White Privilege

White Privilege

Le White Privilege

Je suis née blanche comme d’autres sont nés hommes. […] Le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. »

1. Définition du concept

S’agissant d’un concept faisant beaucoup grincer les dents et étant vivement débattu dans l’espace public, nous jugeons utile d’aborder la problématique du “ white privilege ». 

Tout d’abord, il est important d’avoir en tête la définition du mot privilège. Selon le dictionnaire Le Robert,  le privilège est  un “ droit, avantage particulier accordé à un individu ou à une collectivité, en dehors de la loi commune” [1] .

Ainsi, tout être humain, de manière générale, est soumis à des privilèges qui peuvent être directement liés à son apparence, à son appartenance ethnique ou encore à sa classe sociale.

Quand on parle de privilège blanc, de blanchité, on ne vise donc pas à accuser les personnes blanches d’être blanche, mais plutôt à souligner les privilèges dont elles diposent dans un monde où le racisme systèmique* prévaut [2]. 

En effet, la blanchité permet de tirer avantage involontaire, voire inconsciemment , du fait que d’autres personnes soient racisées donc discriminées” [3].

Enfin, nous pouvons reprendre la définition du “privilège blanc” utilisée par la ligue des droits et liberté qui nous semble assez précise et consise; c’est  un ensemble d’ « avantages invisibles mais systématiques dont bénéficient les personnes dites « Blanches » uniquement parce qu’elles sont « Blanches » [3].

* Voir article “ qu’est-ce que le racisme? ” pour les différents types de racisme.

2. Apparition du terme en Amérique

Le terme “white privilege”, traduit en français comme privilège blanc, est apparu aux États-Unis à partir des années 60, par les activistes et universitaires [4]. C’est pourtant Peggy McIntosh, féministe, activiste blanche et auteure en 1989 de l’article “ White Privilege: Unpacking the Invisible Knapsack” *, qui théorise le concept. Elle énumère des exemples concrets de ce que représente le privilège blanc. [4] 

“Becoming an ally to those who are not very good at making it through the system is a great way of using what privilege you do have to help those who have less,” Peggy McIntosh, associate director of the Wellesley Centers for Women, told her Harvard audience. McIntosh was on campus to present the second in a series of diversity dialogues hosted by the Faculty of Arts and Sciences.

Katie Koch, « Using privilege helpfully' », The Harvard Gazette, photographiée par Stephanie Mitchell, publié le 19 décembre 2012, disponible sur https://news.harvard.edu/gazette/story/2012/12/using-privilege-helpfully/

Mais qui est-elle? Née en 1934, Peggy McIntosh grandit dans une famille aristocratique dans le New Jersey. Elle étudie à Radcliffe et obtient un doctorat d’anglais à Harvard [7]. Son ouvrage reste un appui théorique couramment utilisé en sociologie [8].

Dans son article, on lui reproche pourtant de mélanger dans certains points de sa liste le “privilège blanc” et le privilège de sa classe sociale. [4] Cette critique permet de concevoir la connexion entre ces deux luttes et repenser au concept d’ ”intersectionnalité”, popularisé par la sociologue Patricia Hill Collins, féministe noire [8]. 

3. Une période tumultueuse

L’émergence du concept et sa revendication apparaît dans une période tumultueuse et représente une nécessité. Les “sixties” représentent une période de changements et de luttes pour les Afro-descendants aux Etats-Unis. 

En effet, durant cette décennie, les luttes pour l’égalité entre les “races” ont permis le début d’une “déségrégation” de la vie quotidienne des Noirs américains avec la loi sur les droits civiques de 1964 adoptée par le président Lyndon Johnson qui abolit certaines discriminations liées à la race. [5] Néanmoins, le chemin est long et périlleux; les Noirs continuent à subir des discriminations à l’embauche, à l’accès à l’enseignement, dans les lieux publics *, au droit de vote, etc. [5]

Plusieurs mouvements de luttes pour l’égalité des races émergent. Le mouvement  afro-américain des droits civiques (entre 1954-1968) en est un et manifeste contre l’inégalité de traitement entre les ”races”. Martin Luther King  -pasteur américain- en est l’emblème et est assassiné en 1968. [6] Cet exemple, parmi d’autre, permet de rendre compte d’une prise de conscience et d’une pensée générale qui a amené à conceptualiser “le privilège blanc”. 

Depuis les années 2000, ce terme s’est vulgarisé et s’est installé dans l’espace public [4] Précurseur d’une nouvelle façon d’appréhender le racisme, le concept amène de nombreux débats.

3. Controverse et débat dans l’espace public

La notion de privilège blanc a profondément divisée. Ce terme utilisé pour illustrer l’expérience des personnes racisées et les effets du racisme a été jugé comme une attaque, une arme à l’encontre des personnes blanches. 

Tout d’abord, ce terme apparaît, pour certains, comme un outil “contre-productif” en ce qu’il renforce la distinction entre personnes racisées et non racisées. [9] C’est ainsi que nous avons pu apercevoir des réactions vives de haine ou d’incompréhension, criant au “reverse racism” ou à la victimisation des personnes racisées. 

Or, le sociologue Eric Fassin, co-auteur de “De la question sociale à la question raciale”, rappelle qu’il ne s’agit pas d’une notion qui entérine les inégalités raciales mais au contraire il s’agit d’un concept qui contribue à mettre en lumière le racisme. Ainsi, selon ce dernier, “il est important de rappeler que les racisés ne sont pas définis par leur couleur de peau, mais par leur expérience similaire du racisme. Quand on est un parent racisé, on ne s’inquiète pas de la même manière quand nos ses enfants rentrent un peu tard le soir. Ça ne veut pas toujours dire qu’on a raison de craindre le racisme, mais la charge réside dans le fait d’avoir à se poser la question. En tant que blanc, si on me refuse un appartement, je ne me dirais pas que c’est pour cette raison. C’est un privilège.” [11]

Ensuite, certains refusent d’accepter ce concept en raison des différences historiques entre les Etats-Unis et les pays européens. Force est néanmoins de reconnaître que le privilège blanc est bel et bien une conséquence des inégalités raciales, et ce peu importe le lieu. Tel que la sociologue française Claire Cosquer l’exprime, “l’existence d’inégalités suppose donc, en toute logique, l’existence de privilèges. Dès lors, dire que le « privilège blanc » n’existe pas en France revient de façon rigoureusement identique à affirmer que le racisme n’existe pas en France”. [10] (Ce même constat peut être appliqué en Belgique). 

Sources 

[1] Le Robert, dictionnaire en ligne , consulté le 10 juillet 2021, disponible sur www.lerobert.com,
[2] M.Cervulle “la conscience de domination.Rapports sociaux, race et subjectivation”, Cahier du genre, 2012/2, n°53, pp.38-39.
[3] A. Pierre, “ Ligue des droits et libertés, “Mots choisis pour réfléchir au racisme et à l’antiracisme ”, Revue des droits et libertés, automne 2016, disponible sur www.liguedesdroits.ca 
[4] L. Quiroz, “Le “privilège blanc” : une notion contre-productive pour combattre le racisme ?”, disponible sur https://www.gaucheanticapitaliste.org, publié le 21 novembre 2017. 
[5]V. Laroche-Signorile, “Ségrégation et discrimination aux Etats-Unis dans les années 60”, disponible sur https://www.lefigaro.fr, publié le 20 février 2015. 
[6] U. N'Gbatongo, “Les mouvements afro-américains des droits civiques des années 1960”, disponible sur https://les-yeux-du-monde.fr, publié le 27 mai 2018. 
[7]W. Ray, “ “Privilège blanc” : ce qui se cache derrière le slogan”, disponible sur https://www.lepoint.fr, publié le 30 septembre 2018. 
[8]N. Lisa Cole, “Understanding and defining White privilege”, disponible sur https://www.thoughtco.com, publié le 22 juin 2020.
[9] C. Simon, “Antiracisme : quatre questions à se poser sur le concept de “privilège blanc””, disponible sur https://www.leparisien.fr, publié le 10 juin 2020. 
[10] C. Cosquer, “ L’expression de “privilège blanc” n’est pas dénuée de toute pertinence pour penser le contexte français”, disponible sur www.lemonde.fr, publié le 16 juin 2020. 
[11] O. Diallo, “ Eric Fassin : “Les racisés ne sont pas définis par leur couleur, mais par leur expérience du racisme”, disponible sur https://information.tv5monde.com, publié le 28 avril 2020. 
Racisme Anti-Blanc

Racisme Anti-Blanc

Racisme Anti-Blanc

 

1. Racisme ou Discrimination ?

Nous trouvons nécessaire de commencer par faire un renvoi à notre article « Qu’est-ce que le racisme » [1] où nous vous expliquions les différentes formes qui caractérisent le racisme et la différence qui existe avec la discrimination. Dans cet article, nous insistions déjà sur le fait que le racisme repose sur la croyance qu’il existe différentes « races » classées hiérarchiquement entre elles. Et, comme nous l’expliquons dnas notre dernier article, cette hiréarchie produit des désavantages pour les personnes racisées ainsi que des avantages pour les personnes blanches. Ce phénomène est appelé le « White Privilege ». Comme l’exprimait déjà la chercheuse américaine Peggy MacIntosh dans les années 90, en étant considéré comme faisant partie de la « race » dominante, elle ne pouvait, en tant que blanche subir du racisme et être discriminée pour un logement ou un emploi à cause de sa couleur de peau [2].

Il est important de souligner que nous ne cherchons pas à décrédibiliser l’expérience des victimes de discrimination. Mais « ces actes individuels sont généralement perpétrés par une personne isolée et ne peuvent pas être comparées ou assimilés à du racisme » au vu de l’ancrage historique et systémique que porte le racisme [3]. Dans un interview pour France Culture, le sociologue Eric Fassin appuie sur cette différence. Selon lui, « dire que traiter de ‘sale blanc’ ou traiter de ‘sale noir’ c’est le mëme chose, c’est faire comme si, quand on disait ‘sale blanc’ ça résonnait avec toute une histoire, avec toute une expérience sociale ordinaire et avec tous les discours politiques » [4]. Alors que le discrimination  ne revët qu’une dimension interpersonnelle, le racisme englobe à la fois des dimensions interpersonnelles, interstructurelles, institutionnelles et systémiques [5]. La domination sociale des personnes blanches étant toujours actuelle, être insulté·e·x parce qu’on est blanc sera donc perçu comme une discrimination mais ne pourra ëtre comparable au racisme systématique, perpétuel et généralisé que subissent les personnes racisées [6].

 

2. L’Émergence du Terme « Racisme Anti-Blanc » Dans Divers Milieux

En France, parler du racisme anti-blanc n’est pas sans lien avec la montée du Front National depuis plus de vingt ans. Jean-Marie Le Pen déclare en 1985, avec d’autres mots: « Je condamne tous les racismes, y compris le racisme anti-Français. C’est celui là qui, dans ce pays, sévit le plus gravement » [7]. En effet, face aux nombreux mouvements anti-racistes, le sociologue Erwan Lecoeur explique le contre-coup tenté par le FN pour dénoncer des accidents qu’il dénonce de dommages du « racisme-anti-blanc ». Il s’agit selon lui, d’une technique de persuasion politique [7].

Le monde du football a également amené la question sur la table lorsque le footballeur français Lilian Thuram dans une interview au Corriere dello Sport s’est positionné sur le racisme présent dans le milieu [8]. Il déclare également « Il est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être. C’est quelque chose qui dure malheureusement depuis des siècles [9]. Le commentateur Pierre Ménès répond plusieurs semaines suivant l’incident que le « problème en France, en tout cas dans le foot, c’est le racisme anti-blanc » [9]. L’amalgame s’est rapidement retourné contre Lilian Thuram et il dois de défendre en parlant du « complexe de supériorité » des blancs [8].

 

3. Le lien avec la fragilité blanche

Il pointe là ce qu’on appelle la fragilité blanche. Concept fondé en 2018 par l’auteure Robin Di Angelo, sociologue de l’éducation multiculturelle, la fragilité blanche représente la difficulté des personnes non-racisées à parler et assumer le racisme dans lequel ils sont impliqués. Il représente ce mécanisme de défense qu’ont les Blancs quand on parle de racisme, lorsqu’ils se sentent associés à la suprématie blanche et ses dérives « visibles » [10]. Il est important de noter que ce système est une réaction très souvent inconsciente et qui est fortement liée au malaise des Blancs face au « stress racial » ou plus largement, face aux discussions portant sur le racisme.

Ainsi, « … l’on croit que les actes racistes sont uniquement commis par de mauvaises personnes souhaitant sciemment en heurter d’autres, alors pointer du doigt le comportement raciste de quelqu’un remet en question sa moralité. » [11] . Nous pouvons ainsi créer un lien avec le racisme anti-blanc. Chaque personne a sa perspective et connaît sa propre expérience du racisme. Néanmoins, tel que l’explique la journaliste Paloma Soria Brown, le racisme est tout d’abord une question d’équilibre des pouvoirs et « lorsque l’on est en situation de pouvoir, on peut utiliser ses sentiments pour détourner l’attention du vrai problème et conserver ce pouvoir » [11].  En invoquant le racisme anti-blanc, une comparaison est opérée avec le racisme, décrédibilisant ainsi les expériences des personnes racisées pour qui les conséquences du système racial se fait plus lourdement ressentir.

 

Sources

[1] https://racism-search.be/uncategorized/quest-ce-que-le-racisme/
[2] N. Rousseau, "Le racisme anti-blanc n'existe pas!", disponible sur www.bepax.ors, publié le 28 octobre 2016.
[3] B. Betty, "Pourquoi le racisme anti-blanc n'existe pas!", disponible sur www.metly.fr publié le 18 février 2020.
[4] E. Mourgues "Le racisme anti blanc n'existe pas. Ça n'a pas de sens pour les sciences sociales", disponible sur www.franceculture.fr, publié le 10 octobre 2018
[5] R. Duallo, "Pourquoi le racisme anti-blanc n'existe pas", disponible sur www.regards.fr, publié le 27 septembre 2018
[6] Tapage, "Le VRAI/FAUX du racisme", disponible sur www.tapage-mag.com publié le 10 juin 2020
[7] J. Jarrassé, "Le racisme anti-Blanc un concept hérité du FN", disponible sur https://www.lefigaro.fr, publié le 26 septembre 2012
[8] M. Fourny, "Racism: Lilian Thuram recadré par la Licra pour des propos anti-Blancs", disponible sur www.lepoint.fr publié le 6 septembre 2019
[9] C. Dieng, "Lilian Thuram et le racisme anti-Blanc: ce faux prétexte pour précipiter la Guerre Civile en France", disponible sur www.lecourrier-du-soir.com, publié le 8 septembre 2019
[10] Courrier International, "La fragilité blanche, une notion qui fait réfléchir les Américains", disponible sur https://www.courrierinternational.com, publié le 4 juin 2020
[11] P. Soria Brown, "Robin DiAngelo: Les Blancs se protègent, eux et leur racisme, pour maintenir le statu quo", disponible sur www.liberation.fr, publié le 14 juillet 2020.
La sous représentation

La sous représentation

La Sous-Représentation: Manque de Diversité

 

Les mouvements anti-racistes de ces dernières années ont ramené au devant de la scène une discussion qui a souvent été balayée sous le tapis : celle du manque de diversité dans les médias. Cette problématique est en réalité double. Il y a non seulement un manque de représentation mais il y a également une mauvaise représentation des communautés racisées. Malgré l’apparition croissante des minorités à l’écran depuis les années 2000, ces dernières restent toujours attachées à des rôles peu importants ou encore à des clichés [1]. Dans ce premier article, nous allons tenter de répondre à certaines questions primordiales : qu’est-ce que la sous-représentation ? Quelle est son importance ? Quelles sont les conséquences de la sous-représentation ? [a]

Qu’est ce que la sous-représentation ?

La sous-représentation est, en réalité, un aspect du racisme. Elle décrit une situation de déséquilibre dans laquelle les minorités sont moins représentées à divers rangs et les Blancs sont disproportionnellement plus présents que les autres groupes ethniques dans les positions les plus convoitées.

En avril 2018, Le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) met en avant ce problème dans son 4ème baromètre sur la diversité et l’égalité. En effet, la diversité régresse dans l’ensemble des types de programmes et cela même dans les rôles médiatiques les plus valorisés. Lors de ce même rapport, on apprend que les rôles “ prestigieux” sont les moins diversifiés ( quelques chiffres .. 29% porte-paroles, 6% d’experts issus de la diversité ) [b]et que les minorités sont surtout présentes dans les rôles passifs et principalement dans le domaine du sport [2].

Pourquoi est-ce problématique dans le monde du cinéma ?

Poster pour Crazy Rich Asians

Poster pour Crazy Rich Asians

Poster pour Black Panther

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le monde du cinéma, on est face au même constat. En avril 2016 le mouvement #OscarSowhite est d’ailleurs lancé pour mettre en avant l’existence des acteur.rice.s non-blanc.he.s aux Oscars. Malgré les quelques avancées, notamment en 2018 avec Black Panther ( film mettant en avant la communauté noire) et Crazy Rich Asians[c][d] ( film mettant en avant la communauté asiatique), à Hollywood, le problème persiste encore. Chez nous aussi. En effet, dans les films, les Asiatiques ainsi que les Noir·e·s ou les Arabes incarnent généralement des seconds rôles empreints de stéréotypes grossiers [3] .

 

La vision des personnes racisées

La consommation d’images et de médias affecte notre vision de la réalité. Ainsi, ce que nous voyons à la télévision influence notre manière de voir les autres [4]. La manière dont un groupe ethnique est représenté peut créer des nouveaux préjugés.

De plus, en Europe, il y a peu ou pas de contact entre les différents groupes ethniques. Bien qu’ils coexistent, nous savons que les groupes ethniques ne se côtoient pas énormément. Forbes relaye que “des études démontrent que les audiences substituent la réalité par les stéréotypes qu’ils voient à l’écran quand ils n’ont pas d’interactions directes avec des groupes raciaux particuliers.[f][g] Par exemple, les stéréotypes des Latinos dans les médias peut entraîner les audiences à associer négativement l’immigration avec l’augmentation du chômage ou des crimes” [5]. Cette observation sur les Latinos peut facilement s’appliquer à la représentation des Noirs et des Arabes en Belgique et en France.

Le manque de diversité est également ressenti derrière l’écran. Les histoires et/ou expériences des minorités sont racontées par des ceux qui ne connaissent qu’une partie de leur vécu. Il y a alors un écart entre la réalité et son reflet à la télévision.

[…] pour ce qui est de la représentation des minorités à la télévision, la persistance des discriminations a pu être imputée tantôt aux institutions publiques qui n’exercent pas leur rôle coercitif, tantôt à la frilosité des patrons de chaînes, tantôt aux réticences supposées du public, tantôt aux écoles de journalisme dont le recrutement serait peu « ouvert à la diversité », etc. [6]

“Les médias, aujourd’hui aussi bien qu’il y a 50 ou 100 ans tendent à assimiler les étrangers, les immigrés, les réfugiés ou les minorités à un problème et s’y réfèrent par « eux » plutôt que comme une partie intégrante de « nous » ~T.A. Van Dijk [h][i]

 

L’impact de l’invisibilité médiatique sur les personnes racisées :

Le manque de diversité dans les médias affecte également la vision que les communautés racisées ont d’elles-même. Des études montrent par exemple que les jeunes racisé.e.s peuvent ressentir une baisse d’estime de soi [7]. Comment l’expliquer ? Se voir représenter dans diverses situations a un impact direct sur la manière dont on se positionne par rapport aux personnes de son environnement [8]. Un jeune qui voit une personne de sa complexion avec une histoire similaire à la sienne réussir dans le monde professionnel lui donne la sensation qu’il est capable d’atteindre un poste identique. Par exemple : être journaliste ou présentateur.trice télé.

 

Sources

[1] J. Rodier, “À la télévision, « la représentation des minorités ne se réduit pas à une question arithmétique” ”, disponible sur www.ina.fr, publiée le 29 novembre 2019.
[2]Association des journalistes professionnels, “ Etude de la diversité et de' l'égalité dans la presse quotidienne belge francophon” , disponnible sur www.csa.be
[3] C goffard, “ l’invisibilité des communautés asiatiques dans le cinéma occidental quel pouvoir a le cinéma sur notre imaginaire ? ”, disponible sur www.media-animation.be , publiée le 12 juin 2019.
[4] Nancy Wang Yuen, “Why is equal representation in media important”, disponible sur www.forbes.com, 22 mai 2019.
[5]Ibidem.
[6] M. Nayrac , "La question de la représentation des minorités dans les médias ou le champ médiatique comme révélateur d'enjeux sociopolitiques contemporains", Cahiers de l'Urmis, disponible sur www.journals.openedition.org, 13 octobre 2011.
[7] Nancy Wang Yuen, “Why is equal representation in media important”, disponible sur www.forbes.com, 22 mai 2019.
[8] Christophe André, “L’estime de soi”, Recherche en soins infirmiers, n°82, 2005/3, p. 27.

 

Pourquoi le Père Fouettard est-il Problématique?

Pourquoi le Père Fouettard est-il Problématique?

Lorsqu’il est fait référence à la connotation raciste qui ressort de la représentation du Père fouettard (grimé tout en noir avec des grosses lèvres rouges, les cheveux afro), beaucoup défendent que l’image du Père fouettard n’est pas péjorative.  En effet, il est défendu, par exemple, que le Père fouettard a la peau noire car il est censé descendre de la cheminée. Nous allons tenter de vous expliquer en quelques points pourquoi la vision actuelle du père fouettard, en Belgique, est problématique. 

 

Origine et histoire du père fouettard en Belgique 

Tout d’abord, précisons que St-Nicolas a historiquement plusieurs compagnons, et ces derniers ont une déclinaison différente dans chaque coin du globe. Cependant, ce compagnon garde les mêmes caractéristiques : méchant, menaçant et laid [1]. Lors de l’apparition du Folklore de Saint-Nicolas au 16ème siècle en Europe, il était accompagné du diable. Ce dernier avait  pour but de punir les mortels qui agissaient mal et surtout les enfants qui n’étaient pas sages. A cette époque il n’y avait pas beaucoup de différences entre le diable et un maure ( population noire d’Afrique du Nord ) et l’amalgame a commencé à voir le jour [2] . En effet, selon des légendes, Saint-Nicolas, ainsi que son serviteur, venaient de l’Espagne Maure [3].

En Belgique et  au Pays-Bas, nous avions une représentation similaire : le Zwarte piet, appelé “Père fouettard” dans la partie francophone belge.  Ce personnage a vu le jour pour  la première fois dans l’œuvre de Jan Schenkman intitulé ‘ St Nikolaas en zijn Knecht “( St Nicolas et son serviteur ) en 1850. A cette époque, le Père fouettard est représenté comme le serviteur de Saint-Nicolas. Son apparence était déjà une référence directe aux esclaves, notamment en raison de leurs habits de Maure originaires d’Afrique du Nord. Cependant, ce n’est qu’à la fin du 19e que le Père fouettard commence à avoir des traits physiques utilisés pour caricaturer l’Homme africain (les lèvres rouges et volumineuses, les cheveux afros, la peau très foncée) [4].  

 

 

Père fouettard, Educol.net

Cette caricature du Père fouettard qui subsiste depuis le 19ème siècle a un impact direct et négatif sur les enfants afro descendants. En effet en se grimant en noir et en ayant tous les trait de la caricature de la personne noire, le père fouettard  incarne la pratique  de la blackface. Vu par certain.e.s comme un déguisement, cette pratique  est humiliante et raciste pour les personnes pour qui “ être noir “ n’est pas un déguisement [5].

 

 

 

 

 

Comme nous l’avons déjà vu avec vous, le racisme se décline en plusieurs branches et il est composé de plusieurs aspects  tels que  les préjugés. Et bien qu’elle ne soit pas reconnue  légalement comme étant une forme de discrimination raciale punissable, cette représentation du serviteur noir et méchant accompagnant St-Nicolas dans le but de punir les enfants renforcent les stérotypes sur la dangerosité de l’Homme noir  [6]. D’ailleurs, une étude  faites en 2015 démontre que lorsqu’on demande à des enfants afro descendants  ce que représente le Père fouettard, la plus grande partie ( 63,5%) disent que c’est un homme noir. En effet, seulement une minorité est consciente que le Père fouettard est un homme blanc, ramoneur, sali par la suie de la cheminée.  Cette même étude démontre que 76,6% des enfants s’identifient à ce dernier, notamment parce qu’ils partagent une même couleur de peau [7]. 

Benoit de Freine, November 2022, Een Roetpiet in Antwerpen, DeMorgen

Une représentation d’un homme blanc avec de la suie sur le visage comme le roetpiet serait  une  réprésentation plus  juste qui, au final, satisferait tout le monde. Dès le plus jeune âge, ces enfants sont dès lors confrontés à une image péjorative qui leur vaut des remarques et des piques racistes de leur entourage:

« Dans l’école communale, on était les seuls Noirs, à chaque fois qu’il y avait la Saint-Nicolas et que Zwarte Piet venait, on avait droit à : “Oh, mais c’est ton père qui est là !” » Julien, 20 ans

 

« Des fois, le prof me disait : “Eh, hein, tu fais le malin, hein ? Zwarte Piet !” C’était très péjoratif, voire même insultant. » Baseya, 21 ans

 

« On me disait : “Ouais, Zwarte Piet, c’est vous, c’est comme ça que vous êtes !” Nous qui ? Nous les Noirs ! En fait, Zwarte Piet c’est censé être nous. » Henri, 27 ans

 

Sources 

[1] K. Lemmens, “ The dark side of ‘Zwarte Piet’: A misunderstood tradition or racism in disguise? A legal analysis”. The International Journal of Human Rights  21 (2),p .
[2] E. Boer-Dirks, “ Nieuw licht op zwarte piet. Eeen kunsthistorisch antwoord op de vraag naar de herkomst “, Volskundig Bulletin, 19 ( 19933), pp.1-8.
[3] M.S,  “ Qui sont les trois terrifiants compagnons de Saint-Nicolas à travers l’Europe ? ”, disponible sur www.20minutes.fr, publié le 30 décembre 2019.
[4] Caroline Lallemand , “La Véritable histoire du père fouettard”, disponible sur www.levif.be, le  21 novembre  2019.
[5] X, “ père fouettard : ne pas laisser à la portée des enfants”,  disponible sur www.lalibre.be, le 06 décembre 2018.
[6] Unia, “ père fouettard : la position d’Unia “,  disponible sur www.unia.be , le 14 novembre 2016.
[7] M-T. Robert, “ blackface :  au chevet du privilège blanc”,  Tumultes, 2020/I ( n°54), pp 143-144.
[8] ibidem p.141.