Qu’est-ce que l’adoption transraciale ? 

Que ce soit à la télévision, dans les magazines, dans les livres ou dans notre propre vie, nous connaissons chacun.e une situation impliquant une adoption internationale définie commeune adoption par laquelle l’adopté ou l’enfant à adopter est déplacé vers un autre pays que son pays de résidence habituelle”[1]. 

Ce phénomène devenu, à notre époque, courant, est perçu comme un acte d’amour et de bonté et représente un des processus pour constituer ou agrandir une famille.  Dans le cadre de ce post, nous allons nous concentrer sur le racisme sous-jacent dans un type d’adoption internationale : l’adoption transraciale.

 Une adoption transraciale est “une adoption dans laquelle l’enfant placé est d’une race ou d’une origine ethnique différente de celle des parents. Le plus souvent, l’adoption transraciale implique des parents blancs et des enfants noirs, latinos ou asiatiques. Souvent, une adoption transraciale est également transculturelle, l’enfant adopté venant d’un pays ou d’une culture différent ainsi que d’une origine raciale différente”.[2]

Il nous importe de souligner que l’adoption transraciale n’est pas, en tant que telle, une procédure teintée de racisme et l’objectif de ce post n’est en aucun cas d’aboutir à une conclusion aussi simpliste. Néanmoins, il est évident que l’adoption transraciale présente certaines conséquences préjudiciables pour l’enfant adopté tenu de s’intégrer dans une société dont la culture et l’héritage sont différents des siens. 

En quoi l’adoption transraciale peut-il être problématique ?

Le complexe du Sauveur Blanc

La volonté d’adopter est une noble intention. Néanmoins, lorsque le parent candidat à l’adoption choisi délibérément de voyager à l’autre bout du monde pour adopter, il est important de déterminer correctement les raisons de ce choix. Il n’est, en effet, pas rare que ledit parent fasse le choix d’adopter ailleurs pour booster son ego, se sentir comme un héros en sauvant un pauvre enfant non blanc de sa misère. L’origine et la couleur de peau de l’enfant devient une condition d’adoption.

Le problème réside ensuite dans l’effort fourni pour que l’enfant adopté se sente compris et respecté. En effet, le simple fait d’offrir un foyer à un enfant n’est pas suffisant. 

Ainsi comme témoigne Joohee Bourgain : “Beaucoup de familles adoptantes ignorent ce qu’implique d’élever une personne non blanche dans une société profondément structurée par le racisme, elles se retrouvent parfois en position d’euphémiser la violence vécue par leur enfant à l’extérieur du cercle familial, par maladresse, par ignorance, par inertie. Les témoignages d’adopté. es évoquant des situations de racisme intrafamilial sont également fréquents.

Le seul moment où, étrangement, nos familles ne sont pas aveugles à la “race sociale”, c’est au moment du choix du pays dans lequel elles vont adopter. Là, notre origine et notre couleur de peau constituent des critères d’adoptabilité (plus ou moins assumés par nos familles), au même titre que l’âge, le genre et la validité.” [3]

Au sein des personnes blanches , on retrouve souvent  une forme de “ color blind”. Par cette idéologie, les personnes blanches vont prôner qu’elles ne voient pas la couleur, et que de ce fait, elles ne sont pas racistes [4].

1. Un  déni de sa réalité 

Ce même raisonnement se retrouve dans plusieurs famille adoptive blanche. Partant d’une bonne intention, elles auront tendance à dire à leurs enfants qu’ils sont comme leurs camarades et vivent les mêmes expériences . En se faisant, il y a un déni de la réalité de l’enfant racisée [5]. En effet, dans une société raciste, on ne peut nier que la couleur existe et que les privilèges et l’expérience de vie ne peuvent être comparables. 

Ce constat est d’ailleurs appuyé par le réalisatrice  Néhémie Lemal. Cette dernière parle du déni de sa famille en soulignant que “ Même si j’ai grandi et ai été élevée en ne voyant pas les couleurs, je serai toujours cette fille NOIRE, avec des clichés qui me suivent malgré tout dès que je sors de mon cercle familial. C’est ça ma véritable solitude.”[5]

2. Un rejet de sa culture d’origine 

Dénier l’identité raciale de son enfant entraîne aussi une déni de son identité culturelle*. Comme les enfants métisses* Il est  important, pour la construction identitaire des cer derniers, qu’ils connaissent toutes leurs cultures. Malheureusement, on remarque souvent que les enfants issues d’une adoption transraciale, ont rarement eu un accès à leur culture d’origine [6]. Cela s’explique par le fait que les parents, ne prennent pas toujours la peine de se renseigner sur la culture d’origine de leur enfant. Cette « compétence bi culturelle” manquante, les parents ne sont par exemple pas capables de s’occuper des cheveux de leurs enfants, de répondre à leurs questions concernant leurs origines, de leur faire goûter leur plat pays de naissance, de participer à des fêtes traditionnelles  ect.. [6]

* Par métisses,nous entendons tout enfant qui est issu de deux cultures ou plus

* L’identité culturelle est définie dans la littérature anglo- saxonne comme l’ensemble des croyances, comportements sociaux, rites, coutumes, traditions, valeurs, langues, institutions d’une culture

3. Une possibilité de racisme intégré

Comme nous pouvons aussi l’observer auprès de personnes racisées ayant grandi dans un environnement majoritairement blanc, ces derniers peuvent intégré le racisme qu’elles subissent. En effet, comme le souligne Joohee  Bourgain, les enfants adoptés dans ce type d’adoption subissent de nombreux préjudices dû au déséquilibre des rapports des pouvoirs asymétriques et coloniaux présents [3]. Le racisme qu’ils subissent et qu’ils intègrent en fait partie. Cela peut parfois mener à un déni de leurs origines et à une perpétuation des préjugés dans lesquels ils ont été baignés.

Le but de cet article n’est donc pas de diaboliser l’adoption internationale mais de remettre en cause les raisons qui poussent certains parents à passer par cette adoption, ainsi que le racisme et discriminations que peut subir un enfant issu d’une adoption transraciale.  En effet, une fois qu’on s’est posé les bonnes questions et qu’on décide de continuer dans la démarche d’une adoption transraciale, il faut tout mettre en place pour que l’enfant ne soit pas complètement coupé de son (ses) origine(s) culturelle(s) et ethnique(s). Les parents adoptifs doivent se renseigner pour ne pas continuer les stéréotypes raciaux que nous fournit la société. Ils doivent aussi accepter que leur enfant racisé ne peut vivre la même expérience qu’un enfant blanc dans une société  qui est encore raciste. 

 

Sources

[1] Définition utilisée par le Service à l’étranger, disponible sur https://diplomatie.belgium.be/fr/Services/services_a_letranger/etat_civil/adoption_internationale

[2] Définition provenant de Spiegato et disponible sur https://spiegato.com/fr/quest-ce-que-ladoption-transraciale

[3]Joohee Bourgain, “Il faut écouter les personnes adoptées plûtot que les mythes dont elles font l’objet”, disponible sur www.huffigtonpost.fr, 19 novembre 2020. 

[4] R. Diangelo  “ White fragility- Why it’s so hard for white people to talk about racism”  society politics pp. 40-41.

[5]  Enfance et famille adoptive, “ Racisme et discrimination”,  disponible sur 

www.adoptionefa.org. consulté le 3 mai 2022.

[6] A. Hard, S. Skandrani, E.  Mazeaud, A.  Revah-Levy, A. & M.  Moro, M. “Le concept d’identité culturelle chez les enfants adoptés : quelle pertinence ?”. La psychiatrie de l'enfant, vol 58, p. 302.