle à l’époque de la colonisation, RCI. Available at: https://www.rcinet.ca/fr/2019/02/14/sexe-race-et-colonies-la-colonisation-des-noirs-et-leur-domination-sexuelle-par-des-blancs/.
(5) Woestyne, F.V. de (2018) Dr Denis Mukwege: ‘La guerre du congo est une guerre économique qui se fait contre le corps des femmes’, La Libre.be. Available at: https://www.lalibre.be/debats/opinions/dr-denis-mukwege-la-guerre-du-congo-est-une-guerre-economique-qui-se-fait-contre-le-corps-des-femmes-5ba51f9dcd70a16d80f7c64a.
(6) Wernaers. C., “ Colonisation: aux origines de l’hypersexualisation des femmes noires”,disponible sur www.rtbf.be, publié le 04 juillet 2020
(7) SARR, Fatou. Féminismes en Afrique occidentale ? Prise de conscience et luttes politiques et sociales In : Vents d’Est, vents d’Ouest : Mouvements de femmes et féminismes anticoloniaux [en ligne]. Genève : Graduate Institute Publications, 2009 (généré le 09 janvier 2024). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/iheid/6308>. ISBN : 978-2-940503-82-7. DOI : https://doi.org/10.4000/books.iheid.6308.

La discrimination à l’emploi

La discrimination à l’emploi

La discrimination à l’emploi

Introduction

Tu te poses des questions sur la discrimination à l’emploi plus précisément ?

Lors de son deuxième article, la team Legal Texts for All t’avait présenté les régimes légaux pour se protéger face au racisme en Belgique. Cette semaine, nous voulons attirer ton attention sur le cas spécifique de la discrimination à l’emploi.

Pour faciliter nos explications, nous allons nous baser sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir : l’affaire Feryn datant du 10 juillet 2008.

Faits de l’affaire

Une grande campagne publicitaire est organisée par une entreprise flamande spécialisée dans la pose de portes de garage. Le gérant de cette entreprise, Monsieur Feryn, déclare, lors d’une interview, ne pas pouvoir embaucher de personnes d’origine étrangère (il a pris l’exemple des marocains) sous prétexte d’exigences des clients qui ne veulent être servis que par des travailleurs d’origine belge. Ainsi, il déclarait notamment que :

« Je ne suis pas raciste mais je dois répondre aux exigences de mes clients. Je n’ai pas créé ce problème en Belgique et je dois faire tourner mon entreprise », « je ne suis pas raciste, c’est une logique économique ».

Sans surprise, il n’y avait pas de plaignants car peu de personnes d’origine marocaine auraient souhaité être traitées de la sorte pour de toute façon se voir essuyer un refus.

Par conséquent, le Centre pour l’égalité des chances (CECLR) a décidé de prendre cette affaire à bras le corps. La Cour du Travail de Bruxelles, saisie du dossier suite à la plainte déposée par le CECLR, va saisir la Cour européenne de Justice pour lui poser un certain nombre de questions préjudicielles.

Ces questions concernaient l’interprétation de la Directive européenne 2000/43 relative à la « mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique ».

Questions posées par la Cour du travail belge à la Cour européenne des droits de l’Homme

a) Des déclarations publiques peuvent-elles constituer une discrimination directe et démontrer une poursuite d’une politique d’embauche directement discriminatoire même en l’absence de plaignant ?
– Le fait qu’un employeur n’emploie pas de travailleurs d’origine étrangère fait-il naître une présomption de discrimination indirecte, notamment lorsqu’on sait qu’il a dû faire face à de grandes difficultés de recrutement de monteurs ?
– Compte tenu des faits du litige, une présomption de discrimination commise par l’employeur peut-elle être déduite de la seule embauche de travailleurs belges par une société liée à cet employeur ?

b) Quels sont les faits qui permettent de déterminer une situation de discrimination directe ou indirecte ? De quelle sévérité une juridiction nationale doit-elle faire preuve dans l’appréciation des faits ?

Conclusions de l’arrêt

La Cour précise que la société Feryn, en déclarant publiquement son intention de ne pas engager d’ouvriers d’origine étrangère, s’est rendue coupable de discrimination directe. De telles déclarations sont de nature à dissuader sérieusement certains candidats de déposer leur candidature et fait donc obstacle à leur accès au marché du travail.

De plus, la Cour estime que ces déclarations publiques indiquent également qu’une politique discriminatoire de recrutement a été menée. Ce faisant, il incombe donc à Monsieur Feryn de prouver qu’il n’y a pas eu de violation du principe de l’égalité de traitement, en apportant la preuve par exemple que la politique de recrutement dans la pratique ne correspond pas à ces déclarations publiques.

Enfin, la Cour ajoute que si le juge national constate une discrimination, il devra prendre des mesures effectives, proportionnées et dissuasives. Cela peut notamment prendre la forme de la publicité de la condamnation, de l’interdiction de continuer ce genre de pratiques discriminatoires ou encore par des dommages et intérêts.

Suite de l’affaire devant les juridictions belges

L’affaire Feryn a donc été renvoyée devant la Cour du Travail de Bruxelles pour prendre une décision sur le cas concret, prenant évidemment en compte les réponses fournies par la Cour de Justice de l’Union européenne.

La Cour du Travail de Bruxelles a estimé qu’il y avait bien eu discrimination envers une catégorie de travailleurs.

Concernant la sanction, elle ordonne la cessation de la discrimination ainsi que la publication de sa décision dans plusieurs quotidiens.

Enseignements à tirer

Voici les enseignements principaux que nous pouvons tirer de cette affaire :

  1. On peut avoir une discrimination directe sans victime
  2. Un seul fait suffit pour renverser la charge de la preuve même si très souvent il y en a plusieurs. Ici, en l’occurrence, le “seul fait”, ce sont les déclarations et c’est suffisant ! Même quand il n’y a pas de victime, des déclarations peuvent faire basculer la charge de la preuve et établir une apparence ou une présomption de discrimination. Ensuite, l’employeur va devoir prouver que sa procédure de recrutement n’était pas discriminatoire.
  3. L’argument des besoins des clients ainsi que de la pérennité de l’entreprise n’est pas de nature à justifier de telles déclarations

– Dico juridique –

  • Question préjudicielle : Procédure permettant aux juges nationaux d’interroger la Cour européenne de justice sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne dans le cadre de l’affaire qu’ils doivent traiter.
  • Cour de justice de l’Union européenne : Cette Cour est l’une des sept institutions de l’Union européenne, située à Luxembourg. Elle veille à la bonne application du droit de l’Union européenne et à l’uniformité de son interprétation sur le territoire de l’UE.
  • Cour du travail : C’est la Cour qui traite, en appel, des affaires du tribunal du travail. Si un travailleur, un employeur ou un auditeur du travail (ou toute personne ayant été jugée par ce tribunal) fait appel d’une décision du tribunal du travail, elle se rend devant l’une des 5 Cours du travail de Belgique, dont l’une est située à Bruxelles. Au sein de ces Cours, il y a un juge professionnel et deux juges sociaux appartenant aux milieux patronal et syndical.
  • Centre pour l’égalité des chances : C’est l’ancienne appellation de UNIA, le centre interfédéral pour l’égalité des chances et pour la lutte contre le racisme et les discriminations.
  • Présomption : opinion ou projection fondée sur des apparences, ce qui équivaut à une supposition.

 

Sources :
* https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62007CJ0054&from=FR (arrêt)
* https://www.unia.be/fr/articles/affaire-feryn-dire-que-lon-va-discriminer-cest-deja-discriminer-10-juillet-2008 (résumé intéressant)
* https://www.unia.be/fr/articles/affaire-feryn-le-role-du-monde-de-lentreprise (suite de l’arrêt devant les juridictions belges)

Lors de la conférence de Berlin, Leopold II a raflé la plus grosse mise sans meme etre présent

Lors de la conférence de Berlin, Leopold II a raflé la plus grosse mise sans meme etre présent

Début d’année 1884, le chancelier allemand Otto von Bismarck organise la Conférence de Berlin. D’une part, afin d’apaiser les tensions géopolitiques qui règnent en Europe, et d’autre part, afin de se faire une place dans le jeu de chaises musicales sur le continent africain. Le 15 novembre 1884, les représentants des 14 grandes puissances mondiales se réunissent à Berlin pour discuter du sort de l’Afrique. Les pays présents sont les suivants: l’Angleterre, le Portugal, la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, les USA, l’Espagne, l’Autriche-Hongrie, la Suède-Norvège, le Danemark, l’Italie, l’Empire Ottoman et la Russie. Nulle trace d’un pays africain à cette conférence donc.

Caricature de 1885 titrée « Découpage de l’Afrique à la conférence de Berlin – À chacun sa part, si l’on est bien sage. » Journal L’Illustration. ©Getty

Durant 3 mois, les représentants abordent les questions de la liberté de commercer dans le bassin du Congo; la liberté de navigation dans le bassin du Congo et du Niger; les règles à observer lorsque les côtes seront occupées; l’abolition de l’esclavage en Afrique centrale et le rôle des missions religieuses. Tout cela ayant, bien évidemment, une visée humaniste que Bismarck ne manque pas de rappeler au début de la Conférence. Le but de cette réunion de puissances mondiales est d’ouvrir l’Afrique aux bienfaits de l’économie et du commerce, ainsi qu’à la « civilisation »(2).

Qui de mieux concerné par le Congo que ce très cher Léopold II de Belgique ? Pourtant grand absent de la Conférence. Cela ne l’a pas empêché de resserrer son emprise sur le Congo, d’en tirer profit et de créer l’histoire que nous connaissons aujourd’hui. Des sources affirment que les télégrammes se faisaient très fréquents entre Berlin et Bruxelles, et qu’il connaissait la situation comme s’il y était.

Contextualisation

Suite à l’appropriation des territoires dits de Brazza par la France, Léopold II prend peur et propose à la France un pacte risqué : si la France cède le territoire à la Belgique en cas d’échec de gestion du territoire, toutes les terres que la Belgique possède en Afrique iront à la France. En parallèle, des tensions montent entre le Portugal et l’Angleterre qui se disputent les emplacements sur la côte, tandis qu’à l’est les commerçants arabes gagnent du terrain.

Pour remédier à ces tensions, Bismarck organise la conférence de Berlin. Cette réunion marquera un tournant pour le continent africain. Celui-ci sera découpé et partagé entre les puissances européennes comme on le fait avec un gâteau. C’est en profitant du contexte géopolitique que Léopold II parvient à tirer son épingle du jeu.

En effet, les puissances de l’époque craignaient la France et ne la voulaient surtout pas comme voisine en Afrique de peur qu’elle ne s’approprie les territoires des autres pays. C’est le cas du Congo où tout autour se trouvaient des colonies portugaises. Le Portugal préfère un voisin comme la Belgique qui n’est pas apte à se lancer dans une nouvelle conquête(3).

Mais alors pourquoi l’Allemagne et l’Angleterre acceptent que ce soit la Belgique qui occupe le territoire alors qu’ils ne se sentent pas particulièrement menacés par la France ?
Ils acceptent parce que la Belgique ne fait pas peur et promet des accords de libre-échange importants. Ce qui permettra aux européens d’avoir accès aux ressources à bas coût. Contrairement à la Belgique, la France était une grande puissance. Elle pouvait donc imposer sa propre volonté, ne pas céder aux accords de libre-échange et donc imposer de fortes taxes.

Les 14 pays finiront par accepter. Àla fin de la conférence, l’État indépendant du Congo (EIC) est créé. C’est le début de l’officialisation de la colonisation belge.
Pour décider des frontières du nouvel Etat, une carte de l’Afrique dans laquelle Stanley avait rapidement tracé au crayon les frontières du Congo sans suivre de logique particulière. Pourtant cette carte fut acceptée par Bismarck (4).

Trois mois et demi après le début de la conférence, son Acte Général définit des zones de libre-échange dans le bassin du Congo. On y trouve une volonté de liberté de navigation pour les Européens sur les grands fleuves africains, à savoir le Niger et le Congo. Bien que l’on puisse y trouver quelques principes contre l’esclavage et la traite musulmane, ainsi que le commerce de l’alcool et une opposition aux armes à feu, cet acte reconnaît sutout au roi des Belges, Léopold II, la possession à titre privé d’un vaste territoire au coeur de l’Afrique australe, baptisé “État indépendant du Congo” (EIC).

Pour ce faire, avant même le début de la conférence, Léopold II obtient la reconnaissance de l’Allemagne, puis celle de la France qui, pourtant réticente au départ, cède après un accord sur le tracé de la frontière du Congo français, et de la promesse d’une “option” sur l’Association Internationale du Congo (AIC) de Léopold II dans l’éventuel cas d’une dissolution. Léopold II parvient aussi à signer un traité avec le Portugal le 15 février 1885 (5).

Les revendications de Léopold II sont évoquées le 23 février 1885, à la fin de la conférence. Cependant, le tracé des frontières du futur Etat Indépendant du Congo (EIC) ne figure pas dans l’Acte Général. Léopold II réussit donc à se constituer un territoire immense situé au cœur de l’Afrique. L’AIC devient l’État Indépendant du Congo et Léopold II en devient le «roi-souverain». Le nom du pays est équivoque. En effet, l’État n’est pas gouverné par un chef d’État autochtone, mais par un souverain étranger qui le considère comme sa propriété privée. En rupture avec l’ordre habituel des choses, l’EIC se dote d’un gouvernement, seulement après avoir été reconnu comme un État. Léopold II envoie alors ses mercenaires qui installent un régime militaire(6).

Enfin Léopold II en profite pour fonder trois sociétés très puissantes pour exploiter les ressources des sous-sols de son nouveau territoire :
* L’Union Minière du Haut-Katanga qui a pour objectif “d’assurer la mise en valeur des richesses des sous-sols katangais ».
* La compagnie des Chemins de Fer du Bas-Congo au Katanga (BCK)
* La Société Forestière et minière du Congo qui exploite principalement le diamant, les mines d’or et les mines d’argent (7).

En outre, le grand gagnant de la conférence est l’homme qui pourtant en était absent : le roi Léopold II. Il obtient le port maritime de Matadi, sur la partie inférieure du fleuve, et les terres dont il avait besoin pour construire une voie ferrée à Stanley Pool en contournant les rapides.

Dans son discours de clôture aux délégués, le chancelier Bismarck déclare :
“Le nouvel Etat congolais est destiné à être l’un des exécuteurs les plus importants du travail que nous avons l’intention de faire, et je vous exprime les meilleurs vœux pour son développement rapide et pour la réalisation des nobles aspirations de son illustre créateur” (8).

Sources

 

1. J.M. Daniel, “15 novembre 1884 : la conférence de Berlin partage l’Afrique”, Le Nouvel Economiste, 15/11/2017.
2. J.J. Alcandre, « La Conférence de Berlin 15 novembre 1884 - 26 février 1885 », Allemagne d'aujourd'hui, vol. 217, no. 3, 2016, pp. 90-97, p.94.; A. Hochschild, Les fantômes du Roi Léopold II: un holocauste oublié, Paris, Belfond, epub, 2005, p. 124.
3. D. Van Reybrouck, Congo: Une histoire, Arles, Actes Sud, 2012 (Lettres néerlandaises), pp. 72-74.
4. D. Van Reybrouck, pp. 72-74.
5. Hérodote.net, “26 février 1885, La conférence de Berlin livre le Congo au roi des Belges”, 01/01/2019.
6. Académie de Paris, “La conférence de Berlin et le partage de l’Afrique”, 29/05/2019.
7. T. GASTON-BRETON, “L’union minière du Haut-Katanga, creuset de l’atome”, Les Echos, 30/07/2008.
8. A.Hochschild, p.125.

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QUIZZ

Qui a organisé la conférence de Berlin?
* Otto von Bismarck
* Léopold II
* Louis XIV

Combien de pays se sont réunis lors de la conférence?
* 14
* 20
* 13

Les grandes puissances ne voulaient pas de qui comme voisin en Afrique?
* Le Portugal
* La France
* L’Allemagne

Pourquoi la conférence a-t-elle eu lieu?
* pour se partager l’Afrique entre états
* pour créer la colonie du Congo

Quand la conférence de Berlin a-t-elle eu lieu?
* 1818-1820
* 1884-1885
* 1895

Parmi ces choix, qu’est ce qui ne figure pas dans l’Acte Général?
* des zones de libre-échange dans le bassin du Congo
* la possession de l’Etat Indépendant du Congo (EIC)
* le tracé des frontières de l’EIC